Ouhaou! Hier, j’ai vécu le meilleur réveillon de ma vie! À lire jusqu’au bout

Famille Naamane

ChroniqueL’Etat nous a privés des festivités du 31 décembre. Pas juste! Corona ou pas, moi j’y tiens. Wassafi (enfin), ça n’arrive qu’une fois par an. Je veux me défouler en donnant un coup de pieds à 2020 qui ne nous a pas ménagés.

Le 01/01/2021 à 10h59

Je voulais organiser une somptueuse réception, chez moi. Pas beaucoup de personnes, juste 50. Mais j’ai eu peur du Moqadem qui pouvait flairer l’ambiance déchaînée après 10 mois de privation. Mais celui qui n’a qu’une seule porte, que Dieu la lui ferme. J’ai fui à la campagne!

Un site féérique. Boulaouane, dans la plaine du Doukkala. Une maison d’hôte tenue par deux charmantes femmes. J’ai concocté un de ces programmes, beslaaaamtkoum, je vous dis pas. De quoi faire oublier le Covid, ses enfants et toute sa tribu. Je n’ai invité que 30 personnes. Faut pas exagérer. Naaari la soirée, inoubliable.

La maison d’hôte, au sommet d’une montagne, surplombe un paysage de rêve, étendu à perte de vue. Un panorama fantastique sur l’oued Oum Rbii, deuxième fleuve du royaume, d’un vert-bleu cristal, bordé de vallées verdoyantes. Un tapis patchwork: des parcelles de terre hamri de couleur ocre, ou tirès de couleur noire, telle une étendue de poudre de chocolat. Une végétation dense, vert émeraude, parsemée de gros ballons d’un orange éclatant: el guer3a, la citrouille, prestige de Doukkala. Dans d’autres champs, la terre noire est ornée d’un autre prestige: de grosses pastèques, gorgées de soleil. Et les vignobles! Des rangées de vignes, branches tombantes, alourdies par de pesantes grappes, d’une rare couleur rouge violacée, aux baies pulpeuses. Une variété de raisin au cépage unique, dont la notoriété dépasse nos frontières.

Eucalyptus, lauriers roses, citronniers, orangers et grenadiers subliment le paysage. Des étendues de calcaze (colza), fleurs jaunes, saupoudrent la terre d’or. El jamra (calendula) couvre la terre d’un tapis d’un orange flamboyant.

C’est dans ce panorama exceptionnel que j’ai reçu mes invités pour se ressourcer et s’expanouir!

D’abord, visite de deux lieux uniques, qui n’existent qu’à Doukkala: le tazota, cabane en pierre sèche taillée, sans ciment, cylindrique, parfois avec deux cylindres, l’un sur l’autre. Frais de l’intérieur, il servait de salle de réception ou de refuge en été. Aujourd’hui, ils tombent en ruine, non protégés et servent de refuge aux animaux ou d’entrepôt pour la paille. Ensuite, visite d’un toufri, mot amazigh qui signifie cache: une vraie cave creusée dans la roche. On y accède par un escalier. Le toufri servait d’habitation en été et de refuge pour les familles lors des attaques par les brigands. Hélas, aujourd’hui, beaucoup de toufris sont détruits ou accueillent le bétail. Mes invités sont fascinés par tant de merveilles, mais déçus par l’absence d’intérêt pour ce précieux patrimoine architecturel.

Nous nous installons sur la terrasse qui surplombe l’oued pour savourer, loin de la pollution sonore de Casablanca, le silence paisible, entrecoupé par un chant de coq, le bêlement d’un mouton ou le battement d’ailes d’un pigeon, en respirant à plein poumon l’air aromatisé: lavande, romarin, thym, jujubier, origan, menthe, verveine, jasmin… harmonisent leurs effluves pour nous embaumer d’une senteur exaltante. A ces odeurs, se mêlent d’autres, des plus suaves: le fumet de baddaze, couscous à la semoule de maïs, spécialité de la région, mijotant sur le kanoun. Une marmite sur un kanoun où mitonne la dinde destinée à la délicieuse rfissa, version doukkali. A ces odeurs qui nous font saliver, s’ajoute celle d’un méchoui médfoune (enterré). Mais patience. Ici, le temps est plaisir et non stress. L’agneau cuit au moins 5 heures, dans un fossé creusé dans la terre, dans les cendres d’un feu de bois. L’odeur du pain qui se dégage du four en terre cuite, attise notre faim.

Pour calmer notre impatience, une surprise : la troupe de tborida (fantasia) de la région, parade militaire masculine, reprise par des femmes. Ces gracieuses amazones doukkalies des temps modernes sont les premières à avoir défié les traditions sexistes, grâce à un père de famille, rural, qui a eu l’audace d’initier ses filles. 

