Entendue à la barre ce 21 février, Laura Prioul a livré un témoignage cauchemardesque du viol qu’elle dit avoir subi en octobre 2016. Derrière les murs de la chambre 714 du Marriott hôtel Champs-Elysées, son agresseur lui aurait tiré les cheveux, se serait assis à califourchon sur elle, lui aurait ordonné de retirer son t-shirt, chose qu’elle aurait faite étant «terrorisée».
Laura Prioul raconte qu’après avoir léché son corps, Saâd Lamjarred lui aurait administré un premier coup de poing, fait subir deux pénétrations digitales, vaginale et anale, et une brève pénétration pénienne, avant qu’elle ne parvienne à le repousser. «Je l’ai mordu dans le bas du dos, j’ai repris un coup de poing», poursuit-elle. Un récit pénible qui n’a laissé personne indifférent, assurément.
Mais plus tôt dans la journée, Saâd Lamjarred déclarait a contrario «n’avoir jamais, jamais, jamais pénétré Laura, ni avec (ses) doigts, ni avec (son) sexe)».
«Quelles preuves avons-nous que ce que vous dites est conforme à la réalité?», demande l’avocat de Saâd Lamjarred, Maître Thierry Herzog, à la jeune femme. Ce à quoi celle-ci répond: «Il me semble qu’il y a un rapport médical qui explique l’ADN et mes blessures». Mais Maître Herzog rappelle alors que les juges d’instruction ont conclu que le viol n’était pas caractérisé et renvoyé l’affaire en correctionnelle.
L’avocat général va alors se concentrer sur certains détails et lui demander pourquoi elle a retiré ses chaussures, en arrivant dans la chambre du chanteur, ainsi que son écharpe et son collier, ce à quoi elle répond qu’il y avait de la moquette par terre et qu’elle avait mal aux pieds. L’homme aurait-il pu en déduire qu’elle voulait coucher avec lui? «Je ne pense pas que quand j’enlève mes chaussures chez des amis, ils en concluent que je veux coucher avec eux», rétorque-t-elle.
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Puis au tour de la défense de l’interroger et Maitre Herzog de la questionner sur son ancien métier de mannequin, sur les photos d’elle en sous-vêtements. Laura Prioul se défend en expliquant que «c’était pour accepter (son) corps et prendre confiance en (elle). Et de conclure que pour tout dire, j’ai même fait une séance de nu artistique, si c’est là que vous voulez en venir».
Mais là où veut en fait en venir la défense du chanteur, c’est aux circonstances qui l’ont menée à être présente dans cette boîte de nuit, ce soir-là.
Le promoting, de la prostitution qui ne dit pas son nom?
Revenant sur la soirée au cours de laquelle elle a rencontré Saâd Lamjarred, la jeune femme explique qu’alors âgée de vingt ans, elle quitte Juan-les-Pins où elle vient de finir sa saison en tant que cheffe de rang, et comme elle n’a pas d’emploi pour l’hiver, décide de se rendre à Paris y visiter des amis.
C’est lors d’une soirée en boîte de nuit huppée qu’elle rencontre, explique-t-elle, Saâd Lamjarred. Elle est accompagnée d’amis, et «ils remarquent que plusieurs personnes viennent se prendre en photo avec un homme à la table voisine». Puis, «les deux tables se rapprochent et Laura P. se met à discuter avec le chanteur dont elle n’avait jamais entendu parler», relate l’AFP.
C’est là qu’intervient un nouveau témoin appelé à la barre, le dénommé Hermann, dont la profession est promoteur de nuit, et qui explique être RP du bar Matignon, où les deux jeunes gens vont se rencontrer. Selon une source proche du dossier, qui rapporte les coulisses du procès à Le360, Hermann explique avoir amené ce soir-là, au bar Matignon, six filles d’origine russe et Laura Prioul, pour faire du promoting, une pratique qui consiste à faire venir des jolies filles, recrutées auprès d’un intermédiaire, dans un établissement pour attirer les clients. Interrogé sur ses rapports avec Laura Prioul, il explique ne pas l’avoir recrutée lui-même mais que celle-ci a été envoyée directement par un certain De Santos.
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Laura Prioul, interrogée sur ce sujet, nie le fait d’avoir fait du promoting mais affirme que oui, De Santos est un ami à elle, et que c’est en fait chez lui qu’elle loge à Paris. Mais Hermann explique à la Cour que la jeune femme est en fait logée dans la maison des grands-parents de De Santos, où sont aussi logées les six autres filles d’origine russe.
La présidente de la Cour interroge Hermann au sujet de son métier. Il explique, en réponse à une question sur ses déclarations aux Impôts, qu’à l’époque des faits, en 2016, il se faisait payer en espèces, que son travail consistait à ramener des jeunes et belles filles dans des restaurants et des boîtes de nuit avant l’arrivée des clients, afin de soigner l’image de ces établissements.
Comment rencontrez-vous ces jeunes filles? lui demande alors la présidente de la Cour. «Sur les réseaux sociaux, lui répond-il, ou bien quand une fille en ramène une autre». À l’exception toutefois de Laura Prioul, qui elle a été amenée par De Santos qui s’avère en fait être, apprendra-t-on ce jour-là, l’associé d’Hermann.
Interrogé sur la manière dont se déroule une soirée lambda, le promoteur explique qu’il part chercher les filles, les emmène manger dans un restaurant, puis les transporte en navette dans les boîtes de nuit. Quel est l’intérêt des filles dans ces soirées? questionne la présidente de la Cour, «manger et boire gratuitement», lui est-il répondu.
Mehraz, un personnage mystère qui intrigue
Si De Santos n’a pas été entendu à ce jour –il le sera ce mercredi 22 février–, un autre homme a toutefois fait une apparition surprise au tribunal peu avant 22 heures. Il s’agit de Mehraz, l’homme qui logeait dans une chambre à l’Intercontinental et chez qui se sont rendus Saâd Lamjarred et Laura Prioul au sortir de la boîte de nuit.
S’il avait déjà été entendu par les enquêteurs, Mehraz, nous explique notre source au tribunal, avait refusé de comparaître devant la Cour. Mais cité contre toute attente dans le témoignage d’Hermann, qui n’était pas censé le connaître, la Présidente de la Cour a ordonné à la police judiciaire de le ramener au tribunal pour comparaître.
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L’homme, un Maroco-Algérien qui vit entre Paris et Casablanca, était ce soir-là au Matignon et, explique-t-il, est allé saluer Saâd Lamjarred après l’avoir reconnu. Les deux hommes auraient sympathisé, tant et si bien que le chanteur l’aurait donc suivi, lui et sa compagne de l’époque, Nadège L., à l’Intercontinental, où Mehraz va prodiguer de la cocaïne et de l’alcool à ses compagnons de soirée.
Mais ce qui interpelle la Cour, ce sont les liens qui unissent Mehraz à Hermann. Car si les deux hommes disent ne pas se connaitre en 2016, selon les dires d’Hermann, ils se sont par la suite associés en 2018 et travaillent désormais ensemble dans une autre boîte de nuit, l’ARC, où ils poursuivent la pratique du promoting.
À la veille du troisième jour de procès, les relations entretenues par Laura Prioul et ces trois promoteurs de nuit ont jeté un nouvel éclairage sur cette affaire, interrogeant sur les circonstances de sa présence dans cette boîte de nuit, à ce moment-là.