La misère sexuelle n’explique pas tout

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ChroniqueLa misère sexuelle est une chose. La «vengeance» avec passage à l’acte en est une autre. Il faut bien un lien, quelque chose qui relie une catastrophe à l’autre.

Le 02/06/2018 à 17h29

Dans la région de Safi, une bande de voyous a roué de coups le chauffeur d’une camionnette et son unique passagère parce qu’ils les soupçonnaient de forniquer en plein ramadan. Le «couple» était isolé dans la camionnette, loin de la route principale et des regards. Alors une poignée de jeunes voyous, subitement transformés en police religieuse, ont encerclé la petite camionnette et «arrangé» ses deux occupants.

Ils ont même poussé le luxe, sûrs de leur bon droit, jusqu’à filmer la scène du châtiment, cachant leurs propres visages mais dévoilant celui de leurs victimes et…la plaque d’immatriculation du véhicule. Un véhicule coupable à son tour car assimilé au théâtre du crime.

La vidéo est bien sûr choquante et, dans quelques jours, on apprendra que la gendarmerie a arrêté les barbares. On verra alors leurs mères et leurs pères éplorés, nous expliquant qu’ils sont jeunes et «innocents», qu’ils soutiennent matériellement leur famille, qu’ils n’ont jamais fait de mal à une mouche, qu’ils craignent dieu et aiment le prophète, etc. L’un d’eux aura peut-être l’idée d’en appeler au roi pour demander grâce et pardon.

Tout cela finira par un procès et des condamnations. Et puis, avec le temps, on se montrera indulgents envers les barbares. Et on finira par oublier cette triste affaire en essayant de nous persuader qu’elle n’est qu’un cas isolé. Quelque chose d’horrible mais d’anecdotique.

Cas isolé, vraiment ? 

Bien sûr, beaucoup saisiront cette occasion pour nous resservir ces généralités si douces à nos oreilles. Ils nous expliqueront que les Marocains sont un peuple pacifique et tolérant, et que l’islam ce n’est pas ça. C’est une religion de paix et de liberté.

D’autres nous diront, après avoir rappelé qu’ils restent des musulmans ouverts et tolérants, que l’islam a quand même prévu de lapider les «débauchés». D’autres encore leur expliqueront qu’il faudrait, pour cela, rassembler un certain nombre de témoins et prouver que le coït a bel et bien eu lieu. Ce qui n’est pas une mince affaire.

Il y aura toujours ceux, peut-être les plus nombreux, qui vont évacuer le problème en disant: non, le chauffeur et la passagère n’ont pas forniqué. Et ils n’ont pas rompu le jeûne. Ce sont de bons musulmans. Ceux qui les ont violentés n’avaient donc pas à le faire, honte à eux.

C’est une manière de fermer ce couvercle dont personne ne veut regarder ce qu’il cache à l’intérieur.

En réalité, toutes ces réactions légitiment la barbarie. Elles laissent toutes une marge, une chance aux barbares. Elles partent toutes du postulat que le «couple n’a rien fait». Ce qui revient à légitimer la barbarie si le couple avait fait «quelque chose».

Tout tourne autour de cette «chose». Qui s’appelle le sexe. Ce sexe qui tourmente les esprits. Parce qu’il y a le corps de la femme, que la culture populaire, nourrie par le dogme religieux, considère comme un sanctuaire que seul le mari a le droit de regarder et de fouler.

Les jeunes voyous de Safi ont peut-être emprunté la religion comme canal pour «venger» leur misère sexuelle et donner une sorte d’honorabilité à leur acte de barbarie. Cet argument existe évidemment. La frustration sexuelle au Maroc et dans les pays arabes fait des ravages aussi monstrueux que l’ignorance ou la pauvreté.

Mais ne nous cachons pas trop vite derrière cet argument. La misère sexuelle et la misère tout court n’expliquent pas toute la barbarie. C’est le point de départ. Une matière brute. De la poudre. Après, il y a des canaux qui transportent cette matière, la transforment et en font à l’arrivée une bombe.

La misère sexuelle est une chose. La «vengeance» avec passage à l’acte en est une autre. Il faut bien un lien, quelque chose qui relie une catastrophe à l’autre.

Dans le Maroc d’aujourd’hui, comme celui d’hier, le dernier des idiots sait que la femme adultère ou débauchée, qui consent des relations sexuelles en dehors de l’institution du mariage, mérite lapidation. Il le sait depuis toujours.

Et s’il l’oublie, l’école le lui rappellera. Avec un enseignement qui apprend à nos enfants, dès leur tendre enfance, que la femme adultère ou débauchée mérite lapidation. Jusqu’à ce que mort s’en suive!