Chut! J’entends mugir les vaches. Je cours à l'étable pour en traire une, à la main, et siroter ce lait si pur qui gicle de leurs mamelles. Le soleil se couche enfin, embrasant l’horizon, mettant fin au supplice de nos estomacs. Nous dégustons à petites bouchées succulentes, en gémissant de bonheur, la richesse d’un terroir si généreux.

Dernière surprise, une troupe musicale de la région, les 3aounyate. Sur el qa3da (table pour danser), c’est la hayha (folle ambiance). Chttaf haytafe (piétine) pour écraser le Covid. Zide dardake, 3aouade dardake (danse des pieds) pour chasser 2020. MINUIT. On plonge les uns dans les bras de l’autre: embrassade, enlacement, étreinte, accolade, bise… Finie la frustration de la distanciation. L’affectueux contact charnel nous a tant manqué !

Rassasiée par tant d’enchantement, euphorique, je m’allonge sous un figuier, enivrée par son parfum. La magie d’elgamra (pleine lune) me couvre du voile soyeux de sa délicate lumière tamisée. Le ciel lumineux scintille de centaines d’étoiles, chargées d’espoir d’un lendemain meilleur. Mon corps, mon esprit, mon âme se dissolvent dans cette volupté extrême… Quand, tout à coup, je sursaute. Un bruit effroyable: un puissant tonnerre explose ma quiétude. Affolée, je me lève. Je regarde autour de moi… Que vois-je? L’obscurité de ma chambre à coucher. Le tonnerre? C’est le ronflement de mon tendre époux, voguant dans un autre rêve. Mon monde féérique s’est dissout dans ma réalité casablancaise. Ce n’était qu’un rêve sublime. Un rêve annonciateur d’espoir que je partage avec vous, tout en souhaitant que 2021 nous comble de bonne santé, de joie et d’agréables surprises, dans un monde paisible, sain et prospère. Amen.

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 01/01/2021 à 10h59

Bienvenue dans l’espace commentaire

Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.

Lire notre charte

VOS RÉACTIONS

Bonjour Madame Soumaya. Le rêve est le gardien du sommeil, S. Freud. Tout y est légitime. Le héros y meurt et ressuscite trivialement tel dans les bandes dessinées. Un moment « où on change de rideau », J. Lacan. Notre quotidien, assiégé d’auto/censures, y passe au scanner. Rien de tel pour minimiser l’impact de la ou le covid-19 et de ses conséquences. Le ronfleur aurait la bonté de renoncer à son activité monotone et monter un cheval bleu pour vous emmener à une année de lumière de celle écoulée. Si maudite qu’un coup de pied magistral soit son remède. Au plaisir de vous lire sur un autre rêve, l’ultime refuge de liberté.

Bonjour, je me demande si mon message n'a pas prêté à confusion. Quand je dis : "J'ai réellement organisé, pour mes amis, un magnifique séjour à Doukkala...", c'était bien avant la pandémie. J'ai l'habitude de faire découvrir à mes amis les trésors de notre pays, à titre purement amical et pour faire bénéficier la population de la région ou du lieu d'actions caritatives. On joint l'utile à l'agréable et j'essaye de faire en sorte que ces actions soient pérennes, autant que possible. Vivement la fin de cette pandémie pour que chacun de nous retrouve ses activités. Quant à moi, j'ai encore toute une liste de lieux à faire découvrir et cette perspective m'aide à m'accrocher à l'espoir. Je vous souhaite le meilleur pour 2021

Merci pour ces lignes d'évasion où chacun a retrouvé sa propre Doukkala. Rassurez-vous. Le texte est poétique et on l'a interprété comme tel. Bonne année et bonne santé à vous aussi. On est dans l'attente de vous lire très rapidement.

Madame, Ne vous tracassez pas trop à expliquer votre magnifique texte! Comprendra qui le voudra! L'expression dit "on ne voit que ce que l'on veut voir" et c'est donc valable pour la compréhension, l'écoute et j'en passe. Encore merci de nous avoir permis de nous évader par vos belles lignes. Au plaisir des suivantes!

C'est un rêve qui correspond à une réalité que beaucoup ont vécu et vivront encore In Chaa Allah dans l'avenir. Cette crise n'est pas éternelle. Je ne suis pas Doukkali mais tout marocain se reconnait dans ce patrimoine pas toujours bien entretenu malheureusement. Restons optimistes. Bonne année à tous.

