Mercredi 22 février. C’est aux alentours de 18 heures et jusqu’à près de 21 heures que Saad Lamjarred a été à la barre pour livrer sa version des faits, alors que l’audience en visioconférence d’Alexandra A., la Franco-Marocaine qui l’accusait de viol en 2016 avant de retirer sa plainte un mois plus tard, s’est achevée quelques instants plus tôt sur un non-lieu pour manque de faits avérés.
Le témoignage du chanteur, rapporté sur la timeline Twitter de la journaliste de RFI Marine de la Moissonnière et complété par notre source au tribunal de Paris, présente de nombreuses différences avec la version de Laura Prioul.
Les circonstances de la rencontre entre Saad Lamjarred et Laura Prioul
Saad Lamjarred a d’abord situé sa venue à Paris, expliquant être arrivé quelques jours avant son concert du 29 octobre 2016 au Palais des Congrès pour les répétitions, mais aussi pour assister au spectacle de Gad Elmaleh le 25 octobre, qui se tenait à Rouen.
Une fois le spectacle terminé, de retour à Paris, il décide de sortir «pour changer d’air» et aller en boîte de nuit en compagnie de son manager. Nous sommes alors un mardi soir. En boîte de nuit, il croise une personne qu’il dit connaître un peu, accompagné d’une femme, et les invite à sa table. Il passe du bon temps, s’amuse, et fait quelques photos avec des fans.
Il rencontre ensuite Laura Prioul, discute avec elle et ils évoquent ensemble le Maroc, notamment. Les deux jeunes gens s’entendent bien et il lui propose de continuer la soirée à l’Intercontinental. «Nous étions quatre dans cette chambre: Nadège L., son ancien petit ami (Mahrez), Laura et moi», poursuit Saad Lamjarred à la barre.
Sur le déroulé de la soirée dans cette chambre de l’Intercontinental, le chanteur décrit la scène: lui et Laura assis sur un lit, chacun prend une ligne de cocaïne, sauf Laura Prioul. Ils boivent, écoutent de la musique et passent «un bon moment».
«On a passé deux heures comme ça dans cette bonne ambiance», poursuit-il. C’est là que les versions de Saad Lamjarred et de Laura Prioul divergent.
L’arrivée à l’hôtel Marriott
Le chanteur explique en effet avoir proposé au groupe de se rendre au Marriott, l’hôtel où il réside, mais que Nadège L. et Mahrez déclinent l’invitation car ils sont fatigués. Laura Prioul affirme quant à elle que le couple devait les rejoindre.
Les deux jeunes gens prennent un taxi. Saad Lamjarred, qui s’exprime en anglais et en français à la barre explique alors: «We got more attracted to each other in the taxi. Let’s say, Madame la Présidente, plus à l’aise qu’avant». Raison pour laquelle, selon lui, il se serait permis de lui demander du cash pour payer le taxi car il n’avait pas de quoi le régler.
Selon ses dires, le couple s’est rapproché au point de se tenir la main au moment où ils arrivent au Marriott. Il lui fait des compliments sur sa beauté, ils s’enlacent et, précise-t-il, «ce n’était pas des câlins d’amis». «We liked each other» (on s’appréciait), dit-il, précisant qu’il appréciait aussi la jeune femme pour sa personnalité quand bien même il ne la connaissait que depuis peu.
Derrière les murs de la chambre 714
Une fois arrivés dans la chambre 714 qu’occupe l’artiste, ce dernier témoigne que Laura Prioul s’est assise sur le bord du lit en lui disant qu’elle est «désolée» de ne pas avoir pu l’embrasser devant les autres à l’Intercontinental. «J’ai vu ça comme un signe. Je me suis baissé vers elle et je l’ai embrassée», poursuit-il, qualifiant ce baiser de «long».
