Posez cette question aux 35 à 40 millions de Marocains d’ici et d’ailleurs, et vous aurez 35 à 40 millions de réponses différentes. Chacun a la réponse, l’explication, la clé, chacun croit comprendre ce qui s’est passé au Qatar.
Bien sûr, ces millions de réponses finiront bien par se regrouper en quelques ensembles. Avec des mots différents, beaucoup de réponses exprimeront les mêmes idées. Il y aura, au final, des «familles» de réponses, entre les rationnelles (travail, sérieux, discipline...) et les «magiques» (bénédiction divine ou parentale, providence, etc.).
La force de Walid Regragui, le sélectionneur national, c’est qu’il a toujours tenu un discours qui correspond à toutes ces «familles». Il a eu des mots qui rentrent dans toutes les cases.
Il a mis en avant le travail d’équipe et la qualité de la préparation technique. Et il a aussi insisté sur cette fameuse «niya» (bonne foi) qui peut déplacer une montagne ou faire en sorte que le ballon qui percute le poteau finisse au fond des filets ou en sortie de but.
Poteau rentrant ou sortant? Pourquoi ça rentre ou ça sort? C’est un détail, mais qui peut changer une destinée, et pas seulement le cours d’un petit match de football.
Alors, poteau rentrant ou sortant ? Et pourquoi, surtout?
Dans les sociétés traditionnelles, on aime insister sur ce côté magique, irrationnel, voire irréel. On met toujours en avant un homme providentiel, ici c'est Regragui, qui devient un prophète ou presque. Il a une sorte de baguette magique, une bonne étoile l’accompagne et veille sur lui et sur les siens.
Cette bonne étoile explique alors l’inexplicable. Nous sommes face à un miracle. Un miracle de dieu. Nous sommes dans l’extraordinaire, l’extra-sportif. Le ciel a exaucé les prières des joueurs sur le terrain, et les prières des mères.
Ce bon Mondial des Lions de l’Atlas devient le couronnement d’une série de bonnes actions, l’expression de la foi, de la piété, de la vertu et de «ridat al-waldine» (bénédiction maternelle, surtout). C’est une victoire et une réussite religieuse, mystique.
Pourquoi pas, au fond?
Mais si le miracle explique l’inexplicable et remplit tous les cœurs de joie, il reste une potion magique. Et c’est une prise unique. Cela tombe du ciel, sans prévenir, il n’est pas possible de le programmer, ni de le renouveler.
Pour aller plus haut encore, pour construire, pour faire en sorte que cette parenthèse enchantée ne reste pas sans lendemain, il vaut mieux considérer cette réussite sous un angle plus pragmatique. Le Maroc n’a rien laissé au hasard, ni à la providence.
Il y a eu une volonté royale: rappelez-vous que le «club» qui a fourni le plus d’internationaux à cette équipe du Maroc s’appelle l’Académie Mohammed VI de football. Il y a eu une politique d’Etat, de gros moyens mis en place, une belle infrastructure, des techniciens de haut niveau. Et, par-dessus le marché, un sélectionneur et des joueurs de talent, motivés et bien préparés.
Cette recette, cette formule, en bref cette logique, qui est magique à sa manière, a créé les ondes et les vibrations positives qui ont fait que le poteau soit rentrant ou sortant.