L’attitude de l’Espagne dans l’affaire Brahim Ghali suscite beaucoup d’interrogations et d’incompréhensions. «Comment peut-on imaginer un pays qui se présente comme un Etat membre de l’Union européenne, soucieux du respect des droits de l’Homme, accueillir dans des conditions rocambolesques un individu faisant l’objet de plaintes pour des crimes extrêmement graves: torture, séquestration, génocide, viol, etc.?», s’interroge d’emblée Rachid Lazrak.
Quel est le degré de complicité de l’Espagne avec les gouvernants d’Alger? Est-ce que l’Espagne était informée de l’entrée de cet individu sur son territoire sous un faux nom? Lazrak n’y va pas par quatre chemins, se disant convaincu que «la responsabilité de l’Espagne est aujourd’hui engagée et ne peut en aucun cas être ignorée». Il rappelle à ce titre les révélations du quotidien espagnol La Razón selon lesquelles les conditions d’accueil de Brahim Ghali ont fait l’objet de négociations de haut niveau entre les autorités espagnoles et algériennes, ajoutant que des garanties ont été données à Alger de sorte à ce que cet individu ne soit pas inquiété, même s’il fait l’objet depuis 2016 de plaintes pour des crimes atroces.
Pour ce spécialiste du droit international, l’impact de cette affaire sur les relations entre le Maroc et l’Espagne est énorme car, dit-il, il y a eu une rupture d’un contrat de confiance et de loyauté entre deux pays liés par un partenariat stratégique.
D’un point de vue juridique, l’attitude de l’Espagne dans cette affaire constitue une violation à tous les niveaux, aussi bien pour le droit interne espagnol, que pour le droit international ou encore le droit européen, estime Lazrak.
Vue sous l’angle du droit espagnol, cette attitude enfreint le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. «Il ne peut y avoir une immixtion du pouvoir exécutif dans le pouvoir juridictionnel», soutient Lazrak, en rappelant l’existence d’un précédent, le cas de l’ancien dictateur chilien, Augusto Pinochet, où des textes de lois ont été refondus pour permettre à ce dernier de quitter l’Angleterre sans être poursuivi par l’Espagne.
C’est également une violation du droit international lequel interdit de laisser circuler de façon libre un individu alors qu’il est poursuivi ou faisant l’objet de plaintes pour des crimes d’une extrême gravité, a-t-il ajouté.
D’un point de vue droit européen, a-t-il enchaîné, les règles de l’espace Schengen ne permettent pas à un individu de se déplacer librement entre les pays membres de cet espace alors qu’il doit répondre des accusations de tortures, de viol et de génocide.
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Par ailleurs, l’octroi du passeport diplomatique algérien à Ghali, Alias Benbattouch, est très important pour le Maroc, estime Lazrak. «Nous savons tous que l’Algérie donne des passeports de service aux dirigeants du polisario pour qu’ils puissent se déplacer. Mais, dans le cas de Ghali, c’est un cas particulier, parce que ce dernier cumule deux fonctions. Il est à la fois secrétaire général du polisario et président d’une prétendue république sahraoui qui a son siège à l’Union africaine. Comment cet individu peut-il se présenter devant l’Union africaine avec autant de plaintes contre lui et surtout avec un passeport algérien?», s’interroge le juriste.
Avec l’affaire Ghali, conclut Rachid Lazrak, les masques sont en train de tomber et même avec un passeport diplomatique, «cet individu doit tomber sous le coup de la justice espagnole».