Naaari! "J’ai failli m’évanouir. Vous allez me comprendre car vous avez déjà vécu ce drame. J’ai quitté la maison en voiture. J’ai conduit avec le téléphone à la main en répondant à mes messages sur WhatsApp. Je me suis arrêtée pour faire une course. Une fois dans la voiture, le choc! Mchaaa tilifone (le téléphone a disparu). Mon sang n’a fait qu’un tour, palpitations, sueurs, frissons, tremblements. J’ai arrêté net la voiture sans faire attention à la circulation, j’ai cherché comme une folle, vidé mon sac, fouillé la voiture, waaalou. Désespérée, j’ai pris ma tête entre mes mains. Une femme, apitoyée par ma détresse, me proposa son aide. Essoufflée, j’avais du mal à parler. Je lui ai demandé de me biper. Et là… Dieu est grand! Le téléphone était sous le siège de la voiture..."
Cette dame est nomophobe. Et vous? La nomophobie, phénomène récent, lié à l’essor des nouvelles technologies, vient de l’anglais "no mobile phone phobia", la peur excessive, l'angoisse intense d’être séparé de son portable ou de ne pouvoir recevoir ou émettre des messages ou des appels. Le terme a été inventé au cours d'une étude menée au Royaume-Uni (UK Post Office, 2008) sur les angoisses des utilisateurs de téléphone mobile. Pour les psychiatres, la nomophobie est une maladie nouvelle, le fruit de la communication virtuelle.
Elle se manifeste par des signes de panique, l’impression d'étouffer, d’avoir une boule dans la gorge, dans le ventre, de la transpiration, des palpitations en cas de perte ou d'oubli du téléphone.
Je parie que vous êtes aussi atteint d’infobésité: vous êtes accro au téléphone, mais aussi aux informations qu'il vous donne en permanence: "sans mon portable, j’ai peur de rater un appel, une information sur un site ou sur un réseau social"... "L’angoisse qu’il arrive quelque chose sans que je le sache…".
Si on oublie le portable à la maison, on revient le chercher en urgence, comme si le monde allait s’écrouler si nous ne sommes pas connectés.
Et quel stress quand la sonnerie d’un téléphone retentit. Les gens sursautent pour s’emparer du téléphone: le sortir du sac, de la poche du pantalon ou de la veste, du soutien-gorge pour les vieilles femmes, de la poche du serwal kandrissi pour les hommes âgés…
Des gestes rapides, névrosés, comme si rater l’appel était un drame. La pandémie a favorisé la nomophobie lors du confinement: le portable est le seul outil pour rester en contact avec le monde extérieur au foyer, un moyen de s’informer sur le virus et surtout un outil de loisirs. Nous en avons tous fait une utilisation excessive.
Avec l’utilisation abusive, l’addiction s’installe et provoque un déséquilibre physique et mental: nausées, vomissement, migraine et migraine ophtalmique, troubles de sommeil, agitation, isolement social, diminution de l’audition due aux écouteurs, douleurs dans les muscles et les os (main, coude, pouce, épaules…), perturbation de la mémoire, du langage, de l’attention et de la concentration, grande fatigue, troubles cardio-vasculaires, troubles de la vue chez les plus jeunes (myopie) auxquels les parents confient des smartphones et tablettes dès leurs six mois, pour les occuper.
Mais d’où vient cette angoisse? Une raison objective: nos smartphones se sont substitués à notre mémoire. Ils contiennent les numéros de téléphone de la famille, des amis, du travail, des médecins… Avant, nous mémorisions des numéros de téléphones; c'est fini aujourd’hui. Le smartphone contient nos agendas, nos notes… Pire, notre vie privée, voire intime, avec les photos, les vidéos, les audios, nos discussions sur les réseaux sociaux…
C’est notre vie privée, intime et professionnelle que nous promenons dans ce petit engin magique. S’il est perdu, c’est la catastrophe, même quand on en sauvegarde parfois les données.
Il y a une autre raison, subjective: l’addiction due à l'hyperconnectivité. Où que nous soyons, le portable occupe les mains et les esprits: réunion familiale, cérémonies de mariage et d’obsèques, moyens de transport, salle d’attente, café et restaurant... Le contact humain s’amoindrit. La nomophobie est un puissant destructeur du lien social.
Les personnes les plus touchées par la nomophobie? Tous les profils et surtout les enfants à un âge de plus en plus jeune, les adolescents, les jeunes adultes addictes aux jeux vidéo, aux réseaux sociaux, en quête d'identité. Le smartphone est un moyen d'appartenance à un groupe social. Il est aussi utilisé pour s’exhiber et exposer sa vie au public.
Les symptômes de la nomophobie? La désocialisation: la personne s’isole et évite toutes les situations où elle sera privée de l’utilisation du téléphone.
Comment soigner la nomophobie? En limitant à deux heures par jour l’utilisation des écrans chez les enfants. En s’interdisant de regarder son téléphone en présence d’autres personnes, en s’obligeant à rencontrer les gens au lieu d’être connecté avec eux à distance. En supprimant les notifications, principales sources de l’addiction au smartphone.
Un ding retentit, et vous vous jetez sur votre portable pour consulter les notifications de Facebook, Snapchat, Twitter, Instagram… La suppression des notifications permet d’éviter l’addiction.
La nomophobie est une cause de l’échec scolaire, de la baisse des performances professionnelles, de la dislocation des relations conjugales, familiales, amicales…. Outre les perturbations mentales et physiques, elle détériore le sommeil dont a besoin l’organisme pour son équilibre. Ses effets sont si dévastateurs qu’elle se traite par des psychothérapies spécialisées.
Le smartphone est une belle invention. Une machine qui devrait nous servir. Certains d’entre vous en deviennent des esclaves! Libérez-vous!