Selon ses dires, Laura Prioul retire ensuite ses chaussures et ses bijoux «pour se mettre plus à l’aise». «Elle me donnait de plus en plus de signes que la porte était ouverte, qu’elle comptait finir la nuit avec moi», se souvient Saad Lamjarred.
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Puis le couple danse, boit du champagne, échange des baisers, s’assoit par terre, parle du Maroc, s’embrasse, s’allonge par terre, témoigne-t-il, dans une version qui correspond à celle de Laura Prioul à l’exception près qu’il ne mentionne pas le fait de l’avoir poussée au sol, où elle se serait cogné la tête, et l’avoir tirée par les cheveux, comme le prétend la jeune femme.
«On a continué à s’embrasser un bon moment», se souvient-il, expliquant avoir été excité et avoir ressenti qu’elle l’était tout autant. A partir de là, les versions divergent encore une fois.
Si Laura Prioul dit qu’il lui a ordonné d’enlever son t-shirt et de s’être exécutée «terrorisée», Lamjarred affirme, quant à lui, avoir retiré son t-shirt et son jean avec son aide, car il n’aurait pas pu le faire autrement.
Il dit avoir continué à l’embrasser et avoir ressenti qu’elle était prête à passer à l’étape suivante. Il a alors enlevé à son tour son t-shirt et son jean, a continué à l’embrasser et c’est à ce moment précis qu’il dit avoir ressenti une douloureuse griffure dans le dos, alors que Laura Prioul dit s’être défendue après avoir été agressée.
La présidente de la Cour l’interroge et lui demande s’il a demandé à Laura Prioul si elle avait envie d’avoir des rapports avec lui, ou si elle lui a dit qu’elle voulait coucher avec lui. Saad Lamjarred répond que non mais qu’elle lui en a donné tous les signes, qu’il liste: elle a accepté de venir avec lui à l’Intercontinental, puis au Marriott à 6 heures du matin, il évoque les gestes tendres, le fait qu’elle s’excuse de ne pas l’avoir embrassé avant, leur premier baiser. Et alors que Laura Prioul affirme l’avoir supplié d’arrêter, il insiste sur le fait qu’il n’a jamais entendu le mot «non».
Questionné également sur la présence de son ADN à l’intérieur de la culotte de Laura Prioul, Saad Lamjarred a affirmé n’avoir «jamais mis sa main à l’intérieur de (sa) culotte».
A la barre, le chanteur laisse libre cours à son émotion
A la barre, Saad Lamjarred dit avoir eu, suite à cette griffure, un «mauvais réflexe», qu’il dit «regretter aujourd’hui». «J’ai poussé son visage brutalement et j’ai pressé son visage aussi» (I pushed her face brutally and I squeezed her face also).
Commentant sa réaction, il dit avoir «honte» et estime qu’il «n’aurait jamais dû faire ça», car «un homme ne doit jamais porter la main sur une femme même si elle le griffe». Et d’ajouter: «S’il le fait, ce n’est pas un vrai homme.»
Toutefois, précise-t-il, après avoir admis son geste brutal de défense, «je le dirai encore et encore jusqu’à mon dernier souffle, je n’ai jamais pénétré Mme Laura Prioul, ni avec mon sexe, ni avec mes doigts».
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Questionné sur l’origine des lésions de la jeune femme, il admet être à l’origine de la blessure à la lèvre mais pas aux cuisses et nie lui avoir donné un coup de poing, arguant: «Jamais je ne ferais ça à une femme. J’en suis incapable.»
La pop star marocaine s’est laissée aller à un moment d’émotion, disant avoir «été très touchée par les larmes de Laura» la veille, durant son audience, et n’avoir «jamais voulu la voir dans cet état», ajoutant qu’il regrette «ce mouvement involontaire».
