Vous avez un problème? Ne le réglez pas, créez-en un autre!

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ChroniqueComment régler un problème? En créant un autre, de préférence plus fou, plus grand. Ou comment on défigure nos villes et on gaspille l’argent public en toute tranquillité, sans rendre de compte à personne.

Le 08/01/2022 à 09h01

Il faut le voir pour le croire. A Fès, quelqu’un a eu l’idée d’installer un étonnant grillage en forme de zigzag, sur les trottoirs du centre-ville. C’est une expérience nouvelle, et totalement absurde. Avec le zigzag qui le barre en diagonale, le trottoir est inutilisable. Autant l’enlever!

Quand on voit le résultat, moche et stupide, on se demande: «Mais pourquoi?». Vient alors l’explication, qui est franchement surréaliste: c’est, nous dit-on, «pour empêcher les vendeurs ambulants de s’installer sur les trottoirs».

Il faut imaginer la scène qui a amené à cette catastrophe, quelques jours ou semaines auparavant. Quelqu’un, dans le conseil communal de la ville, a dû interpeller les autres: «Mes amis, nous avons des vendeurs qui infestent nos trottoirs, comment lutter contre ce problème?».

Les élus lèvent le doigt comme les écoliers en fond de classe. «Moi m’sieur, moi m’sieur!». Celui qui prend la parole aurait pu dire: «On leur construit un petit marché pour les sédentariser (…) On les oriente vers une autre place pour les éloigner des trottoirs».

Mais non, rien de tout ça! L’élu lance, fier de lui: «J’ai une idée originale, on installe des grilles en fer force, mais sous forme de zigzag. Comme ça, les vendeurs n’auront aucune possibilité d’étaler leur marchandise sur le sol du trottoir. Et tout est bien qui finit bien!».

Le président ou l’un des assesseurs a dû applaudir: «Génial, mon frère, c’est génial! Mais…cela doit nous coûter un peu cher, non?». Un autre élu a dù intervenir à son tour: «On n’a qu’à rogner sur le budget de l’éclairage public, du balayage ou des transports de bennes à ordures. De toute façon, ces budgets sont très peu utilisés et ne servent presque à rien». C’est entendu, l’affaire est conclue!

Bien sûr, personne n’a pensé aux piétons, qui vont devoir pratiquer le saut d’obstacles pour passer leur chemin. Et personne ne s’inquiète du décor urbain qui ne ressemble à rien. 

J’imagine aussi, pour le bouquet final, que l’entreprise qui a fabriqué et livré le «zigzag» appartient au frère, beau-père ou voisin de l’un de ces messieurs.

Ce scénario est bien sûr imaginaire. Mais il pourrait bien correspondre à la réalité des choses.

Nous avons un problème, vieux comme le Maroc: celui de l’occupation illégale ou, disons, non organisée, carrément bordélique, de l’espace public. Chacun installe sa marchandise comme bon lui semble, là où il veut/peut, gênant la «circulation» des piétons et faisant ressembler le décor urbain à un moussem ou à un rassemblement forain.

C’est un problème, un vrai. Et comment on le règle? Réponse: en créant un autre problème, encore plus fou.

Vous comme moi savons comment toute cette histoire va se terminer: les zigzags seront rasés, les vendeurs seront de retour (à moins qu’ils n’utilisent le grillage pour «exposer» leur marchandise d’une manière encore plus visible), et la mairie aura gaspillé de l’argent et du temps pour rien. Un budget et une énergie qui auraient pu/dû servir à quelque chose d’utile.

Magnifique, rien à ajouter!

Par Karim Boukhari
Le 08/01/2022 à 09h01

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VOS RÉACTIONS

Oh seigneur aide-nous à nous débarrasser de ces élus à la noix !

Permettez-moi M. Karim d’ajouter une idée qui, me semble-t-elle, touche l’origine du mal. Cet archaïsme qui gangrène dans la gestion des biens publiques se manifeste toujours dans la manière de dépenser l’argent des contribuables. L’élu n’a manifestement que l’idée immédiate de couler son budget dans une pieuvre bureaucratique du département sous sa responsabilité. Justement, le mal est ici. Nous sommes encore dans une logique dépensière qui laisse libre cours à tout, sans reddition. Or il y a un changement de paradigme économique y compris à l’échelle locale. Si l’élu était tenu d’investir le budget plutôt que de le dépenser, son action serait évaluée concrètement par un retour d’investissement. Ainsi, nos élus de Fès et d’ailleurs réfléchiront deux fois avant de commettre d’aberrations.

