Maroc, Espagne et le clou de Joha

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ChroniqueCertains agissements contre l’intégrité territoriale marocaine ressemblent à ce clou de Joha, qui a le don de maintenir une perpétuelle tension, propice aux doubles-jeux des acheteurs de ressources tous azimuts, vendeurs d’armes et distributeurs de slogans.

Le 29/05/2021 à 11h35

Lorsque Joha a dû quitter la maison qu’il occupait, il a émis une réserve: rester maître du clou accroché dans le salon. Le lendemain, il vint y accrocher sa cape. Le surlendemain, il la remplaça par une corde qui lui servit à atteler sa bête, détachée ensuite au profit de la dépouille pestilentielle de son âne. Et ainsi de suite dans une guerre de nerfs et d’usure…

Comparaison n’est pas raison mais certains agissements contre l’intégrité territoriale marocaine ressemblent à ce clou de Joha, qui a le don de maintenir une perpétuelle tension, propice aux doubles-jeux des acheteurs de ressources tous azimuts, vendeurs d’armes et distributeurs de slogans.

Des décennies après la décolonisation, le Sahara reste au cœur des hégémonismes, par marionnette interposée, servant par la même occasion des convoitises néocoloniales nostalgiques et revanchardes.

Le mérite d’une crise est de révéler au grand jour les manigances des uns et des autres et de faire tomber les masques des prétendus amis, voire des observateurs appelés «neutres».

Les récents développements en sont la preuve: un voisin au nord, présenté comme partenaire stratégique et ami, fait entrer en catimini, sous une fausse identité, dans des conditions dignes d’un mauvais polar, le chef d’une milice séparatiste, poursuivi par la justice espagnole pour plusieurs plaintes (torture, viol, détention illégale et autres violations des droits de l’homme), portant les armes contre ledit ami autour d’une affaire capitale de souveraineté. Etrange conception de l’amitié!

Un autre voisin et frère, prétendument neutre dans cette affaire, démontre à quel point il est compromis jusqu’aux narines. Pour ne rester que dans le cadre du «Ghali gate», il fournit le passeport au chef séparatiste, répondant au doux faux nom de Benbattouche. Il négocie dans les coulisses les modalités de son transfert vers l’Espagne en compagnie d’un médecin algérien, mort administrativement depuis 10 ans. Le polar tourne grotesque!

Il faut dire que la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur le Sahara avait déjà permis de sortir d’une réserve de façade Alger, Madrid ou Berlin.

Ah Berlin! Quand on aime l’histoire, comment ne pas être tenté de remonter à la genèse du problème, aux responsabilités historiques et donc à Berlin!

Nous y sommes en 1884-85. Quatorze puissances se réunissent dans le cadre de la Conférence de Berlin, sous le thème on ne peut plus explicite: «Modalités du partage de l’Afrique».

L’Espagne s’y voit confortée dans ses vocations expansionnistes à la suite de l’expédition de 1884, menée par le capitaine Emilio Bonneli de la «Société des Africanistes et Colonialistes». Ça ne s’invente pas !

Dans un contexte de rivalités internationales, le gouvernement espagnol notifiait aux pays signataires de la Conférence sa décision de placer sous sa protection la côte de Rio de Oro s’étendant de Cap Boujdour au Cap Blanc.

Le chef-lieu en est la presqu’île de Dakhla, baptisée Villa Cisneros, en hommage au cardinal Francisco Jimenez de Cisneros, grand-Inquisiteur, confesseur d’Isabelle la Catholique, de sinistre mémoire pour les musulmans qui retiennent ses mesures d’évangélisation forcée ou l’autodafé qui avait vu brûler en 1500 à Grenade, 8.000 manuscrits islamiques et des exemplaires du Coran… Plus qu’un nom, un symbole!

Les manigances coloniales ne se firent pas sans les réactions des tribus qui assaillirent en 1885 le fort en début de construction avec la poursuite des attaques, forçant les Espagnols à rester cloisonnés dans la Villa et à contester auprès du Sultan dans une attestation évidente de souveraineté. Cela ne se fera pas non plus sans la réaction officielle du Maroc qui envoya des émissaires aux tribus, ainsi qu’une note circulaire en 1886 protestant contre certaines puissances européennes en particulier l’Espagne, tandis que le Sultan préparait une expédition dans le Sud.

Par ailleurs, le traité de paix de 1860 signé après la guerre de Tétouan, déclenchée contre le Maroc à la suite d’une escarmouche de frontières près de cet autre clou de Joha, à Sebta, stipulait l’octroi d’un établissement de pêche comprenant dans le Sud le territoire de Santa Cruz de la Mar Pequeña.

La concrétisation effective de ce que les Espagnols considéraient comme un droit (sûrement du plus fort!) ne put se réaliser, en raison des tergiversations pour déterminer l’emplacement du vieil établissement, occupé en 1476 lors de l’expédition du conquistador des îles Canaries Diego de Herrera, libéré et rasé par les Saâdiens en 1524 et disparu, depuis, des cartes.

