#Masaktach, #woumanshoufoush, #manchoufouch, #Ila_dsser_seffri, #ZankaDialna… Depuis quelques années, au Maroc, ou du moins sur l’axe Casa-Rabat, la violence à l’encontre des femmes dans l’espace public se combat à coup de hashtags, de pages Facebook et de collectifs éphémères.
Des initiatives virtuelles très honorables qui se concrétisent parfois par des rassemblements, cette fois-ci réels, dans l’espace public. La presse en parle, on approuve, on partage, on commente, et puis… Et puis ça s’arrête là.
Ca a le mérite de faire le buzz, ça a le mérite d’exister, d’être légitimé, applaudi, de faire la démonstration d’un Maroc qui se bouge pour s’améliorer, mais in fine, ça ne change rien au quotidien.
Et pour cause, combattre une main aux fesses ou un regard lourd de sous-entendus sexuels avec un hashtag, c’est compliqué dans la vie de tous les jours. Mais alors que faire?
Il y a quelques jours, on apprenait dans la presse que la mairie de Rabat s’apprêtait sous peu à mettre en circulation des bus roses réservés aux femmes. Une manière de lutter contre les violences et le harcèlement à l’encontre de la gente féminine dans les transports en commun.
La nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre et les réseaux sociaux ont, comme à leur habitude, mis le feu aux poudres.
Face à cette info, démentie catégoriquement quelques heures plus tard par la mairie de Rabat, on a pu assister à une levée de boucliers considérable des femmes, ou du moins de certaines femmes.
«Encore du rose pour les filles», s’offusquent certaines, «RIP l’égalité des sexes» décrètent d’autres, «pffff, une manière d’installer la ségrégation des sexes tout simplement», annoncent celles-ci, ou encore: «oui d’accord ça existe ailleurs, mais dans des pays civilisés. Commençons déjà par s’éduquer comme eux et ensuite on verra»… «Et puis quoi encore!», «jamais de la vie», «n’importe nawak» conclut-on enfin.
A la question, les femmes qui s’opposent à ces bus (dont très honnêtement la couleur est le dernier de nos soucis) sont-elles, elles-mêmes, utilisatrices des transports publics, la réponse est très largement… Non. Pourquoi? Parce qu’elles ont les moyens d’avoir le choix de leur moyen de transport.
«De quoi je me mêle?», pourraient donc leur rétorquer les autres, celles qui, elles , prennent le bus tous les jours dans des conditions au-delà du supportable.
C’est ici que le débat sur les bus roses, leur couleur, l’égalité des sexes et la perversité des hommes prend fin. Et que commence un autre débat, celui des limites du féminisme au Maroc.
Dans notre beau pays qu’est le Maroc, on a pris l’habitude de parler de nos différences en employant l’expression surfaite «pays à deux vitesses», laquelle explique sans rien expliquer du tout les gaps qui fracturent une même société.
Il y a les nantis et les pauvres, les arabophones et les amazighophones, les francophones et les hispanophones, les rajaouis et les widadis, les casaouis et les rbatis, les cultivés et les analphabètes, les hommes et les femmes et pour finir… Les femmes et les femmes, ou plutôt les femmes contre les femmes.
Où commencent et où s’arrêtent les limites du féminisme? La question de l’égalité des sexes et de la mixité a-t-elle vraiment lieu d’être quand il s’agit de trouver une solution rapide à un problème de violence au quotidien?
A part des critiques, des «si», des «il aurait fallu», et des «on ne sait pas faire»… Qu’a-t-on de mieux aujourd’hui à proposer à ces femmes victimes d’agressions? Une question qui a le mérite de se poser quand on sait que le Japon, l’Allemagne, les Etats-Unis, le Canada et la France ont mis en place des services de transports exclusivement féminins, privés ou publics.
Certes, la mise en œuvre de ces initiatives ne se fera pas sans risques, celui de passer notamment du statut de victime à coupable si d’aventure on se faisait agresser dans un transport mixte. «Elle l’a bien cherché! Elle n’avait qu’à prendre un bus rose!», pourra-t-on alors entendre.
Mais en attendant de prendre une décision, pourrait-on au moins donner, et laisser, la parole aux principales concernées sans pour autant verser à tout prix dans un pseudo-discours féministe déconnecté des réalités?