Merci pour vos commentaires. "Le réveillon somptueux", c'était ironique, juste pour introduire le récit de mon rêve. Juste pour fuir cette réalité contre laquelle on ne peut rien pour l'instant, si ce n'est de nous priver des personnes qu'on aime. Il aurait été totalement indécent d'organiser quoi que ce soit alors que nous avons tous perdu des être chers, que d'autres souffrent ds des salles de réanimation ou pour avoir perdu leur source de revenus. Fawz je me demande si vous avez lu l'article jusqu'à la fin, c'était un délire, un rêve qui repose sur mes multiples visites à l'une des régions du Maroc qui mérite d'être connue et valorisée. Meriem, oui au plaisir d'une belle randonnée, sans masque et dans un Maroc où la population retrouve de l'espoir. Excellent weekend

Bonne et heureuse année ma chère Soumaya, excellent comme d'habitude ! ce n'est pas grave pour ceux qui n'ont pas saison la subtilité du message... La compassion et l'empathie sont de mise pendant cette triste période, mais la vie continue, elle est tellement courte, il faut saisir chaque moment de bonheur et en profiter un max. Bon WE, au plaisir de te revoir bientot (Meriem Borja l'alpiniste ;) )

En effet, sublime Maroc!

Dommage. madame Guessous nous avait habitué à des chroniques moins flamboyantes et plutot instructives. Là nous retombons dans le narcissisme indécent à l'heure où la covid continue de faire des victimes, les familles en deuil sans parler de tous ces marocains les plus nombreux qui ne peuvent se payer des réveillons somptueux !!!...

qui c'est cette folle

Merci. J'ai commencé l'année par des fous rires. Beaucoup d'amis (ies) ont été vexés en début de lecture car je ne les ai pas invités. La majorité, des citadins, n'a pas fait le lien entre les fruits et la saison. C'est beau de rêver, surtout en ces temps de frustrations. J'ai réellement organisé, pour mes amis, un magnifique séjour à Doukkala, visite de la kasba de Boulaouane et surtout à Lakouassème, chez Ghazouani, détenteur du savoir-faire de la fauconnerie. Il nous a fait un couscous succulent et une conférence sur la fauconnerie, avec démonstration. Je devais faite d'autres visites, mais Corona... Oui, je compatis avec les restaurateurs. espérons une reprise rapide de l'activité. Chafik, tu parles de nos pères allah yarhamhoum, contacte-moi svp soumayaguessous@gmail.com. Bonne année

BONNE ANNE ET BONNE SANTE. Tu fais le clone de l'Ile au Trésor Robert Louis Stevenson. Tu 'a fait rêver. Il y'a un moment ou je me suis dit : elle se repose sous le figuier avec le temps qu'il faisait le soir du réveillon !....il y a quelque chose qui ne va pas. Robert Louis Stevenson nous a fait rêver en première année secondaire 1966 pour dire à la fin du livre ce n'était qu'un rêve....oh la haine MDR

Une vie qui n'était pas un reve,ne mérite pas d'etre vécue...!Contrat programme...l'idée!!

Quel rêve merveilleux qui mêle elgar3a aux grosses pastèques fin décembre, mais c'est encore pitoresque quand on descent vers le fond ténèbreux d'un toufri ,sans oublier de s'abriter contre le soleil d'été dans une tasota ...j'ai bien senti l'odeur du hamri de ma région... mille merci pour ce beau rêve, et bonne année 2021.

Bonne année 2021...........Que du bonheur

Bjr Professeure.Bon début d'une bonne et heureuse année pleine de joie et de bonhheur à tous les citoyens du monde.Par je ne sais quel effet de votre narration,je me suis projeté dans votre monde onirique enchanteur qui existe pourtant.Vous m'avez,le temps de la lecture de votre émouvant texte,ramené au paradis perdu: Doukkala dont je suis originaire.Je regrette vraiment de ne pas avoir fêté,au moins une fois,une nouvelle année à la marocaine et non à l'occidentale.Mais si Dieu nous prête vie,je le ferais et je dirais à mes amis de le faire.La chute de votre récit est très originale,mais j'aurais préféré que votre rêve-fête fût bien réel pour donner le bon exemple à plus d'un.Bonne année et bon week-end Professeure.

Bonjour Soumaya,et bonne année pleine de bonnes choses . Dès de début de la lecture de ton article j'ai pensé à un rêve..(on ne peut pas voir un champ de pastèques le jour de la St Sylvestre ,ni même l'une tborida à Minuit. La plaine de Doukkala est tellement bien décrite qu'on se croirait dans le paysage d'Alice. Tu n'es jamais à court d'idée Soumaya.

encore une detracté . la crise nous tue nous les restaurateurs

Meilleus voeux pour 2021. Que du bonheur in cha Allah.

0/800