En 1877, le territoire d’Ifni est choisi par la commission chargée de déterminer la localisation de Santa Cruz, tantôt assimilée à Ifni tantôt au Rio de Oro selon les appétits et les aléas. Mais il a fallu attendre 1934 pour une occupation effective au terme de plusieurs batailles, alors que Tarfaya avait été occupée plus tôt à la suite d’un accord entre l’Espagne et la France qui avait annexé à «son» Algérie les Oasis sahariennes orientales.

C’est ainsi que le Sahara marocain, berceau de plusieurs dynasties, aux liens humains, politiques, économiques ininterrompus avec le reste du Royaume, s’est trouvé doublement amputé, victime d’une colonisation mixte. 

Mais si le colonisateur est parti, lui a succédé son clou, entrave au développement véritable et à la construction de l’unité maghrébine, voire africaine, source de conflits et d’instabilités dont les répercussions dépassent le cadre du continent.

Comment déclarer «représentant légitime du peuple sahraoui», une entité artificielle, absente de tout document d’histoire, non déclarée en tant que tel dans aucune pièce des Nations-unies, ni confortée par une quelconque assise populaire? Que signifie au juste «peuple sahraoui» et pourquoi pas un «peuple des plaines» ou un «peuple des montagnes» tant qu’on y est?

Accorderait-on le même droit au «peuple sahraoui» d’Algérie, au «peuple sahraoui» de Tunisie, de Lybie ou bien le peuple sahraoui s’arrête aux frontières marocaines? Autoriserait-on la création de républiques démocratiques basque ou catalane, à titre d’exemple, lesquelles ont au moins la cohérence d’avoir leur langue spécifique et leurs historiques principautés et royaumes? Et enfin, pourquoi s’acharner à torpiller la proposition marocaine d’autonomie élargie?

On en revient au clou… Sauf qu’à trop le titiller, il y a risque de se retrouver entre le marteau et l’enclume.

Par Mouna Hachim
Le 29/05/2021 à 11h35

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Excellent, cette perspective historique renvoie l’Espagne à sa juste hauteur. Donc inutile – passez-moi l’expression – qu’elle pense péter plus haut ; elle n’y arrivera pas. Pourra-t-elle tenir tête à UK au sujet de Gibraltar? Surtout que le Brexit profite largement au Maroc. On a meilleur temps d’étendre l’Accord d’association Maroc-Royaume Uni à l’ensemble du territoire marocain à la suite de la reconnaissance par les USA. Aussi, ramener par tous les moyens possibles l’Allemagne de notre côté plutôt que de l’avoir en face. L’Allemagne n’est pas l’Espagne.

Tout a été dit .. ou presque .. Le déni de l' histoire par l 'Espagne ne doit pas surprendre... En ameutant le "toit chrétien " et en surfant sur la maurophobie désormais libérée , on découvre une Espagne qui n' a pas encore achevé sa prétendue émancipation démocratique ....n 'est elle pas toute fraîche .. C 'est tout bon pour le Maroc, acculé a faire des choix avec un voisin versatile Seul l'inconnu épouvante les hommes , mais , pour ceux qui l affrontent ce n est déjà plus l .. mais une fois dedans....ce n'est déjà plus l inconnu (A-St -Exup)

Bravo Mouna Hachim un récit pas plus clair où tout est dit!

Je pense que l'Algérie cherche depuis toujours à nuire au Maroc et elle le fera dans l'avenir quels que soient les évènements. L'Espagne et l'Allemagne ne veulent pas que le problème soit résolu. Un soutien de circonstance à l'Algérie. L'Espagne a peur pour Ceuta Et Melilia mais aussi les frontières maritimes des Canaries. L'Allemagne et le reste de l'Europe ont peur que le Maroc soit plus exigeant une fois le problème du Sahara réglé. ils veulent que le problème ne penche ni d'un côté ni de l'autre. Trump avec sa franchise a fait tomber leurs plans à l'eau. d'où la crise actuelle.

Bien vu Farid

Bravo Cela fait quelques temps que je n'ai eu plaisir à parcourir un article de ce niveau. Aussi bien dans sa forme que sur le fond. La plume qui en est à l'origine est un véritable talent. Pour sur !

Je me suis délecté à la lecture de votre article. C'est frais, pertinent, bien documenté et surtout percutant! Un vrai régal! Soyez-en remerciée.

Excellent ! Bravo vraiment à l'auteure qui à l'évidence a un vrai talent d'analyse, de synthèse et de rédaction. impressionné ! Au plaisir de vous relire

Les indépendances ont été négociées avec des conditions contraignantes, des dizaines de clous,souvent dissimulées aux peuples supposés libérés, freins au développement et sources de conflits. L'Espagne, c'est le tortionnaire torturé, quand on lui brandit Sebta, il pleure Gibraltar......

