La vie mouvementée de Galilée, ses découvertes fondamentales, le fameux procès que lui fit l’Inquisition, tout cela est archi-connu. Des centaines de livres ont été consacrés à celui qui reste l’un des plus grands savants de l’Histoire. Des documentaires, des films et même une pièce de théâtre signée Bertolt Brecht ont essayé de restituer son combat pour la science face au dogmatisme de l’Église et - parfois - aux intérêts du pouvoir en place.
Ce qu’on sait moins, en revanche, c’est que toute cette affaire eut comme arrière-plan le combat entre tenants de la fos’ha et militants de la darija. Vous sursautez? C’est pourtant parfaitement authentique, à la différence près qu’il s’agit, dans le cas de Galilée, du latin et du dialecte populaire toscan – qui deviendra l’italien.
L’Église et l’université se servaient uniquement du latin. Mais les poètes de la Renaissance, et avant eux le grand Dante, avaient donné ses lettres de noblesse au toscan, qui n’était alors qu’un dialecte, une langue parlée – et non écrite – par les Florentins.
Dante et les poètes avaient donc donné l’impulsion décisive. Dans la foulée, une Académie fut créée en 1540 à Florence, sous la protection de Cosimo 1er, avec comme obligation de donner des cours et des conférences en dialecte, et non en latin: il fallait que le peuple eût aussi accès au savoir. Quelques années plus tard, une autre institution, l’Accademia del Disegno, fut fondée avec comme mission expresse d’enseigner les mathématiques et la physique (en l’occurrence, la mécanique) en dialecte.
Il y eut alors un violent conflit entre les partisans et les adversaires du dialecte (ça ne vous rappelle rien ?). Galilée lui-même était un fervent partisan de l’utilisation du dialecte dans la vie publique et dans l’enseignement des sciences. Il en donna les meilleurs exemples. Mes collègues du département d’italien m’assurent que c’était un écrivain de grand talent, un maître de la darija – pardon: du toscan.
Et pourtant, beaucoup de savants refusaient tout simplement de lire les textes que Galilée écrivait en dialecte. Il s’agissait pourtant d’une darija élégante, enrichie et épurée, et que le peuple pouvait aisément comprendre; mais les évêques et les professeurs la méprisaient trop (alors qu’ils la parlaient en famille et dans la rue…) pour s’abaisser à la lire. C’est ainsi qu’ils sont passés à côté d’une des plus grandes révolutions scientifiques de tous les temps.
Vous vous attendez maintenant à une conclusion. Eh bien, il n’y en a pas! Vous êtes assez grands, amis lecteur/lectrice pour méditer ce qui précède, vous faire une opinion et conclure tous seuls…