«Darte», cette banque vraiment gratuite qui a la cote

DR

Revue de presseLe phénomène est très répandu dans la société. Tout le monde peut participer à une «Darte», chacun selon ses capacités financières et ses besoins. Les sommes mises en jeu peuvent aller de quelques centaines de dirhams à 500.000 dirhams. Les détails dans cette revue de presse tirée du quotidien L’Economiste.

Le 21/04/2023 à 21h40

On le sait pour y avoir déjà participé, du moins certains d’entre nous. «Darte» est un système de financement parallèle largement répandu dans la société marocaine. Le dispositif séduit toutes les couches sociales, affirme le quotidien L’Économiste qui lui a consacré un dossier dans son édition du vendredi 21 avril.

Ce système de crédit mutuel est simple, rappelle le quotidien. Un groupe de personnes se met d’accord pour cotiser une somme fixée pendant une durée également déterminée. Chaque mois, une des personnes empoche la mise. D’après le quotidien, l’opération peut être déclenchée à tout moment, souvent à l’initiative d’une personne qui a besoin d’un financement ou tout simplement, quand c’est une routine installée, une personne fiable, de bonne réputation et surtout solvable.

Trois éléments sont fixés avant de lancer l’opération. Le montant des mensualités, la durée de l’opération et l’ordre de versement des sommes misées par les bénéficiaires. Ce dernier point étant fixé grâce au tirage au sort, mais des membres peuvent, s’ils le veulent, céder leur tour à d’autres dont le besoin en argent est plus pressant. Voilà pour le principe.

Pour les sommes mises en jeu, elles peuvent aller de quelques centaines de dirhams, même moins, à 500.000 dirhams, avance le quotidien. La contribution peut atteindre 40.000 dirhams par mois pour une période relativement courte. Un autre détail important, dans une même «Darte», chacun des participants peut cotiser à hauteur de ses moyens et selon ses besoins. Il peut cotiser le double ou même le triple de la mise de base. C’est un système ouvert à tous, constate le quotidien. Médecins, dentistes, cadres supérieurs, cadres moyens, hauts fonctionnaires, tout le monde peut participer, sans distinction d’âge ou de sexe.

Cependant, le système, comme tout système de financement d’ailleurs, peut connaître des incidents de paiement. Même si, insiste le quotidien, dans l’écrasante majorité des cas, les impayés quand ils surviennent ne sont pas le fait de la mauvaise foi. Dans ce cas, si les membres augmentent le montant de la mise en attendant que leur collègue défaillant trouve une solution, ils lui demandent d’emprunter ailleurs pour régler sa contribution. Pour éviter pareille situation, on a le plus souvent recours à un système de cautionnement. On comprend que lorsque le niveau de contribution est relativement élevé, les membres du groupe sont soigneusement sélectionnés, de préférence membres de la même famille ou collègues de bureau.

Cela dit, explique le quotidien, on peut s’interroger sur la raison qui pousse les gens à recourir à ce mode de financement alors qu’ils peuvent facilement s’adresser aux banques pour obtenir un prêt. La réponse est que, souligne le quotidien, bien qu’ils soient bancarisés, même multibancarisés, ceux qui choisissent «Darte» le font par principe religieux ou par pur pragmatisme financier. C’est un système de financement sans intérêt et donc «halal» pour les premiers et, pour les seconds, c’est un financement «gratuit». Pour d’autres encore, c’est un moyen efficace de se constituer une épargne. D’autant que ce système permet de disposer d’une somme plus ou moins importante d’argent en cas d’urgence et sans avoir à constituer un dossier de prêt bancaire.

La remise des fonds peut certes se faire par virement bancaire, mais pas toujours. Cependant, le phénomène «Darte», dont on ne connaît pas l’ampleur, échappe complètement au système bancaire. L’argent circule dans un circuit parallèle.

Pour l’histoire, «Darte» ou «tontine» sous d’autres cieux, n’est pas une invention marocaine. C’est au milieu du 17e siècle qu’un banquier napolitain, Lorenzo de Toni, d’où le nom tontine, avait conçu ce mode de financement. Au Maroc, «Darte» est pratiquée depuis plusieurs décennies. Dans les années 50, les femmes qui se rendaient au marché remettaient à une personne une petite somme pour constituer un montant qui permettait chaque fois à l’une d’elles de faire face à une dépense.

Par Amyne Asmlal
Le 21/04/2023 à 21h40