Incroyable !!!

Bon dimanche M. Karim. Une simple idée parmi tant d’autres est entre ces deux phrases : « Un budget et une énergie qui auraient pu/dû servir à quelque chose d’utile. » Et « pour empêcher les vendeurs ambulants de s’installer sur les trottoirs. » Mais ces élus locaux préfèrent façonner le comportement citadin à leur guise par « un grillage. » Rien que ce terme me dérange. Il révèle leur mépris à l’égard même de ceux et celles ayant votés pour eux. Pis, cette approche est digne des temps révolus. Au passé lointain, très lointain, on asservissait l’humain pour bâtir des oeuvres au nom d’une croyance plus ou moins consensuelle ; Mais aux temps modernes, tout l’inverse, les oeuvres, au service de l’humain. C’est même à cela qu’on évalue la pertinence des projets dans des pays démocratiques.

Fallait rajouter 1 photo du Chef-d’œuvre … moins insolite, à Marrakech pour faciliter les déplacements aux personnes handicapées des pentes ont été installées aux bords des trottoirs pour la traversée des piétons ce qui est une excellente initiative. Le problème, ces pentes ont été tellement bien travaillées et … bien polies que par endroits ce sont de véritables toboggans glissants et si vous ne faites pas attention vous risquez de vous retrouver pieds devant dans la chaussée … heureusement qu’il ne pleut pas souvent à Marrakech … Merci

Monsieur Boukhari,ce que vous avez imaginé à propos de la genèse de cette idée est fort possible !Elle est certainement née lors d'une réunion de type " brainstorming",cette technique qui consiste à réunir plusieurs cerveaux pour réfléchir ensemble à des solutions innovantes pour un problème donné.Sauf que,quand on réunit des tocards,ce qui est le cas ici,il ne faut pas s'attendre à des propositions de solutions disruptives !

Bel article.Sauf qu'ilfaut savoir que responsable de ce scandale est en réalité le Wali et la société Al Omrane.La responsabilité du maire et de ses copains réside dans leur mutisme et non réactivité. C'est HONTEUX !

Les élus, presque tous, passent leur temps à chercher des excuses pour dépenser les budgets de leurs communes, provinces ou régions, dans le but de détourner les fonds publics pour s’enrichir. La seule différence, c’est qu’il y en a qui sont plus astucieux que d’autres pour cacher leurs crimes. Mis à part l’incompétence et le degré de malhonnêteté de ces gens, ils représentent le plus grand obstacle au développement du pays. Au Maroc, personne ne vous dirait le contraire: Le pays s’endette, les politiciens s’enrichissent. Pire encore, par leurs activités et pratiques malhonnêtes, ils défigurent le pays. Ce qui coûterait encore plus cher aux futures générations qui, espérons le, voudraient un jour tout refaire. Et on se demande pourquoi la majorité des citoyens méprise les politiciens!

celui qui a eu l'idée du grillage devrait se rendre a Bombay et revenir avec un peu de tolérance, sinon de compassion si c'est un "nanti", Bref, ces ambulants casaouis ont le droit de vivre avec leurs moyens, le seul soucis serait de leurs créer des zones dédiées. J'ai connu en 1966 a Casa Brd Mahamad V sous les arcades, des vendeurs de journaux et de revues + ceintures et porteclés posées a même le sol, ça faisait partie du décors et ça n'offusquait aucun

Les frais de 1 Fourniture 2 pose 3 dépose 4 remise en état du sol : doivent être à la charge du président de la commune.

C'est logique, c'est comme racheter un crédit par un autre. Ajuster sa consommation, rembourser ou la saisie. Le piéton n'est-il pas une partie prenante du problème ? Lui aussi doit être sanctionné. Bien sûr, tout ceci est normal, puisque c'est le raisonnement par l'absurdité pour trouver une solution. Merci pour ce sujet, j'adore.

Et dans le sens de cet éditorial, l'aménagement grandiose des entrées de villes et même de villages... Trottoirs démesurés, éclairage pléthorique ... Tout cet argent qui pourrait servir à isoler les salles de classe par exemple ...

La ville de fes est devenue habituée à de telles folies. M. Chabat a fait insraller une mini tour eiffel qui paraît il a coûté la bagatelle de 4 millions de dirhams et qui a été rasée en une nuit. Les partis changent les personnes changent les idées de m.. restent les mêmes.

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