Y a-t-il un remède contre la culture du pourboire?

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ChroniqueEst-ce que l’informatisation des services administratifs mettra fin à la culture du pourboire? Il faut l’espérer, mais…

Le 12/03/2022 à 08h59

J’ai eu une discussion ravissante avec un agent d’autorité. Oui, ravissante, ne riez pas s’il vous plait. Pas encore… Je voulais lui remettre quelques pièces de monnaie pour «prendre le café» et surtout pour l’inciter à aller plus vite. Et il a dit non. Un non formel, définitif. Ou presque…

Il m’a expliqué que les temps ont changé. Avant, me dit-il, al-Mouwaten (le citoyen) devait courir d’arrondissement en arrondissement, et de commissariat en commissariat, pour rassembler les informations nécessaires et plus ou moins suffisantes pour compléter son dossier. Et à la fin, conclut-il avec le sourire, il manquait toujours une pièce…

Et alors, poursuivit-il, quand ce Mouwaten faisait toutes ces démarches, toutes ces courses, quand il allait et venait et perdait beaucoup de temps, et quand il lui manquait encore et toujours une pièce quelconque, et qu’il croyait qu’il allait devenir fou, il était logique qu’il mette la main à la poche et me file un billet.

«Parce que je lui rendais service. Je lui facilitais la tâche. Je lui apportais directement quelque chose, qu’il lui était impossible ou presque d’obtenir tout seul».

Mais les temps ont donc changé. En mal, selon mon précieux interlocuteur. L’informatisation a gâché les plaisirs du passé. Maintenant, me dit-il, tu cliques, tu remplis tes formulaires, tu payes en ligne, et tu viens à moi pour déposer ou récupérer ton dossier.

«Comment veux-tu, dans ces conditions, que je te demande quoi que ce soit?».

Sale époque, en effet.

Pour consoler mon interlocuteur, je lui dis que le «remède» à tous ces problèmes serait que le niveau de salaire moyen des agents «augmente» un petit peu. C’est le genre de revalorisation qui ne ferait que des contents. En espérant que cela mette fin à la culture des pourboires…

Je lui fis quand même remarquer que, du temps de nos ancêtres, avant le XXème siècle, même les caïds, qui avaient un pouvoir extraordinairement étendu, n’avaient pas toujours un salaire. Et qu’ils étaient obligés de se servir auprès des tribus et des Mouwaten de l’époque. Tout le monde trouvait cela normal.

Quand le Mouwaten se retrouvait en face d’un agent, il devait mettre la main à la poche, ou partager sa nourriture. C’était un code culturel. Mais c’était avant, à la belle époque.

Retour au présent. Aujourd’hui, j’ai réglé tous mes problèmes devant un ordinateur avant de me présenter à l’arrondissement. Mais...

Avant de nous quitter en bons amis, l’agent me dit: «Il te manque quand même quelques photocopies». Ah bon? Ah oui! Toujours ces pièces manquantes, que même les progrès informatiques n’ont pas été capables de signaler. On ne changera décidément jamais!

L’agent se propose lui-même d’aller faire les photocopies. Je lui file un billet. Quand il revient, je lui demande de garder la monnaie. «C’est pour ton café», lui dis-je. Il refuse. J’insiste. «Non, non, protesta-t-il, je n’ai rien fait, tu n’es pas obligé…».

Je finis par trouver la parade: «Garde le pourboire, il est halal, c’est moi qui te le dis». Et hop, l’argument halal fait mouche et l’affaire est réglée.

«Ton dossier est entre de bonne mains», me dit mon interlocuteur en me raccompagnant à la porte.

Une discussion ravissante, je vous dis!

Par Karim Boukhari
Le 12/03/2022 à 08h59

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Sincèrement,j'aurais agi comme vous ! Cette question mérite une réflexion plus approfondie,au lieu de ce réflexe pavlovien (que j'ai aussi) qui consiste à accuser systématiquement les fonctionnaires de corruption.Je crois qu'il y a une différence entre un pourboire que l'on donne volontairement pour remercier un fonctionnaire pour sa célérité et une "KAHWA" contre une faveur:marché public, dérogation, recrutement,contravention...etc.Ces pratiques sont,socialement et économiquement, plus préjudiciables.Maintenant quel est est le remède au pourboire?Puisqu'il est difficile d'agir sur les comportements,il faut travailler sur les "procédures"!La digitalisation des services publics est la meilleure solution.Quand ce n'est pas possible,il convient de simplifier les procédures au maximum.

Le corrupteur est aussi blâmable que le corrompu sinon plus. Pour ma part je mets un point d'honneur à ne jamais céder à cette facilité, question d'éthique, qu'il s'agisse d'une amende ou d'un papier à obtenir. Les Marocains ne cessent de se plaindre de la corruption mais l'immense majorité l'entretient sciemment dès le moindre obstacle. A partir de là, il est interdit de se plaindre.

une situation surprenante caractéristique de la société ,cette situation devenue presque normale:la coexistence pacifique presque chaleureuse :halal haram, halal,shoukrene Allah qui l'a comblé,haram,couvre toi de prières pour qu'il te pardonne,ainsi la paix copine bienveillante entre H et H, exemple:le sieur ex chef,mange le haram de 7 millions ,pour lui ,le haram devenu halal,l'islamiste obscurantiste absorbe les deux H,H,

Bonjour Monsieur Karim Boukhari. Cette histoire réelle ou imaginaire est une leçon de culture. C'est aussi une jolie fable qui mérite un intitulé qui imprime, comme par exemple:"La corruption et le pourboire". Et comme toute fable se conclut par une morale, sa morale serait:"Remercier n'est pas corrompre et c'est hallal". Je me suis posé la question: et si j'étais à votre place? Sincèrement, j'aurais agi de la même manière, mais si le Mouwaten avait refusé malgré le mot magique, je n'aurais pas insisté et j'aurais dit enfin! Cordialement.

La culture elle-même est le remède à la culture du pourboire. Merci infiniment.

« Garde le pourboire, il est halal, c’est moi qui te le dis. » C’est ça ! halal. Vous lui faites passer la moutarde sous forme de mayonnaise. Ce qui revient exactement au même, de point de vue chimique. Pour une relation saine et transparente, ZÉRO pourboire pour un agent dépositaire d’autorité publique. En revanche, vous pouvez lui apporter votre soutien lors d’une manifestation revendiquant une revalorisation des conditions de vie. Ce qui serait parfaitement halal. La règle est que son syndicat demeure sa voix d’expression ; Et il n’a pas à se lamenter devant vous pendant l’exercice de ses fonctions. Le seul remède est de le prendre en flagrant délit ; le numéro vert est gratuit.

le geste dit "pourboire" est typiquement français qui signifiait offrir un verre a celui quia fait cet "effort" avec le temps dans certains pays tiers-mondistes, voir pire, il est devenu "rachwa" dans les années 70 ce "pourboire" s'est transformé a l'entrée au Bled en obligation volontaire pour les marocains qui revenaient chez eux en vacances. l’immigré met instinctivement sa main a sa poche la ressort fermée sur ce pourboire et la glisse subrepticement du "fonctionnaire" qui se fait interrogateur quand a la couleur du billet, se grattant l'arrière du crane avec l'air de dire, le pourboire est inclus dans l'article tacite dit :"bezzez", ce sera tant pis pour les suivants qui n'assimileront pas la pratique, ça a gangréné de diverses façons le reste du pays, le marocain l'a même exporté

Pendant ce temps, y avait sans doute une file titanesque qui attendait derriere, la fin de ce brillant échange.

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