Un instant de poésie contre la laideur du monde

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ChroniqueLe prochain qui me dit que la culture, la peinture, la poésie, c’est superflu…

Le 12/06/2019 à 11h46

Samedi dernier, le 8 Juin donc, à Paris. Après avoir copieusement déjeuné à La Mansouria, rue Faidherbe, trois hommes se mirent en route. N'écoutant que leur courage, ils descendirent la rue du faubourg Saint-Antoine, traversèrent la place de la Bastille au péril de leur vie –ce ne sont pas les révolutionnaires qu’il faut craindre, mais les voitures, mais les bus, mais les trottinettes. Une demi-heure plus tard, ils étaient au bord de la Seine. Après avoir jeté un regard mélancolique à Notre-Dame (elle nous manque, la flèche de Viollet-le-Duc), ils se ressaisirent – allons, il faut vivre!– et continuèrent, intrépides, par le boulevard Saint-Germain, tendus vers leur but: la place Saint-Sulpice.

Il est temps de révéler l’identité de ces trois hommes: le premier était B. G., éminent professeur originaire d’Essaouira, aujourd'hui retraité et qui fit une belle carrière parisienne; le second n’était autre que Y. A., qui s’occupa longtemps de la culture au CCME; le troisième était, modestement, votre serviteur.

L’objet de la pérégrination de nos trois héros, le Graal de leur pacifique croisade, c’était – trêve de suspense– le Marché de la poésie qui se tient chaque année sur le parvis de Saint Sulpice.

Quoi? Qu’est-ce vous avez à ricaner? Tout le monde ne peut pas explorer Thulé ou conquérir le Nouveau Monde ou découvrir la grotte de Lascaux. On fait ce qu’on peut. Notre pèlerinage en valait un autre.

Arrivés là, nous allâmes saluer Abdellatif L., qui porte haut les couleurs de la rime et du pays; faire la bise à son épouse J.; serrer la main d’Alain G., qui fait beaucoup pour les artistes marocains avec sa maison d'édition Al Manar (à quand une décoration?); discuter le bout de gras avec le barde Said M., qui nous fit part de son chagrin de n’avoir pas récupéré sa nationalité chérifienne malgré une décennie de démarches; rire avec S. D. qui me rappela que je fus le premier à parler de son œuvre dans Jeune Afrique, il y a des lustres; nous faire dédicacer son dernier recueil par Hala M.–qui nous apprit que son prénom signifie “halo de la Lune“– hello halo!

(Vous avez remarqué qu’il y a beaucoup d’initiales dans ce billet? On dirait le compte-rendu d’une conspiration de bolcheviques sous le tsar.)

Pardon? Vous me demandez où je veux en venir avec ce billet où il ne se passe rien? Patience.

Après tout cela, et comme nous étions en face de Saint-Sulpice, nous y entrâmes pour admirer les fresques de Delacroix. Elles font toujours le même effet. La lutte de Jacob avec l’ange, en particulier, c’est saisissant. Les trois Marocains admirèrent, bouche bée.

Dehors, le soleil avait fait sa réapparition. Sur un mur, dans une rue adjacente (la rue Férou), quelqu’un avait eu la bonne idée de calligraphier le Bateau ivre de Rimbaud en belles lettres noires sur fond doré. Nos héros s’assirent à la terrasse d’un café, fourbus, pour siroter un diabolo-menthe en lisant Rimbaud, là, sur le mur, en face d’eux. Comme je descendais des fleuves impassibles

C’est alors que Y., de sa belle voix de basse, murmura:

– Le prochain qui me dit que la culture, l’art, la poésie, c’est superflu, je lui casse la gueule.

Et si on faisait de cette mâle sentence la morale de notre histoire? Après tout, Y. ne faisait que paraphraser, avec la rudesse virile des gens du Gharb, l'évanescent Mallarmé: “Il n’y a que la Beauté, et elle n’a qu’une expression parfaite, la Poésie. Tout le reste est mensonge.”

