«Le confinement a bouleversé qui je suis», résume auprès de l’AFP Antoine, un étudiant de 20 ans, qui poursuit un traitement sous antidépresseurs trois ans après le début de crise sanitaire du Covid-19.
Le jeune homme -qui ne souhaite pas rendre public son nom de famille- a vécu une situation dans laquelle peuvent se reconnaître beaucoup de personnes du même âge, comme en témoigne une étude publiée mardi par l’agence Santé publique France.
Ce travail, réalisé à partir de questionnaires auprès d’environ 25.000 Français sélectionnés aléatoirement, a mesuré la fréquence des épisodes dépressifs au sein de la population en 2021.
Depuis 20 ans, des études semblables sont menées régulièrement en France, la précédente remontant à 2017. Entre les deux dernières, le Covid est passé par là, et les cas de dépression ont connu un bond sans précédent, une conclusion qui va dans le sens d’autres travaux déjà réalisés à l’étranger.
Cette hausse frappe toute la population, mais c’est tout particulièrement les 18-24 ans qui sont touchés. Chez eux, la proportion des épisodes dépressifs a quasiment doublé pour atteindre environ un cinquième des personnes interrogées.
«Coincé avec»
Impossible, bien sûr, d’établir dans chaque cas un lien précis de cause à effet entre la crise du Covid et la survenue d’une dépression, d’autant que les causes de cette maladie obéissent toujours à de multiples facteurs, qui vont de l’histoire personnelle du patient à sa physiologie.
Mais, de manière générale, «le stress causé par la maladie de la Covid-19 et les restrictions imposées pour la contrôler apparaît comme l’une des principales hypothèses explicatives de cette hausse», jugent les chercheurs.
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Pour Antoine, c’est bien le premier confinement, décrété en mars 2020 et particulièrement strict, qui a joué un rôle dans l’aggravation de son état mental. Le jeune homme connaissait déjà des symptômes typiques de la dépression -pleurs inexpliqués, idées suicidaires- mais ils ont atteint une intensité intolérable lorsqu’il s’est trouvé dans l’impossibilité presque totale de sortir de chez ses parents, à Nice.
«Mes symptômes, je les laissais à la maison», résume-t-il. «Avec le confinement, je me suis retrouvé coincé avec».
Surtout, il n’y a pas eu de retour en arrière lorsque le confinement a pris fin: la dépression a persisté et, si le jeune homme se sent mieux aujourd’hui, il redoute toujours une nouvelle aggravation de son état.
«Le confinement a été comme une transition d’un état à un autre», constate Antoine, dont la situation mentale a aussi été plombée par la difficulté d’entamer des études à l’automne 2020, dans un contexte marqué par la fermeture des universités et la généralisation des cours à distance.
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«Ça ne se rattrape pas»
La maladie d’Antoine obéit aussi à des ressorts individuels. Mais elle résonne avec l’étude publiée mardi, en illustrant en quoi la crise du Covid et les restrictions imposées ont eu un impact psychologique particulier sur les plus jeunes, et combien cet effet risque de durer.
«Ce qui a beaucoup joué, c’est l’incertitude par rapport à l’avenir, qui a une dimension très importante à cet âge là: est-ce que je vais avoir mon diplôme ? est ce que je vais pouvoir suivre les cours ?», avance ainsi Enguerrand du Roscoat, qui a cosigné l’étude et est spécialisé dans les questions de santé mentale au sein de Santé publique France.
Il pointe aussi le sentiment d’irréversibilité: «Ce que vous vivez entre 18 et 24 ans ce sont des choses qui ne se rattrapent pas a priori».
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Le chercheur avance aussi d’autres hypothèses: la précarité financière, l’isolement dans des logements souvent minuscules, ainsi qu’une forme de culpabilité face à l’épidémie. «Les jeunes ont été un peu montrés du doigt comme voulant sortir, se contaminant d’avantage et constituant potentiellement un danger», relève M. Roscoat.
Lundi, la principale agence sanitaire fédérale des Etats-Unis, CDC, a tiré la sonnette d’alarme face à des chiffres très préoccupants concernant la santé mentale des lycéens, en particulier des jeunes filles. Près d’un tiers d’entre elles (30%) a sérieusement envisagé de se suicider en 2021 (contre 19% en 2011).