👍🇲🇦💪 _ - SVP d’autres articles c’est instructif Merci 🙏

Un bon article, bien ficelé et une rétrospective historique éclairante. A force de trop titiller le clou, il risque de s’enfoncer là où les espagnols ne le souhaiteraient point.

Madame , heureusement qu 'on puisse se dire que des marocaines comme vous existent encore, message clair. merci à vous. cordialement.

Merci Madame, Trés bel article, je propose de l'encadrer et de l'accrocher au fameux clou une bonne fois pour toutes...

excellente plume madame mouna. c'est la 1ère fois que je vous lis et tout ce que je peux vous dire est : bravo !!!

Bon discours , mais tardif !...ce qui suscite des doutes et de l'hypocrisie bien marocaine celle la !... il fallait tenir ce discours au moins en 1962 date de l'indépendance de l'Algérie, si ce n'est pas bien avant !...les deux pays auraient pu joindre leurs efforts et libérer les territoires encore occupés par l'Espagne. le maroc est le seul responsable car il aurait pu engager l'union de l'Afrique du nord.

Excellent! Merci ma dame pour ce rappel historique aux mémoires courtes et à certains de nos nationaux complexés de l'Europe donneuse de leçons.

Ah bon? Alors qui est Joha? Le gouvernement espagnol? Non, car Joha lui, était sincère dans ses actes. Tout le contraire des autres "tordus".

Comme je l'ai déjà écris ici même il y a quelques années, les pays qui claironnent "une solution ''pacifique, durable et mutuellement acceptable" n'ont aucune envie que ce litige inventé de toute pièce soit définitivement réglé, c'est le cas de tous les pays européens, les vendeurs d'armes, les importateurs de pétrole et gaz, les imposteurs...ces pays hypocrites tirent les ficelles dans les couloirs du CS et ONU, en coulisse derrières les scènes politique encouragent, cautionnent et conseillent même aux caporaux ânegeriens à dire "NIET" a tous compromis, même le gouvernement Obama à l'époque et la France, Espagne, Allemagne and Co encore aujourd'hui, et ce, depuis 1975, sachant que le Sahara occidental et oriental sont viscéralement, historiquement, culturellement... MAROCAINS,

L’Espagne aurait besoin d’un autre Mohamed ben Abdelkrim El Khettabi ! En existe t il un seul au Maroc ? Le doute est permis . N’empêche, le peuple marocain fort de sa légitimité historique ne laissera personne le sortir de ses terres , l’Espagne et encore moins l’Algérie post colonisée . Quand le lion rugit , le fennec se cache et le taureau rentre ses cornes .

Article très intéressant qui met en relief les dommages énormes causés au Maroc par le colonialisme aberrant à travers l'histoire. Bravo !

Félicitations à l’auteure . Son article est de très haute facture . On se demande pourquoi de tels talents ne se manifestent que rarement . Dommage . Cela donnerait une autre dimension autrement plus professionnelle à notre presse.

Très bonne analyse. J'apprécie ce commentaire qui dit la vérité sur ce que le Maroc a subi et ça continue. On doit voir le bout du tunnel et ces pas gagné,avec le gouvernement Algeriens qui est pires que le clou.

Belle Article… quand on sait d’où l’ont viens on sait ou on va. L’avenir appartient à ceux qui connaissent leur histoire. Vive notre patrie le Maroc.

Je reste sur ma faim en ce qui concerne Berlin. A part le fait qu'elle faisait partie des 14 puissances qui se sont partagé l'Afrique, j'espérais lire l'origine spécifique du contentieux avec l'Allemagne.

Bravo pour cette analyse pertinente si bien menée dans un style élégant et plaisant !

Oui , c est comme juive de la chevre

Un état sahraoui compterait combien de personnes et quels seraient ses revenus ? S il doit vivre de subsides internationaux, quel intérêt ?

Très bien dit madame mais on leurs dit qu'ils se trompent lourdement de quoi il est capable le peuple marocain pour défendre ses terres

L"allemagne veut se venger du maroc qui a défendu ses citoyens de confession juive contre le nazi hitler qui a exterminé plus de 6 millions de juifs,les marocains juifs sont fiers de leur pays,le royaume millénaire au maghreb, l"allemagne ne peut oublier les glorieux goumiers marocains qui ont chassé les nazis allemands de la Corse fr, et oui l"allemagne soutient l"espagne contre le maroc,car Franco l "assassin du peuple espagnol est l"ami de hitler le terrible criminel de l"histoire,le sahara est marocain et le restera ,le sahara c"est la vie de tous les marocains,sans aucune exception,

Très bonne explication...ce clou, ne pourrait il pas sortir de l autre coté du mur ?

Bravo tout simplement.

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