Par Karim Boukhari
Le 02/06/2018 à 17h29

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L'école dans notre société est victime de tous les maux. Est ce que tout le monde va à l'école malgré sa misère? Je parie que non. Je parie aussi que ces voyous n y ont jamais posé pieds. Les discours misérables de la plupart des lmames des douars sont, aussi, pour quelques choses dans ce drames. L'enseignement, moteur de toute société qui veut atteindre l épanouissement est malheureusement en panne. Ce drame ne sera pas le dernier, il constitue la preuve irréfutable de ce qui vient d'être dis.

azul fellawen ,ou est passé la societé des almoravides ou les chroniqueurs nous disent:qu'une femme seule pouvaient voyer de marrekech jusqu'a ifren en lybie sans etre inquitée et bien respectée ".helas d'une epoque a une autre tout change.ou est passé la culture chadelite ,jazoulite plus tolerante ,plus respectueuse,plus egalitaire,plus solidaire ,plus humaniste et plus specifique a tamaghribit.... l'erreur dans tous ces pays ,ou lieu de piocher sur certaines de bonnes valeurs et de les bien cultuver ,on a fait le contraire ,on a fait l'importation de wahabisme agressif ,raciste ,exclusif,on a ramené des faux pasteurs dans l'auberge maghrebine qui nous gangrene chaque jour d'avantages....les sonnetes d'alarme ont tirees depuis longtemps ,qu'attend-t-on pour extirpir une fois cette culture dégradante qui ronge les pays maghrebins...!!!. il suffit des volontes politiques et des volontes des societes civiles ,nassarem ou esperant que ces problemes a tripoli ,a alger ,a tunis ,a rabat ,a goua ,a imouraren ,a nwakchout neseront qu'un vague souvenir ,et le sourire ,le bonheur ,la joie reviendront comme avant....agim tanemirt pour cette article pertinent.azum ilhen ar tufat.

on essaie de nettoyer la rivière alors que la source est polluée . Pour comprendre cette misère civilisationnelle , il faut voir au delà du présent et du passé récent , mais il ne suffirait pas de voir les yeux presque fermes mais de les ouvrir en grand mais aussi avec audace et intelligence. En connivence avec le pouvoir politique et adossée à des dogmes écrits les oulémas ont de tout temps émis des fatwas pour assujettir le peuple à un Dieu qu ils ont imaginé cruel et vengeur et c est là que la multitude abêtie puise sa détermination à combattre tout ce qui est différent et à intimider l’intelligence .

Magnifique article. Il est temps que le Maroc respecté la liberté de chaque individu, au niveau du culte, de la liberté de conscience, de choix de vie et mette davantage en avant l'humanisme que le prosélytisme religieux qui est malheureusement bien ancré dans le pays. De tous les pays musulmans, je pense que le Maroc est le seul à montrer une voix plus humaniste et moins prosélytisme. Les marocains seront-ils à la hauteur d'un tel enjeu? l'avenir proche nous le dira.

tout simplement félicitations pour cette chronique il est temps de créer lr club des conscients

Sans donner de caractère religieux à votre chronique, mais seulement pour démontrer l'absurdité de ces milices sauvages:notre Saint Coran interdit toute forme de voyeurisme et s'il prohibe l'adultère c'est sous certaines conditions, qu'il est la plupart du temps, impossible de prouver. Par conséquent, ces sauvages, et ils sont de plus en plus nombreux, n'ont ni la connaissance, ni l'intégrité nécessaires, à dénoncer ces faits. Ces personnes, sont en effet dangereuses, pour l'Islam, pour la sécurité et pour l'avenir du Maroc. Dieu est omniscient: cela veut dire qu'il voit tout, qu'il sait tout. Il n'a pas d'associés et il est seul juge de nos actes, de nos propos, et de nos mouvements.C'est important de le rappeler car des ignorants veulent gérer notre société en s'appuyant sur un livre Saint qu'ils ne connaissent pas ou peu, et c'est de l'ordre du blasphème. Cela a un impact en dehors du Maroc et nuit à notre pays.

Mr Boukhari vous êtes sans doutes assez jeune d'après votre apparence, vous avez raté l'occasion de vivre ce que nous savons de la société marocaine, avez-vous posé a vos ainés les questions fondamentales sur comment vivaient les marocains y a belle lurette, en clair, aucune femme n'a été dilapidée dans ce royaume qui est musulman et a aucun moment la justice marocaine n'avait laissé un obtus de l'islam tabasser une femme suite a une flagrance d'adultère et Dieu sait que l'adultère au Maroc se conjuguait a tous les temps dans certaines villes du royaume, ces femmes étaient connues pour leur turpitudes mais personnes n'osait se substituer ni a la coranique ni a la punition du créateur, ceci dit est réponse a votre commentaire qui se veut avant-gardiste surtout pointu quant a votre biaise sur une espèce de laïcité dont un certain Bouachrine jouait contre vent et marées s’attaquant au fondement même de l'islam marocain si y a lieu de cet islam durant des années sur le Net. Bref je ne partage avec vous ainsi qu'avec beaucoup de sensés que l'amertume et le dégout envers ces crétins qui se posaient comme les détenteurs du sceau de la morale musulmane, je souhaite que la loi les punisse sévèrement pour l'exp cela dissuadera ceux qui sont dérangés par les sauteries de femmes mariées avec qui elles le veut? Conclusion : que chacun balaie devant sa porte

