Où peut-on se sentir chez soi?

Fouad Laroui.

Fouad Laroui.. KF Corporate

ChroniqueCeux qui, comme mon ami, ont ouvert les yeux sur leur condition d’étranger, il y a fort à parier qu’ils prendront l’habitude de passer plus de temps au pays natal.

Le 24/02/2021 à 11h01

Dans un essai intitulé Utopie et désenchantement, Claudio Magris écrit: «Il est de plus en plus difficile, dans l’actuelle irréalité du monde, de répondre à la question (…): où puis-je me sentir chez moi?»

Je ne sais pas où se trouve en ce moment Claudio Magris, qui est né en 1939 à Trieste. Peut-être à Turin? Mais il faut noter que sa réflexion n’a rien à voir avec la pandémie, le confinement et la fermeture des frontières. Au contraire: c’est dans un monde où tout le monde bouge, où le touriste est roi, où les villes sont envahies par des visiteurs d’un jour qu’on peut se demander s’il y a une réponse à la question posée. Un Vénitien pur souche peut-il se sentir chez lui quand il ne peut se promener dans sa ville qu’entre des grappes de touristes qui parlent des langues étrangères?

Aujourd’hui, cette question a pris un tour inattendu. Ce n’est plus l’autochtone qui se la pose devant la prolifération des touristes– ils ont disparu– mais bien l’allochtone révélé à sa condition comme un rocher à marée basse. Un de mes amis qui n’a pu se rendre au Maroc depuis près d’un an a découvert, m’a-t-il dit, qu’il est vraiment étranger dans le pays d’Europe où il habite. Il n’en avait pas conscience auparavant.

Pourquoi? Parce que tant qu’on peut vivre en nomade entre Paris et Rabat ou entre Francfort et Nador, tant qu’il suffit de sauter dans un avion pour se retrouver quelques heures plus tard dans les odeurs et les senteurs du pays natal, avec les siens, dans sa langue maternelle, l’exil n’en est pas vraiment un. C’est même un entre-deux plutôt agréable, stimulant. On a l’impression d’avoir “le meilleur des deux mondes“, comme disent les Anglais.

Mais quand on est cloué sur place, forcé de ne vivre que dans un seul endroit, c’est comme si, tout à coup, on ouvrait les yeux. Suis-je vraiment ici chez moi? Un Marocain est-il vraiment chez lui à Nice, Namur ou Dusseldorf s'il doit y passer tous les jours de tous les mois de toutes les années, sans jamais en sortir? C’est ainsi que se pose maintenant la question.

Chacun sa réponse, bien sûr. Elles sont toutes respectables. Mais je crois qu'après la pandémie, des révisions déchirantes se feront.

Les cosmopolites retrouveront avec joie les va-et-vient entre le pays natal et les autres rivages –et oublieront les questions existentielles.

Quant à ceux qui, comme mon ami, ont ouvert les yeux sur leur condition d’étranger, il y a fort à parier qu’ils prendront l’habitude de passer plus de temps au pays natal. Peut-être finiront-ils par s’y réinstaller.

Agents immobiliers marocains, tenez-bon. Les beaux jours arrivent…

Par Fouad Laroui
Le 24/02/2021 à 11h01

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Les commentaires sont intéressants et se rapprochent des cas de certains de mes amis. En vous souhaitant à tous le meilleur, ou que vous soyez

Bsr professeur.Boujmiï de Nass El Ghiwane a dit dans la célèbre chanson"Où m'emmènes-tu mon frère?:"Ne me reprochez pas mon exil.Ce n'est pas une passion passagère.Je n'ai pas oublié le bandir.Je n'ai pas oublié la kasbah.Je n'ai pas oublié le moussem,ni la fantasia.Je n'ai pas oublié mes amis.Je n'ai pas oublié les chants religieux.Je n'ai pas oublié mon douar.Je n'ai pas oublié ma tribu.Ni le temps des moissons.Je n'ai pas oublié ma vie.Ni les gens pleins d'amour."Comme on peut le constater,le problème des exilés volontaires n'est pas nouveau.Les nouveaux candidats à l'exil sont prévenus et savent ce qui les attend après coup.Bien à vous.