Il s’est ensuite adressé à Laura Prioul directement: «Laura, je sais que tu ne veux pas me regarder en face, it’s OK, mais je m’adresse à toi: je suis désolé pour ce réflexe involontaire, pour cette violence involontaire. Je ne voulais pas te faire pleurer, te rendre triste», a-t-il dit en fixant Laura Prioul qui, elle, est restée tête baissée. Et de poursuivre, toujours en s’adressant à elle et en pleurant cette fois-ci: «Sache, Laura, que je ne vais pas mieux que toi. Ma famille et ma réputation sont en jeu. J’essaie de garder le sourire». «J’essaie, a-t-il poursuivi, de faire des vidéos, mais c’est juste pour faire de l’argent.»
«Je ne voulais pas lui faire du mal», a-t-il répété en pleurant, «je ne te souhaite pas du mal et je ne m’en souhaite pas non plus». Il s’est ensuite adressé à la mère de Laura Prioul, présente aux côtés de sa fille et qui avait témoigné plus tôt dans la journée: «Je tiens aussi à m’excuser auprès de la mère de Laura. Je ne voulais pas terrifier sa fille.»
Toujours en pleurs, il raconte l’annulation de ses concerts, les campagnes qu’il a subies sur internet et, narre la journaliste Marie de la Moissonnière, «s’effondre en pleurs à la barre».
Des réactions sous le coup des menaces et de la panique
Puis, Saad Lamjarred revient sur ce qui s’est passé dans sa chambre ce matin-là, après que Laura Prioul est sortie des toilettes. Elle le menace d’appeler les policiers et il dit s’être senti «menacé». Il panique alors, essaie de calmer les choses, tente de parler avec elle. Il précise à la Cour qu’elle aurait pu partir quand elle le voulait car la porte de la chambre n’était pas verrouillée.
Laura Prioul lui demande alors de la glace et il en commande, précisant que quand le service d’étage arrive, il n’ouvre pas complètement la porte de la chambre car il est à moitié nu. Il dit l’aider à s’appliquer de la glace.
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Sur la question de l’argent qu’il lui aurait proposé, le chanteur n’explique pas ce geste de la même manière que Laura Prioul. Selon lui, il va chercher de l’argent et le lui propose car il sait qu’elle n’a pas de cash sur elle, étant donné qu’elle n’en avait pas pour payer le taxi en arrivant au Marriott. En prenant l’argent, il y a un bracelet à côté qu’il décide de lui offrir comme un «gentleman gift», précise-t-il, et non pas pour acheter son silence. Il nie aussi lui avoir demandé de l’épouser, quand Laura Prioul affirme qu’il lui aurait répété à plusieurs reprises «marry me» (épouse-moi).
Il veut alors la prendre dans ses bras pour lui dire au revoir mais Laura Prioul prend peur et pense qu’il va être violent avec elle. Elle part alors en courant et c’est là qu’il dit l’avoir «attrapée par son t-shirt», un autre moment que le chanteur dit regretter.
«J’ai paniqué. Je voyais les policiers, mon avenir, les mauvaises choses qui allaient m’arriver», se justifie-t-il.
Laura Prioul sort alors de la chambre, et il la suit dans le couloir. Sur son état mental à cet instant précis, Saad Lamjarred dit être «inquiet» car il avait bu et pris de la cocaïne. Après lui avoir dit de revenir, il comprend que le service de sécurité va appeler la police et se met à genoux pour les supplier de ne pas le faire. Il admet aussi face à la cour avoir dit «no proof» (pas de preuves) à un employé de l’hôtel mais a du mal à expliquer pourquoi il a dit cela.
Emmené dans sa chambre, il appelle alors son agent et son assistant pour leur dire qu’un «malentendu» s’est produit avec une femme et que les choses se compliquent. La police arrive ensuite et il est emmené au commissariat.
Interrogé sur l’affaire de New York et de Saint-Tropez, le chanteur a déclaré: «Je suis concentré sur cette affaire, merci de me poser des questions sur ce dossier.»
L’audience s’est achevée à 21h30 et reprend ce jeudi 23 février.