C’est accompagné de son épouse, Ghita, que Saad Lamjarred a comparu libre au premier jour de son procès devant la cour d’assises de Paris, le 20 février au palais de justice. Ce jour-là, il doit affronter à la barre Laura Prioul, la jeune femme qui l’accuse de l’avoir violée en octobre 2016.
L’histoire, très médiatisée, a fait la Une de la presse en France, au Maroc et dans tout le monde arabe. Les versions des deux protagonistes se rejoignent sur de nombreux faits. Leur rencontre dans un club, le «Matignon», une soirée arrosée, agrémentée de cocaïne, qui se poursuit à l’hôtel Intercontinental dans la chambre d’un couple, avant de se terminer dans la chambre 714 de l’hôtel Mariott Champs-Elysées, occupée par Lamjarred, qui devait donner un concert trois jours plus tard sur la scène du Palais des Congrès de Paris.
La scène reconstituée en images
Lors du premier jour du procès, rapporte notre source, des images filmées par les caméras de surveillance ont été visionnées devant la Cour. Il est 5h45, au Mariott des Champs-Elysées, quand Saad Lamjarred et Laura Prioul montent dans l’ascenseur qui va les mener au 7ème étage de l’établissement. Ils ressemblent à un couple parfaitement normal. Elle l’embrasse dans le cou, pose sa tête sur son épaule… Jusque-là, témoignent les images, tout va bien.
Le couple va ensuite passer en tout et pour tout 3 heures et 30 minutes dans la chambre 714, où ils vont, selon leurs dires à tous deux, boire du champagne, écouter de la musique, danser et devenir plus intimes, s’embrasser, flirter… Devant la Cour, des photos de la chambre sont visionnées. La moquette sur laquelle s’est installé le couple. Le lit, encombré de vêtements.
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C’est sur la suite de cette fin de soirée que les versions divergent. Elle l’accuse de l’avoir violée et violentée. Devant la Cour, des photos de son épaule tuméfiée sont montrées. Lui nie le viol. Il raconte l’avoir embrassée, lui avoir léché les seins, puis décrit un changement de comportement radical chez Laura Prioul, qui l’aurait alors frappé, griffé dans le dos et dans le cou. Suite à quoi, il se serait défendu en retour en la repoussant.
Les témoins appelés à la barre
Jusqu’à 21h, au palais de justice Paris, des témoins cruciaux dans cette affaire ont été appelés à témoigner à la barre. A commencer par Saad Lamjarred lui-même. «J’ai attendu ce moment pendant presque sept ans, pour dire tout ce que vous voulez entendre sur cette affaire qui nous a fait beaucoup de mal à moi et à mes proches», a-t-il dit, après la lecture de l’ordonnance de renvoi par la présidente de la cour, Frédérique Aline, qui lui demandait s’il contestait toujours les faits.
«Ces dernières années, avec cette histoire, j’ai vécu un gros stress, une grosse dépression», a-t-il déclaré, avant d’expliquer, en réponse à une question sur sa conception des femmes: «Je profite de ma célébrité pour transmettre des choses positives aux gens, tout ça dans un esprit de grand respect pour la femme. Je veux montrer la culture de mon pays, la femme marocaine moderne et libre.»
La présidente évoque également l’affaire qui l’a amené à quitter les Etats-Unis en 2010, dans le cadre de laquelle il a été mis en cause pour viol à New York, mais Saad Lamjarred répond à la juge qu’il «ne souhaite pas évoquer cette affaire», les poursuites à son encontre ayant été abandonnées.
Vont aussi comparaître ce jour-là Ghita, l’épouse de l’artiste, ainsi que des témoins majeurs, dont les dires de certains lors de l’enquête ont été souvent rapportés par la presse, notamment l’agent de sécurité qui dit avoir intercepté Saad Lamjarred à moitié nu dans le couloir et qui rapporte que le chanteur aurait lancé d’un air ironique «no proof» («aucune preuve»). Témoigne aussi la femme de chambre qui a monté des glaçons dans la chambre à la demande de Saad Lamjarred, pour apaiser l’ecchymose de la jeune femme. Enfin, sont aussi appelés à la barre la capitaine de police qui a enquêté sur l’affaire, un brigadier, le médecin légiste et l’expert psychiatrique.
Le profil psychiatrique des deux protagonistes
Appelé à témoigner, l’expert en psychiatrie décrit Laura Prioul comme une jeune femme ayant «un comportement immature» et qui se met dans des situations de danger, souffrant de dépression et d’angoisses permanentes. L’état de la jeune femme ce jour-là en témoigne, car la presse présente sur les lieux n’a pas manqué de remarquer les larmes versées par celle-ci quand elle a aperçu Saad Lamjarred. Et notre source au tribunal a noté ses mouvements nerveux et son comportement agité.
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De Saad Lamjarred, l’expert en psychiatrie fait état d’un homme ayant des relations sexuelles débordantes, une manière de concevoir sa sexualité de façon très libre et un goût pour les rapports sexuels passionnels, résume notre source au tribunal. Il a aussi été mentionné sa consommation, au moment des faits, d’alcool et de cocaïne, des substances consommées lors de moments festifs dans le cas du chanteur, mais sans que cela relève de l’addiction. Enfin, a également souligné le psychiatre, le mélange de cocaïne et d’alcool a des effets secondaires tels que la paranoïa et l’agressivité.