bien répondu Mr ADIL, je ne sais pas où Mr Boukhari veut en venir... Il ne faut pas chercher à innocenter les victimes car cela peut être perçu comme justification de la bande dans le cas contraire. Quelque soit l'acte commis par les victimes, personne ne peut s'ériger en justicier... Ceux qui ont commis cet acte barbare doivent répondre de leur acte et être condamné sévèrement en conséquence selon la loi quelque soit leur statut social... et indifféremment de ce que les victimes ont commis ou ne pas commis

A l'inverse des autres peuples, notre société au lieu de concrétiser les acquis gagnés par les générations des années 60 et 70 a régressé vers obscurantisme et l'ignorance. Quand j'ai fini mes études à l'étranger, j'ai regagné mon pays en espérant participer à son développement, en ayant foi dans sa jeunesse et son ouverture d'esprit et en ayant la certitude que le changement politique se fera doucement vers une monarchie constitutionnelle et un gouvernement ancré dans la modernité. malheureusement, tout mes rêves ont été détruits et le Maroc et surtout les marocains (aidés par nos politiciens et par certains de nos journalistes) ont fait le choix du non respect des idées des minorités de la loi de la jungle et de l'intolérance.

Merci pour ce superbe article. L état a abandonné l école la santé. ..et la spiritualité des citoyens , on ne fait rien pour rectifier le tir. Nous avons des mosquées partout, il suffit de consacrer les mois de ramadan à la mise à jour et MAINTENANCE de nos cerveaux, réapprendre le civisme, le devoir du citoyen. .les thèmes pensés et mise à disposition aux imam de villes des douars, voir mettre à leurs disposition des tablettes puis des formations ponctuelles , pourquoi pas des écrans ?

Je suis triste et j'ai honte devant les intectuels européens devant lesquels je me vantais en disant que le Maroc avance à pas de géants dans le domaine des libertés et de l'émancipation de la femme! Ces idiots détruisent l'image de notre pays et font des victimes

Je pense plus à la misère du cerveau, si ils ne sont pas capables de jeûner et surtout si ils sont frustrés, ils n'ont qu'à manger. Sans foutre la merde.en France on fait le ramadan malgré que les gens mangent2 et boivent devant nous sans que cela nous gêne...

Magnifique chronique Ssi Karim et un grand MERCI. Ce thème est à vrai dire un sujet fertile pour des études sociologiques de notre société, mais malheureusement nos intellectuels ont démissionné et il nous reste que la danse du ventre, les chhiouates et la médiocrité des émissions de télé qui font du cirque pour la populace égarée par l’ignorance et le consumérisme. Ce lynchage ignoble et barbare reflète un déficit de civisme qui semble s’installer pour de bon et une violence inouïe et incommensurable qui sévit au sein de notre société. Comme vous l’avez si bien dit, il y aura toujours un procureur qui trouvera à ces énergumènes des circonstances atténuantes. En réalité, c’est qu’au Maroc, nous avons domestiquer l’incivisme et la violence et nous inventé un nouveau Dieu (propre à nous) à qui ont fait dire tout ce qui satisfait nos frustrations et nos bêtises. Les marocains légifèrent sur la place publique; ils autorisent et interdisent ce qui leur convient dans une impunité totale et pourquoi ne le feraient-ils pas puisque l’État a démissionné de son rôle. Cette violence se nourrit des discours délétères prônés par les docteurs de la fois, par le wahhâbisme, le daechisme, et j’allais dire ‘’le stupidisme’’. Tout au long de la journée, et surtout pendant cette période de Ramadan, nous entendons des conférences sur les réseaux sociaux et des bréviaires à la Radio par des ignorants qui se sont autoproclamés Docteurs, Nutritionnistes, Psychanalystes, … et qui distillent de manière sournoise et perfide un dogme dangereux, des péremptoires et un discours qui a changé notre société que plusieurs d’entre nous ne reconnaissent plus. J’ai l’impression que le monde avance et nous, nous reculons. Ce n’est qu’une fois qu’un vrai ménage de fond en comble est fait qu’on pourrait éventuellement éradiquer ce virus et cette gangrène qui est en train de ronger le corps de la société marocaine. Je suis extrêmement triste pour mon cher pays.

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