Le Maroc est toujours le choc. Et les habitants du douar Lahlalat relevant de la commune de Skhour Rhamna, théâtre d’un drame insoutenable, n’en reviennent toujours pas. Qu’est-ce qui peut bien pousser une personne dans la fleur de l’âge à tuer l’être le plus cher qui soit au monde, sa mère, et envoyer dans l’au-delà quatre autres membres de sa famille, s’interroge-t-on avec stupéfaction. Mohamed (23 ans), puisque c’est de lui qu’il s’agit, a franchi le Rubicon. Travaillant avec des membres de sa famille dans des domaines agricoles dépassant les 80 hectares, hérités du père décédé il y a près de trois ans, il nourrissait déjà des idées noires.
Dans la nuit du mardi à mercredi (17-18 décembre), il est passé à l’acte abject, inqualifiable, en ôtant la vie à sa mère, à deux de ses frères, sa belle sœur et son neveu. Il blesse aussi grièvement son troisième frère, lequel a été transféré dans un état critique à l'hôpital Ibn Tofail de Marrakech. Arrêté sur le lieu du crime par les services de la gendarmerie royale, il est calme comme une mer apaisée. Ce qui ajoute à la stupéfaction. Les quotidiens nationaux en ont fait leur une dans leur édition du samedi-dimanche (20-21 décembre). A l’instar d’Al Massae dont le correspondant à Marrakech, Aziz El Atri, dresse un portrait exhaustif du vécu de l’auteur du drame et de sa famille.
«L’auteur du crime, rapporte-t-il, se renfermait depuis des semaines dans un coin sombre jusque tard dans la nuit. Sa mère souffrant le martyre en voyant son fils dans un tel état, essayait de rompre sa solitude, de lui parler ; mais c’était peine perdue. Il haussait le ton, lui intimant de quitter les lieux.» Mohamed projetait de commettre l’irréparable. Selon le quotidien arabophone, il avait déjà essayé à maintes reprises de liquider les membres de sa famille. «Quelques mois avant, il a mis du poison dans un tagine en préparation pour le dîner et une autre fois dans un gâteau. La vigilance de son frère a fait échouer son bas dessein.»
Il était vraisemblablement malade puisqu’il ne cessait de répéter que les djinns lui dictaient ce qu’il devait accomplir. Les membres de sa famille étaient parfaitement conscients de la dégradation de son état. Maintes fois, ils ont décidé de l’interner dans un asile psychiatrique. Ils butaient, cependant, sur le refus catégorique de l’affectueuse maman. Jusqu’au jour J où le point du non retour a été atteint.
Ce qui étonne, toutefois, est la froideur dont a fait montre l’assassin tant lors de sa garde à vue que lors de la reconstitution du crime. Pour le psychosociologue Mustapha Chagdali, il ne faut pas s’en étonner. Joint par Le360, le professeur Chagdali estime qu’il s’agit plutôt d’un «cas pathologique». «On est face à comme qui dirait de la démence. Dans sa tête, le présumé meurtrier se sentait sans doute persécuté. Et, donc, pour lui, éliminer l’objet de sa persécution était salutaire pour son âme. S’il n’éprouve pas de regret, c’est qu’il ne sent pas coupable parce qu’il estime avoir lavé un affront, ce peut être même pour lui un geste méritant reconnaissance», analyse le Dr. Chagdali.