Si on parle de l anthropologie chacun a une place ou il sent bien comme un exemple des nomade il change de la place à cause du gain de leurs pain tous simplement c est juste chacun de nous comment il pense dans sa société donc ou il trouve sa psychologie pour être en bonne ėtat mental moral ou social a la suite chaqu un de nous a une ėducation dans son entourage familiale.

Bjr professeur.Le phénomène dont vous parlez s'appelle l'étrangeté.Cela veut dire ne se sentir chez soi nulle part.Pour en guérir,il faut revenir au pays natal et y rester un certain temps pour se ressourcer,retrouver ses racines et renouer avec les nôtres.D'un autre côté,on peut faire comme certains écrivains de l'exil qui ont travaillé d'arrache pied pour oublier le mal du pays.Bien à vous.

On ne peut ou ne doit se sentir chez-soi que dans sa tombe. Ma tombe est mienne, pas besoin de titre foncier.

On ne peut rien sentir dans sa tombe, puisqu'on est mort👹👹

Il fait bon vivre là où on est bien...

Article et réflexion intéressante sur un sujet qui me concerne au plus près. Française vivant en Angleterre je ne rêve que de retourner au Maroc. Je suis donc, si je puis dire, assise entre trois chaises et c'est incomfortable. Ou se situer ? Une question que mes parents et mes grand-parents ne se posaient pas. Ils vivaient où ils étaient nés. "Il faut pousser où on a été semé" disait ma grand-mère. Peut-être avait-elle raison... A moins que notre vraie maison soit au ciel...

Bonjour Espoirdujour. Je pense que notre vraie maison est notre corps. Je pense aussi que la vie est un livre, si l'on reste là où on est né, on ne lit que la première page. Cordialement.

Française vivant à Marseille, depuis quelques années, je me rends au Maroc régulièrement. Je suis littéralement tombée amoureuse du Maroc. J'ai découvert ce pays ainsi que ses habitants avec beaucoup de plaisirs et j'ai ressenti le fait que j'avais enfin découvert le lieu où j'aimerais vivre, le lieu où je me sens bien, bien mieux qu'en France. L'année dernière, j'ai passé 6 mois au Maroc dont le confinement. Je suis rentrée en Juin 2020 et depuis je n'ai pas pu y repartir. Je pense venir début mars mais avec les variants du covid , je lis dans la presse marocaine que les autorités devraient prochainement refaire un lock out total au Maroc. Je suis très très déprimée car à force d'aller au Maroc, c'est en France que je me sens étrangère, ou plutôt la France qui m'est étrangère.

Personnellement, je me sens chez moi là où je peux vivre dignement. Ça transcende donc l'environnement géographique. Je ne pense pas que l'on puisse se sentir chez soi, quand on est dans son village natal, sans emploi, sans argent et donc dans la misère.

Mon père disait. " Ton pays est lá où tu manges ton pain ". Simple et clair comme l´eau de roche. La génération paternelle et maternelle, comme toutes les familles marocaines étaient par définition des nomades. Depuis la nuit des temps. Du Souus vers les plaines de Doukkal, du Rif vers Fès, du Sahara vers Marrakech, sans oublier les Andalous qui ont fait le périple aller-retour du Maroc vers l´Espagne en 700 ans.Et nos concitoyens de confession jive qui eux du Temple de Jérusalem sont arrivés il y a plus de 2 400 ans vers la Vallée Du Drâa. En résumé. Donc "Ton pays est là où tu manges ton pain ". Jadis. Aujourd´hui, Mr. Laroui met le doigt sur un autre phénomène. Loin des études de Mr. Tahar Benjelloun qui avait décrit la

Avec votre permission :"ton pays est là où tu gagnes ton pain" "فين كتصور طرف دالخبز"

Je me sens bien chez moi lorsque je suis dans mon village natale juché à 1500 mètres d'altitude dans les montagnes du rif oriental . Pas de problèmes , pas de politique , pas de pollution , l'usine polluante la plus proche est de l'autre rive de la Méditerranée.Il y a bien sûr des avantages et des inconvénients , mais par les temps qui courent , les premiers l'emportent largement sur les derniers.

"... pas de problème, pas de politique, pas de pollution..." ajoutez à cette liste "pas d'argent" et vous allez rapidement changer d'avis !

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