Des anomalies cardiaques peuvent échapper aux examens classiques. Souvent, elles ne s’accompagnent d'aucune manifestation clinique comme la douleur dans la poitrine.
Aujourd’hui, indique le Dr Bounhir Boumehdi, médecin radiologue à Salé, grâce à l'imagerie par résonance magnétique (IRM), il est techniquement possible de déceler les infarctus du cœur «silencieux». Ceux-ci ne s'accompagnent pas d'anomalie à l'électrocardiogramme (ECG) et constituent un risque de mortalité important.
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Pour le Dr Samir Ztot, médecin spécialiste en cardiologie interventionnelle, l’infarctus du myocarde est une urgence cardiaque absolue.
Ce médecin cardiologue insiste sur l’une des principales recommandations de la société marocaine de cardiologie, à savoir, l'importance vitale de reconnaître les signes d'alerte d’un infarctus du myocarde: douleur dans le thorax, fatigue, sueurs, vertiges, palpitations, nausées, vomissements...
La douleur peut être persistante en plein milieu du thorax (derrière le sternum), qui produit une sensation angoissante de serrement «comme dans un étau», d'oppression qui dure. Elle peut irradier dans le bras gauche, le dos et la mâchoire.
Néanmoins, certains infarctus ne donnent pas ces signes. Ils peuvent même être totalement «silencieux» et découverts a posteriori, lors de la survenue d'une complication.
Devant un des symptômes précédemment décrits, il faut immédiatement consulter un cardiologue. Un électrocardiogramme est effectué pour confirmer ou non le diagnostic.
Si le diagnostic se confirme, le patient sera dirigé vers une unité de cardiologie interventionnelle dans les plus brefs délais.
Selon la durée de temps écoulé entre le début des symptômes et l'hospitalisation, le patient recevra l'injection d'un agent «thrombolytique», capable de dissoudre le caillot sanguin qui obstrue l'artère coronaire.
Au-delà, le patient peut bénéficier d'une angioplastie dans l'unité de cardiologie.
Un traitement médicamenteux complémentaire est administré pour limiter le risque de complications, et cela pour un seul objectif, assurer une prise en charge thérapeutique efficace dans les six premières heures après la crise.
Cela est d’autant vrai du fait que le pronostic s'est bien amélioré au cours des quinze dernières années et ceci grâce aux progrès thérapeutiques, à la vitesse d'intervention des équipes médicales d’urgence et à la disponibilité d'unités de cardiologie interventionnelle.
D’ailleurs, le centre hospitalier régional Moulay Youssef à Rabat est le premier établissement de santé publique au Maroc doté d’un service de cathétérisme cardiaque, pouvant prendre en charge les infarctus du myocarde dans un délai de 6 heures, qui vient d'ouvrir ses portes le 28 février 2022.
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De même, il faut savoir que le gain de survie est d'autant plus important que le rétablissement du flux sanguin du myocarde soit précoce et complet: la mortalité diminue de 50% pour un traitement lors de la première heure et de 30% à la deuxième.
Pour mieux comprendre la nécessité d’une prise en charge très urgente, Il faut savoir que l’obstruction d'une artère qui alimente le cœur en sang, et donc en oxygène, entraîne la destruction partielle du muscle. Cela provoque des lésions irréversibles du tissu cardiaque.
En effet, toutes les cellules de la zone qui n'est plus irriguée, à la suite de l'obstruction d'une artère coronaire par un caillot, voire d'un spasme, meurent rapidement, faute d'oxygénation.
En fonction de sa taille, cette nécrose entraîne des problèmes de contraction du muscle cardiaque, se manifestant par des troubles du rythme, une insuffisance cardiaque, voire l'arrêt du cœur.
La seule solution est de déboucher l'artère le plus rapidement possible après le début des symptômes, pour rétablir le passage du sang. Environ 10% des victimes décèdent dans l'heure qui suit et le taux de mortalité à un an est de 15%.
Pour la Dr Aicha Aouad, ancienne présidente de la société marocaine de cardiologie, les conséquences d'un tel accident sont liées à l'étendue de la zone asphyxiée et à la rapidité de la prise en charge.
Pour les évaluer, les médecins réalisent différents examens: un électrocardiogramme, pour détecter des troubles du rythme, une échographie et un Doppler pour visualiser le cœur et la circulation, une coronarographie pour observer les artères coronaires, une épreuve d'effort pour vérifier les capacités cardiaques.
Et si jamais une personne a été victime d’un infarctus du myocarde, le Dr Samir Ztot est catégorique, il faut agir vite et même très vite. A sa sortie de l'hôpital, le patient doit suivre une réadaptation cardiovasculaire, afin de favoriser la récupération des capacités du muscle cardiaque.
Le bénéfice est physique mais également psychologique, en facilitant la reprise d'une activité professionnelle.
L'année qui suit sera marquée par une surveillance médicale régulière. Mais si des troubles du rythme cardiaque persistent malgré un traitement adapté, un pacemaker ou un défibrillateur cardiaque implantable peuvent être mis en place sous anesthésie locale.
Par ailleurs, si plusieurs artères coronaires sont rétrécies ou bouchées, un pontage permet d'améliorer la circulation. Enfin, en cas d'insuffisance cardiaque grave, une greffe du cœur peut être envisagée.
Enfin, il faut savoir qu’au Maroc, on ne dispose actuellement pas de statistiques récentes. Et pour pallier ce manque, la société marocaine de cardiologie a réalisé il y a quelques années, une étude auprès des cardiologues du public et du privé, pour évaluer la fréquence d’éventuels infarctus du myocarde dans les consultations de cardiologie au Maroc.
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Une étude a porté sur environ 1000 malades et s’est déroulée auprès de 100 médecins cardiologues, exerçant dans 57 centres de prise en charge des maladies cardio-vasculaires, répartis sur les centres hospitaliers universitaires, les hôpitaux régionaux de la santé publique, les hôpitaux militaires, les centres et cabinets privés de cardiologie.
Les premières données statistiques marocaines sur l’infarctus du myocarde seront disponibles grâce à la disponibilité du registre national de l‘infarctus du myocarde qui était prévu pour l’année 2019. Ces résultats ne sont pas encore publiés, crise du Covid oblige. Le prochain congrès national de cardiologie prévu fin 2022 sera l’occasion pour présenter des données statistiques nationales sur l’infarctus du myocarde, indique le Dr Moustaghfir, l’actuel président de la société marocaine de cardiologie.
*Le Dr Anwar Cherkaoui est médecin. Lauréat du cycle supérieur de l'Iscae, il a été, trente années durant, le responsable de la communication médicale du CHU Ibn Sina de Rabat.