Alors que les manuels scolaires programmés dans les établissements publics ont été subventionnés par le gouvernement à hauteur de 25% (en réponse à une revendication des éditeurs marocains qui avaient annoncé une augmentation de 25% du prix de ces manuels), ceux adoptés par les écoles privées échappent à ce soutien de l’Etat. Les parents sont donc laissés pour compte face à la hausse des prix de ces manuels dans un contexte national marqué par un taux d’inflation estimé par le Haut-Commissariat au plan (HCP), à 7,7% fin juin.
«En France, le prix des manuels scolaires a augmenté de 8 à 10% par rapport à 2021. Cela a eu une répercussion directe sur le prix de vente des manuels français au Maroc», explique Hassan El Kamoun, président de l’Association des libraires indépendants du Maroc, joint par Le360.
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Cette augmentation est encore plus prononcée au Maroc, poursuit notre interlocuteur. Et d’expliquer que les importateurs marocains, qui jouent le rôle d’intermédiaire entre les éditeurs français, britanniques ou libanais (les trois pays qui fournissent au Maroc les livres français adoptés par les écoles privées, Ndlr) et les libraires marocains, «ont la mainmise sur les manuels et livres français au Maroc et fixent leurs propres prix en l’absence de tout contrôle de l’Etat». Résultat: au Maroc, un manuel scolaire français coûte beaucoup plus cher qu’en France.
Une marge de plus de 50%A en croire Hassan El Kamoun, les importateurs marocains œuvrant dans le secteur des livres et manuels français profitent d’«une marge très confortable». Dans le détail, ces importateurs reçoivent entre 45 et 50% de bénéfices de la part de l’éditeur français sur le prix du livre en euro. Sur cette marge s’ajoute 5,5% de la TVA, étant donné que le livre est exonéré de TVA au Maroc. Ils bénéficient aussi d’une subvention sur le transport de la part du ministère français de la Culture.
«Il n’y a pas de grandes charges pour l’importateur marocain, par contre on remarque qu’il applique un coefficient élevé par rapport à l’euro en multipliant chaque euro en moyenne par 12,5 dirhams. Cela peut aller jusqu’à 14 dirhams», martèle le président de l’Association des libraires indépendants du Maroc. Il est à noter que le taux de change du dirham s’établit, ce vendredi 2 septembre 2022, à 10,59 dirhams pour un euro.
«On proteste contre cette pratique et on appelle les importateurs à la négociation pour réduire ce coefficient à 11 dirhams pour un euro», poursuit notre source. Mais existe-t-il un cadre juridique au Maroc réglementant cette opération? Que nenni, réplique-t-il. «L’Association milite sur tous les fronts pour mettre en place un cadre juridique réglementant le secteur, ainsi que toute la chaîne du livre», poursuit-il.
Une «anarchie» qui fait flamber les prixUn autre facteur qui fait flamber les prix: la vente des manuels scolaires adoptés par les établissements privés au sein même des écoles. «Des importateurs court-circuitent le libraire et entrent en négociation directe avec les écoles privées pour commercialiser leurs manuels», s’indigne Hassan El Kamoun. Ces écoles «ne publient pas leurs listes de manuels adoptés pendant le mois de juin comme il est coutume et ce n’est qu’en septembre qu’elles sortent ces listes en obligeant les parents à acquérir les manuels à l’école et à des prix qui sortent de l’ordinaire», poursuit le président de l’Association. Cette pratique est pourtant formellement interdite par la loi 06.00 formant statut de l’enseignement scolaire privé.
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Face à cette situation, l’Association des libraires indépendants du Maroc avait saisi l’ancien bureau du Conseil de la concurrence pour se prononcer sur ce qu’El Kamoun considère comme «une pratique déloyale». «Le nouveau bureau du Conseil de la concurrence nous a contactés directement et nous sommes en train de travailler sur le terrain pour rassembler les preuves et constituer notre dossier», nous confie le président de l’Association.
S’agissant de la disponibilité des manuels adoptés par les écoles privées, le président de l’Association est plutôt rassurant: «Entre 92 et 95% des manuels, importés ou produits localement, sont disponibles sur le marché marocain».