Un simple regard sur une carte suffit à constater que la question sahélo-saharienne concerne directement l’Algérie. Dans les immensités sahariennes que la France lui offrit en 1962, vivent en effet les Touareg, nomades berbères qui, par le passé, n’ont jamais dépendu d’Etats régionaux.
Les Touareg algériens appartiennent à trois confédérations dont une seule, celle du Hoggar, a son territoire, c’est-à-dire ses anciennes zones de nomadisation, entièrement en Algérie. Tel n’est pas le cas des Kel Adrar (les Iforas) qui débordent de l’actuelle Algérie pour s’étendre sur tout le nord de l’actuel Mali, et des Kel Ajjer dont une partie du territoire est situé en Libye. Séparés de leurs frères algériens, les Touareg libyens ont éclaté en trois groupements (Oubari, Ghat et Targa).
L’Algérie surveille jalousement tout ce qui se passe dans la zone saharo-sahélienne car, pour elle, les logiques de chaos qui y développent des foyers d’instabilité menacent directement sa stabilité et sa sécurité. D’autant plus qu’en 2003, pourchassés par les forces de sécurité algériennes, certains groupes islamistes ont trouvé refuge au Sahara, en zone touareg. En 2007, ils se sont affiliés à «Al-Qaida au Maghreb islamique» (AQMI) mouvement lui-même issu du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat), né en Algérie en 1998.
Auparavant, et cela dès les lendemains de l’indépendance, l’Algérie s’impliqua dans la région. En 1963-1964 lors de la première guerre touareg du Mali, le président Ben Bella autorisa ainsi l’armée malienne à poursuivre les rebelles touareg du Mali jusqu’à 200 km à l’intérieur du territoire algérien, c’est-à-dire jusqu’aux limites septentrionales de l’espace des Kel Adrar.
Au mois de janvier 1991, lors de la deuxième guerre touareg du Mali, l’Algérie organisa les négociations entre le général Moussa Traoré et le MPA (Mouvement populaire de l’Azawad) de Iyad ag Ghali, ce qui permit la signature de l’Accord de Tamanrasset des 5-6 janvier 1991. Une médiation qui permit ensuite la signature du Pacte national du 11 avril 1992.
La paix ne revint cependant pas car le nord du Mali se transforma peu à peu en «zone grise» dans laquelle vinrent se réfugier les survivants des maquis jihadistes algériens qui se lièrent aux trafiquants de toutes sortes et à certains irréductibles de la cause touareg.
Le 23 mai 2006 éclata la troisième guerre touareg du Mali. Ce fut une fois encore l’Algérie qui permit la signature des Accords d’Alger pour la restauration de la paix et du développement dans la région de Kidal. Accords signés le 4 juillet 2006 entre l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (ADC), mouvement fondé par Iyad Ag Ghali, Ibrahim Ag Bahanga et le lieutenant-colonel Hassan Ag Fagaga, et l’Etat malien. Puis, à la fin du mois de septembre 2006, les hommes de l’ADC affrontèrent les islamistes algériens du GSPC qui voulaient s’implanter dans les Iforas.
La quatrième guerre touareg (2007-2009) éclata le 11 mai 2007, à l’initiative d’Ibrahim Ag Bahanga qui avait repris les armes. Blessé au combat, il fut soigné en Algérie. Au mois de septembre 2007, il se sépara de l’ADC pour fonder l’Alliance Touareg du Nord-Mali pour le changement (ATNMC).
Finalement, en 2009, Ibrahim Ag Bahanga fut contraint de se réfugier en Libye où il trouva la mort dans un accident de la route le 26 août 2011. Un retour au calme apparent se fit ensuite et il dura jusqu’en 2012, au moment où éclata l’actuelle guerre.
Et une fois encore, l’Algérie fut à la manœuvre pour tenter d’y mettre un terme. C’est ainsi que le 15 mai 2015, l'Accord de paix et de réconciliation d'Alger fut signé, cependant, les armes continuèrent à parler, le pouvoir de Bamako ayant refusé de prendre véritablement en compte les revendications des Touareg du MNLA.
Comme ces accords n’ont pas traité les problèmes de fond, à savoir la question du partage du pouvoir entre le Nord et le Sud, ils n’ont donc fait que geler temporairement les antagonismes. Cependant, récemment, la diplomatie algérienne est revenue en force dans la région, avec un impératif qui demeure invariable: le refus de toute sécession ou même de simple revendication territoriale de la part des Touareg.