Situé au fond d’une ruelle à Bouskoura, il est presque impossible de passer près de l’espace Anaïs sans que l’œil ne soit captivé par les couleurs vives des murs. Une fois à l'intérieur, c’est l’odeur provenant de la cuisine qui attise les sens et donne faim. Il n’est que 10 heures du matin, mais, à la cuisine, on s'active déjà. Les chefs cuisiniers ne sont que les élèves du centre: des jeunes en situation de handicap mental, majoritairement porteurs de la trisomie 21.
Tous concentrés, ils entreprennent leurs tâches avec un grand sérieux. Les formateurs du centre les accompagnent dans ces tâches, leur rappelant quelques techniques et leur montrant parfois des petites astuces ou des ajustements pour exécuter leur mission aussi facilement que possible. A midi, 280 repas complets seront prêts. Les plats sont destinés d’abord à la cantine, où les élèves du centre se réuniront pour déjeuner. Ils seront ensuite proposés aux clients qui viendront déjeuner dans le Coin Anaïs, un café-restaurant lancé en 2020 pour offrir à ces jeunes un milieu protégé pour exercer des activités professionnelles.
«Vu que plusieurs de nos jeunes sont arrivés à un stade avancé dans leur parcours, l’insertion professionnelle a été notre priorité durant ces dix dernières années. Malheureusement, ils n’ont pas toujours la possibilité d’obtenir un emploi au sein des entreprises ou structures classiques. Cela constitue donc un blocage pour eux», déplore le directeur de l’association, Jamal Lamrini.
Cette situation a poussé les membres de la structure à chercher d’autres alternatives et de nouvelles formes d’insertion professionnelle pour les jeunes trisomiques et ceux souffrant de handicaps mentaux. Le Coin Anaïs vient donc proposer une réponse à cette problématique, constituant une passerelle qui permet de lier le milieu protégé où les jeunes ont été formés avec le milieu professionnel, où ils sont en contact direct avec le monde extérieur.
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L'association Anaïs prend en charge ces jeunes depuis leur plus jeune âge jusqu’à l’âge adulte. A travers un programme de scolarisation destiné aux plus petits et trois programmes de formation (Takouine I, II et III), la fondation Anaïs se fixe comme objectif l’épanouissement et l’autonomisation des jeunes porteurs de la trisomie 21 en leur permettant d’acquérir un ensemble de savoirs et de compétences pour faciliter leur intégration dans la société. Une panoplie d’activités est ainsi proposée aux bénéficiaires dans le cadre de nombreux ateliers.
«L’association Anaïs compte trois centres. Le premier prend en charge les bénéficiaires dès leur naissance jusqu’à l’âge de 6 ans, et le deuxième de 7 ans à 14 ans. Quant au troisième centre, il accueille les jeunes qui ont atteint la phase de la formation professionnelle», explique Jamal Lamrini. «Certains jeunes arrivent à atteindre un niveau d’autonomie qui leur permet d’intégrer des structures de travail ordinaires, alors que d’autres n’arrivent pas à ce stade. Par conséquent, nous avons lancé ce que nous appelons des ateliers protégés, qui sont des ateliers encadrés par des formateurs et des techniciens, au profit de cette deuxième catégorie», poursuit-il.
Dans ce sens, le programme Takouine III permet une mise en situation professionnelle de ces jeunes en leur proposant des activités professionnelles qui répondent à leurs intérêts et qui conviennent à leurs capacités et compétences. Aujourd’hui, ce programme propose quatre ateliers: un atelier de restauration, un atelier de pâtisserie, un atelier de blanchisserie et un atelier de jardinage.
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De nos jours, le modèle de prise en charge développé par l’association Anaïs inspire les associations qui travaillent avec les jeunes en situation de handicap mental dans d’autres pays africains, comme le fait savoir Mostafa Raoui, responsable du service Takouine.
«Plusieurs partenaires internationaux se sont inspirés du modèle de prise en charge élaboré par Anaïs. A titre d’exemple, dans le cadre d’un partenariat stratégique de coopération entre le Maroc et le Gabon dans le domaine du développement et de l'investissement humain, deux sessions de formation ont été initiées par Anaïs au profit de la partie gabonaise», souligne Raoui.
D’après le responsable, ces sessions de formation ont porté sur le renforcement des capacités du corps d’éducateurs et de formateurs gabonais en matière d’accompagnement des jeunes porteurs de la trisomie 21 et en situation de handicap mental. L’objectif étant de doter le Gabon d’une structure similaire afin de garantir l’insertion et l’intégration de ces jeunes dans leur société.