Au Maroc, la croyance est si forte que, lors des premiers mois de grossesse, on dit tatwahème (elle a des envies) plutôt que hamla (ou habla; enceinte). On compatit toujours avec elle: meskina (la pauvre).
Les femmes enceintes ont toujours été considérées comme fragiles, sensibles, devant être surprotégées. La mortalité pendant la grossesse et les fausses couches étaient très importantes, ainsi que la mortalité lors de l’accouchement et celle des nouveau-nés. Une femme pouvait avoir eu 14 grossesses et n’avoir gardé que 2 ou 3 enfants. On dit: lmra lhamla sâg barra wa sâg fi lqbar «elle a un pied dans le monde et l’autre dans la tombe»).
Enfanter est sacré. Les religions monothéistes accordent une grande valeur aux mères. Selon l’Islam, le Paradis repose sous les pieds des mères.
Les femmes enceintes font donc l’objet d’une grande attention de la part de leur entourage et de toute la société.
Elle ne doit pas être contrariée. Sa mauvaise humeur porte atteinte au fœtus.
Elle doit éviter de regarder des personnes malades, ayant des malformations pour ne pas les transmettre au fœtus. Elle ne doit pas être effrayée pour ne pas risquer une fausse-couche.
Dans plusieurs sociétés, on recommande de ne pas dire des mots vulgaires, des insultes ou blasphémer devant une femme enceinte, mais de l’entourer de belles choses à regarder.
Chez nous, les envies sont encore prises au sérieux. Satisfaire une femme enceinte fiha al ajar (bonne action).
Si elle désire un aliment qu’elle ne mange pas, si elle le voit ou sent son odeur, il ne faut pas qu’elle se gratte la peau: le bébé risque d’avoir une tache de naissance de la forme de cet aliment. Une personne qui mange un aliment face à une femme enceinte doit l’en faire goûter, même si elle ne la connaît pas, pour éviter de taddi dnoube dyalha (des péchés).
Beaucoup de femmes ne supportent plus l’odeur ou le goût des plats qu’elles cuisinent. Leurs mères, sœurs, tantes ou autres proches cuisinent pour elles.
Certaines désirent ardemment un plat cuisiné par leur mère quand elles étaient enfants, ou celui d’une proche. Il est normal de le demander et de l’obtenir.
Lawhème peut donner des envies soudaines de manger un légume, un fruit hors saison. Que ce soit pour les Marocains musulmans ou juifs, il y a une grande générosité vis-à-vis de ces envies.
Dans la médina de Casablanca, jusqu’aux année 80, il y avait un commerçant juif célèbre pour conserver des fruits et des légumes hors saison pour les femmes enceintes. J’étais adolescente quand ma mère est tombée enceinte. Nous avons été ensemble chez ce marchand à la recherche de grenades au mois de mars. Je me suis moquée d’elle et de ses fchouches (caprices). Plus tard, enceinte de ma première fille, j’ai eu une envie soudaine de manger du lapin cuit à la vapeur avec des légumes, parfumé d’huile d’argan. J’ai satisfait cette envie et j’ai demandé pardon à ma mère!
Certaines femmes ressentent des envies insolites. Un sondage réalisé au Royaume-Uni en dévoile une liste: pain frotté à l'ail nappé de yaourt à la fraise, betterave sauce chocolat, olives farcies au lait caillé… Et des bouts d'allumettes déjà consumées! Au Maroc, j’ai vu des femmes manger de l’argile ou croquer des coquilles d’œufs!
Lors de la fête des mères de 2022, en Allemagne, Burger King a lancé le «Whopper grossesse» pour répondre aux envies maternelles après avoir mené une enquête auprès de 1 000 femmes enceintes: 78 % d'entre elles ont affirmé avoir des envies, parfois insolites.
Le «Whopper grossesse», un hamburger composé de combinaisons alimentaires particulières, a eu un franc succès auprès des femmes enceintes.
On dit jaha lawhème sur telle personne: elle va la détester ou l’aimer fortement. Dans ce cas, le bébé peut ressembler à cette personne.
Parfois, la femme ne supporte plus l’odeur de son mari. Sous l’effet des changements hormonaux, l'odorat est plus développé.
Ou alors… Kawtar: «je le déteste car moi je souffre et lui, il attend tranquillement d’être père!»
L’état de santé de la femme provoque des tensions dans le couple. Certains se séparent le temps de lawhème.
Souvent, les époux sont éduqués au respect de ces états d’âme. Hamid: «une nuit, à 23 heures, ma femme voulait un sandwich particulier. J’ai essayé de la raisonner, mais elle s’est mise à pleurer. J’ai paniqué et j’ai couru satisfaire son whème, d’abord pour elle, ensuite pour le bébé!»
Elles pleurent parce qu’elles deviennent sensibles. Alors, mythe ou réalité ?
Selon de nombreuses études en Europe et en Amérique, 50% à 90% des femmes enceintes ressentent ces envies.
Elles sont dues à des changements hormonaux intenses qui altèrent le sens du goût. Il est normal qu’elles désirent des aliments qu’elles n’aimaient pas avant ou rejettent des aliments qu’elles aimaient.
Ces envies sont des messages du corps qui réclame des protéines, du calcium ou autres nutriments que le bébé puise pour se développer.
Elles découlent de déficits nutritionnels ou de besoins réels. Par exemple, le corps fait des réserves de graisses pour la montée du lait, d’où l’envie de manger des glucides. L’envie de manger salé est lié au développement du placenta…
Les ch-hiwates sont aussi une compensation psychologique après la période difficile des nausées.
Ces envies sont liées à la culture. En Europe, on parle de fraises et de chocolat.
Au Maroc, les rurales ne parlent pas de chocolat mais d’aliments liés à leur habitudes alimentaires.
Messieurs, lawhème est une réalité! Essayez de satisfaire les envies de vos épouses. Et si certaines en abusent un peu, pardonnez-le leur. En souffrant, elles vous offrent la joie d’être papa!