Voilà plus d’un an que notre vie a subi des changements. Tous les humains ont constaté que nous pouvons tous être touchés par un même phénomène, quel que soit notre situation géographique, politique, économique… Les puissances qui se pensaient protégées par le nucléaire, l’armement, la technologie… se sont retrouvées face à la même menace.
Mais chaque pays l'a gérée à sa manière. Il a fallu prendre des décisions hâtives, hasardeuses, vue l’urgence. Certains Etats ont été plus hésitants, d’autres plus audacieux, d’autres ont carrément été laxistes ou gonflés d’une arrogance pouvant impressionner des humains mais pas un virus. D’autres Etats ont fait le choix de favoriser l’économie par rapport à l’humain: il a fallu choisir entre deux maux!
Au Maroc, les décisions ont été très rapides, audacieuses et courageuses, même si aucune des stratégies ne pouvaient être garantie. Une bonne stratégie aujourd’hui, pouvait s’avérer le lendemain être une erreur, car dépendant de données imprévisibles.
Le choix a donc été de favoriser l’élément humain: confiner les Marocains, quitte à gripper le moteur économique. Les aides publiques, très vite implantées et la solidarité sociale ont permis d’amortir le choc.
Aux angoisses, s’ajoutait une phobie légitime, alimentée par notre manque de confiance vis-à-vis de la prise en charge sanitaire par l’Etat. Les discours négatifs élaboraient des scénarios catastrophiques. Car nous connaissions tous, et nous le connaissons encore, la faiblesse de notre système de santé, public et privé, tant au niveau de son infrastructure, son équipement que de sa gestion par les ressources humaines.
La faiblesse de la prise en charge sociale et maladie ne pouvait que nous terroriser davantage: «mon Dieu, nous ne nous en sortirons jamais». «En ville, nous marcherons sur les cadavres». «C’est la fin pour nous». Et d’autres spéculations: «les riches seront soignés et les pauvres, sacrifiés».
Mais rapidement, le scepticisme s'est estompé. Une grosse machine de logistique a démarré, imposant une autre réalité. Une machine qui a eu le mérite de créer un lien de confiance entre des institutions et les citoyens. Les commentaires deviennent positifs: «notre pays se débrouille bien». « On est mieux que tel pays, plus puissant que le nôtre... ».
L’humanisme et la pédagogie avec laquelle nous avons été conduits au confinement nous laisseront le souvenir des forces de l’ordre, le corps médical et paramédical… Empathiques et avenants. La prise en charge des malades a été exemplaire à travers le Royaume et l’est toujours, et surtout des soins gratuits pour tous.
Et voilà que le vaccin s’annonce. Le Maroc a été précurseur pour garantir l’accès à la vaccination à sa population. Certes, tout n’était pas parfait, mais avouons que tout a été fait pour éviter les erreurs stratégiques.
A l’annonce du vaccin, le scepticisme renaissait: «ce sont les riches qui vont en profiter». «Il va y avoir la contrebande pour avoir son vaccin». «Les pauvres et les ruraux seront exclus». Certains ont commencé à faire fonctionner leur réseau parmi les médecins, les autorités… pour obtenir des privilèges, dès la réception des vaccins. D’autres étaient désespérés, pensant ne jamais y avoir accès. A l’annonce de la gratuité du vaccin, d’autres doutes, liés à l’état désastreux de l’accueil dans nos hôpitaux: «tu verras, ça va être la pagaille dans les hôpitaux pour se faire vacciner». «Il va falloir se battre pour avoir sa place». «La corruption va régner». «On va en venir aux mains!».
D’autre sources de doute. Un ami, habitant entre le Maroc et le Canada: «jamais au Maroc. Je n’ai pas confiance. Ils vont nous injecter la première dose et après ils seront en rupture de stock de la seconde». La même personne a reçu au Maroc ses deux doses: «je suis ébahi! Quelle organisation! La perfection!».
La PERFECTION à travers le Royaume, urbain ou citadin. Le digital se mobilise, une campagne de sensibilisation et d’information PARFAITE… Une organisation PARFAITE! Un suivi PARFAIT. Ouaouh! Nous en sommes capables, nous les Marocains!
Mais voilà que la livraison des vaccins souffre. Et là, l’attitude de très nombreux Marocains, hommes et femmes, tous profils confondus, est l’expression du summum de la fierté de citoyens. Peu importe les explications données pour justifier les retards de livraison des vaccins. Ce qui m’importe, ce sont les justificatifs qui émanent d’une fierté rarement ressentie et exprimée: «c’est du sabotage de quelques grands pays, par jalousie car on a mieux géré la crise qu’eux». «C’est l’Europe qui veut empêcher le Maroc d’être le leader en Afrique». «Les USA veulent garder la mainmise sur nous». «La politique marocaine a été exemplaire et certains pays s’en sentent humiliés. Ils bloquent les vaccins pour nous rabattre». «C’est parce que nous sommes dans le top 10 mondial des vaccinations! Nous avons dépassé la France!».
La pandémie touche à sa fin, je l’espère. Nous entrons dans une ère nouvelle. Il est vrai que la relance économique est une priorité. Nous aurons gagné une sorte de cohésion nationale, avec une grande fierté à la base. C’est sur cette vague que nous devons surfer pour un Maroc meilleur, celui pour lequel citoyens et institutions doivent s’engager, car nous avons démontré que quand on veut, on peut.