Marrakech est une métaphore surprenante des aléas planétaires contemporains. Dans un contexte de hausse des prix à la pompe, de vulnérabilité des ressources naturelles sur fond de tensions géopolitiques, la Ville ocre traverse une époque marquée par de profonds bouleversements et qui appellent à la mobilisation générale.
C’est dans cet esprit qu’une rencontre a été organisée jeudi dernier par la Banque mondiale, le Policy Center for the New South (PCNS) et le PNUD, en partenariat avec l’Université Cadi Ayaad de Marrakech, autour de la thématique «Le modèle de ville durable au Maroc».
La dimension durable s’impose désormais comme un impératif de survie dans la région Marrakech-Safi. Ce constat général soulevé par les spécialistes et chercheurs issue des milieux universitaires est sous-tendu par une volonté inébranlable de rectifier le tir. Encore faut-il s’accorder sur le diagnostic de départ. Car le développement durable est une bataille à mener sur plusieurs fronts.
Prétendre au statut de ville durable exige, au préalable, de repenser de fond en comble l’aspect mobilité, dans l’optique de fluidifier les flux de voyageurs et de marchandises au sein de la région. «La plupart des objectifs de développement durable sont intimement liés à la mobilité», fait valoir Ahmed Chehbouni, président du Centre de développement de la région de Tensift. «Aujourd’hui, rien n’est pensé pour minimiser les déplacements au sein de la ville. Les transports en commun sont peu attractifs et le réseau manque de jonctions à plusieurs niveaux», déplore-t-il.
Au déficit de synchronisation du réseau routier, s’ajoute le manque de ponctualité également soulevé comme frein à l’usage des transports en commun. C’est ce qui expliquerait la densité de la circulation dans différents artères de la ville, laquelle engendre des nuisances sonores et une pollution ponctuelle de l’air.
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La maîtrise de l’extension incontrôlée de la zone urbaine est également pointée du doigt comme catalyseur du développement durable. Pour préserver l'hinterland de Marrakech, le Schéma Régional d’Aménagement du Territoire (SRAT) prévoit de développer des centres satellites autour de la ville, afin de la préserver de toute sorte d’exploitation illégale des ressources foncières et naturelles.
«La valorisation du potentiel foncier aura pour effet de limiter l’étalement vers les communes périphériques. Mais il faut également tabler sur la diversification de l’économie locale, en s'orientant vers l’industrie propre, l’agriculture urbaine et la promotion de l’économie de savoir», souligne Zahra Sahi, inspectrice régionale de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et de l’architecture de la région de Marrakech-Safi.
Le projet de ville durable suppose, par ailleurs, le déploiement d’une stratégie d’aménagement du territoire qui s’appuie sur l’optimisation de l’existant. En ce sens, l’efficacité énergétique constitue un axe structurant de la politique de mobilité durable. «D’où l'intérêt de promouvoir des cyclomoteurs électriques comme alternative au recours aux énergies fossiles dans une ville réputée pour l’usage massif des deux roues», recommande Nahla El Alaoui, ingénieur en efficacité énergétique à l’AMEE.
Si la notion de ville durable laisse place à moult interprétations, elle soulève, pour ce qui est de Marrakech, une question épineuse, à savoir, celle de la sauvegarde de la Palmeraie, qui, en l’état actue, se trouve, dans un état de décrépitude avancée. «Le programme de densification de la palmeraie, en partenariat avec l’INRA, a donné lieu à la plantation de 600.000 jeunes plants au niveau de la palmeraie et des grandes artères de la ville, ainsi qu'à entretien des palmiers adultes, en prenant en compte, cette fois, le contexte de pénurie de l’eau», détaille Loubna Chaouni, chargée des programmes au sein de la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement. Et d'assurer: «L’introduction de l’arrosage par les eaux usées pour réduire la pression sur la nappe profite déjà à la palmeraie Nord-Ouest.»
La mise en œuvre d’actions concrètes visant à améliorer la viabilité et la durabilité des systèmes ne suffit point. L’éducation et la sensibilisation aux enjeux de développement durable à travers, entre autres, l’implication de la jeunesse demeure la clé pour espérer renverser la tendance.