Des incohérences et des zones d’ombre
Questionné sur son expertise médicale, le médecin légiste qui a examiné Laura Prioul «affirme qu’il n’y a pas eu de viol, ni de rapport sexuel et que le test de sperme qui a été effectué s’est avéré négatif», rapporte notre source, qui note les contradictions avec la version de Laura Prioul qui dit avoir été pénétrée de façon vaginale et anale.
L’expertise médico-légale a donc interpellé la présidente de la Cour. Comment se fait-il que l’accusation fasse état d’un viol aggravé avec violences alors même que l’expertise du médecin légiste dit le contraire? Selon la source proche du dossier, «il s’agirait d’une erreur introduite au dossier par un magistrat qui aurait ajouté cette mention sans connaissance véritable du dossier».
Au sujet de l’usage de la cocaïne par le chanteur, les versions divergent également, car selon ses avocats, il n’y avait pas de cocaïne dans la chambre. Il en avait, certes, consommé avant mais pas dans sa chambre, contrairement à ce qu’affirme Laura Prioul, mais aussi l’agent de sécurité.
Selon la source proche du dossier, le témoignage de ce même agent va d’ailleurs constituer un retournement de situation majeur lors de cette première journée de procès. En effet, celui qui affirme que le chanteur aurait lancé «no proof» dans le couloir explique qu’il est monté ce soir-là après qu’on lui a signalé du bruit au 7ème étage. Il explique avoir trouvé un jeune homme en caleçon, torse nu, qui cherchait la fille qui s’était réfugiée dans la chambre 714, auprès d’une femme de chambre. Il décrit un homme hystérique, énervé, qui crie «I’m a singer» («je suis un chanteur»), puis déclare être entré dans la chambre et avoir trouvé «un carnage», avec de «la cocaïne et du sang».
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«Quelle quantité de cocaïne?», lui aurait demandé la présidente de la Cour. «Une ligne, deux grammes?», rapporte notre source, citant l’interrogatoire du témoin. Ce à quoi l’agent de sécurité aurait fait un geste ample des deux mains qui impliquerait plusieurs kilos de cocaïne. «Le jury et la salle ont éclaté de rire», poursuit ce témoin de la scène. La présidente de la Cour aurait alors relevé que cette information ne figurait pas dans le procès-verbal (PV) de l’enquête pourtant signé par l’agent de sécurité. Ce à quoi celui-ci aurait rétorqué que les policiers ne lui avaient pas donné à lire son PV. A la question «travaillez-vous encore dans cet établissement?», l’agent de sécurité aurait répondu qu’«à cause de cette affaire, il avait dû changer de travail».
Un témoignage qui pose donc problème, selon les dires de la présidente de la Cour, rapporte notre source, et dont les incohérences ont été relevées par la défense du chanteur qui a indiqué que soit l’enquête de police avait été falsifiée, soit ce témoin était en train de décrédibiliser le travail de la Cour en mentant à la barre.
Autre témoignage à la barre qui a soulevé des incohérences dans l’enquête, celui de la capitaine de police qui a enquêté sur l’affaire. Interrogée sur une lampe cassée dans la chambre, dont il aurait été rapporté dans le PV qu’elle aurait été «présumément cassée dans la bagarre», la capitaine de police se serait ainsi livrée à «un jugement de valeur» sans fondement véritable. Par ailleurs, interrogée sur un passage de son PV, celle-ci aurait répondu ne pas se souvenir avoir écrit cela.
Enfin, la femme de chambre qui a monté les glaçons dans la chambre à la demande de Saad Lamjarred a, quant à elle, été questionnée sur l’état de l’homme qui lui a ouvert la porte, de la jeune femme en sa compagnie et du désordre dans la chambre. Elle aurait décrit un homme torse nu, un collier autour du cou, vêtu d’un caleçon et sous l’effet de l’alcool. Mais selon elle, l’homme n’aurait pas bloqué la porte pour l’empêcher d’entrer. Selon ses dires, ladite chambre ne présentait aucun signe particulier et elle n’aurait entendu aucun pleur.
La femme de Saad Lamjarred à la barre
Vient enfin le témoignage très attendu de Ghita, amie et ancienne assistante personnelle de Saad Lamjarred depuis 2011, devenue sa compagne en 2017 avant de l’épouser en 2022. La jeune femme a décrit leur relation, parlant de l’admiration qu’elle nourrissait pour lui. Elle a expliqué qu’il arrivait à Saad Lamjarred de venir chez elle sous l’effet de l’alcool et de passer la nuit à ses côtés en partageant le même lit sans qu’il ne se passe rien. Selon ses dires, s’il était un homme violent, il l’aurait été avec elle. Ghita a aussi déclaré être au fait de ses aventures et avoir déjà fait la connaissance de quelques-unes de ses conquêtes féminines. «Saad a toujours été une personne très respectueuse envers les femmes (…). Je sais qu’il est innocent, c’est mon mari, je le connais», dit-elle.
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Une journée riche en rebondissements à laquelle il manquait, pourtant, un élément central, selon notre source: le «promoteur de nuit» qui aurait invité Laura Prioul, avec quelques autres filles, à la soirée au Matignon, où se trouvait Saad Lamjarred, et dont le témoignage apparaît dans le PV de l’enquête.
Au deuxième jour de ce procès, qui se tient jusqu’au 23 février, comparaît Laura Prioul. Affaire à suivre.