Par Fouad Laroui
Le 12/06/2019 à 11h46

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Le mur de la rue Férou qui a vu passer (ou résider) des peintres (comme Man Ray), des poètes comme Guillaume Apollinaire, Jacques Prévert, Philippe Soupault.. ou des romanciers comme Ernest Hemingway, … C'est sur le mur de cette rue qu'un lapacide a gravé "le Bateau ivre" de Rimbaud, pour le bonheur du promeneur solitaire ou accompagné. Je ne peux terminer ce petit commentaire sans inviter le lecteur du journal 360.ma à lire et OFFRIR l'EXCENTISSIME livre que Fouad LAROUI à consacré à la jeune génération d'artistes marocain(e)s (peintres, photographes, sculpteur(e)s…) Ce livre a pour titre "LES LUMIERES MAROCAINES", éd. Langages du sud. Comme son titre l'indique, ce livre est une anthologie des jeunes (et moins jeunes) pousses du monde artistique du Maroc, un hymne à la Culture marocaine et à son rayonnement international. Bravo ! Fouad. Pari réussi. En codicille à mon petit commentaire : le dernier essai que Fouad a consacré à la vie de brillantissimes mathématiciens. Le titre du livre : "Dieu, la folie, les mathématiques" éd. Robert Laffont. Nul "honnête homme » (au sens classique du terme) ne peut pas ignorer ce livre. Quand Fouad raconte une pérégrination culturelle dans le quartier de Saint Sulpice à Paris, un samedi après-midi, en compagnie d'amis (dont je fais partie...), cela donne un texte, délicieusement (sur le plan littéraire, j’entends) tourné, constellé d'embruns d'humour feutré. Humour qui donne à son texte une poésie dont on ne se lasse pas. Lu dans le billet de Fouad, ce récit d'une promenade dans un si petit espace, donne une intensité indéfinissable à cette concentration culturelle dans ce quartier du 6 ème arrondissement de Paris : a) "Le marché de la poésie" qui est d'abord un agora cosmopolite où convergent de brillants poètes. C'est aussi un lieu de débat sur des thèmes poétiques. b) L'église Saint Sulpice où le visiteur peut admirer des toiles d'Eugène Delacroix, dont le premier admirateur fut Charles-Maurice de TALLEYRAND… son père présumé. c) Le mur de la rue Férou qui a vu passer (ou résider) des peintres (comme Man Ray), des poètes comme Guillaume Apollinaire, Jacques Prévert, Philippe Soupault.. ou des romanciers comme Ernest Hemingway, … C'est sur le mur de cette rue qu'un lapacide a gravé "le Bateau ivre" de Rimbaud, pour le bonheur du promeneur solitaire ou accompagné. Je ne peux terminer ce petit commentaire sans inviter le lecteur du journal 360.ma à lire et OFFRIR l'EXCENTISSIME livre que Fouad LAROUI à consacré à la jeune génération d'artistes marocain(e)s (peintres, photographes, sculpteur(e)s…) Ce livre a pour titre "LES LUMIERES MAROCAINES", éd. Langages du sud. Comme son titre l'indique, ce livre est une anthologie des jeunes (et moins jeunes) pousses du monde artistique du Maroc, un hymne à la Culture marocaine et à son rayonnement international. Bravo ! Fouad. Pari réussi. En codicille à mon petit commentaire : le dernier essai que Fouad a consacré à la vie de brillantissimes mathématiciens. Le titre du livre : "Dieu, la folie, les mathématiques" éd. Robert Laffont. Nul "honnête homme " (au sens classique du terme) ne peut ignorer ce livre."

Quand Fouad raconte une pérégrination culturelle dans le quartier de Saint Sulpice à Paris, un samedi après-midi, en compagnie d'amis (dont je fais partie...), cela donne un texte, délicieusement (sur le plan littéraire, j’entends) tourné, constellé d'embruns d'humour feutré. Humour qui donne à son texte une poésie dont on ne se lasse pas. Lu dans le billet de Fouad, ce récit d'une promenade dans un si petit espace, donne une intensité indéfinissable à cette concentration culturelle dans ce quartier du 6 ème arrondissement de Paris : a) "Le marché de la poésie" qui est d'abord un agora cosmopolite où convergent de brillants poètes. C'est aussi un lieu de débat sur des thèmes poétiques. b) L'église Saint Sulpice où le visiteur peut admirer des toiles d'Eugène Delacroix, dont le premier admirateur fut Charles-Maurice de TALLEYRAND… son père présumé. c) Le mur de la rue Férou qui a vu passer (ou résider) des peintres (comme Man Ray), des poètes comme Guillaume Apollinaire, Jacques Prévert, Philippe Soupault.. ou des romanciers comme Ernest Hemingway, … C'est sur le mur de cette rue qu'un lapacide a gravé "le Bateau ivre" de Rimbaud, pour le bonheur du promeneur solitaire ou accompagné. Je ne peux terminer ce petit commentaire sans inviter le lecteur du journal 360.ma à lire et OFFRIR l'EXCENTISSIME livre que Fouad LAROUI à consacré à la jeune génération d'artistes marocain(e)s (peintres, photographes, sculpteur(e)s…) Ce livre a pour titre "LES LUMIERES MAROCAINES", éd. Langages du sud. Comme son titre l'indique, ce livre est une anthologie des jeunes (et moins jeunes) pousses du monde artistique du Maroc, un hymne à la Culture marocaine et à son rayonnement international. Bravo ! Fouad. Pari réussi. En codicille à mon petit commentaire : le dernier essai que Fouad a consacré à la vie de brillantissimes mathématiciens. Le titre du livre : "Dieu, la folie, les mathématiques" éd. Robert Laffont. Nul "honnête homme » (au sens classique du terme) ne peut pas ignorer ce livre.

Un billet si poétique et que j'aime la poésie ,art majeur à mon sens. Il me prend en mes heures(non perdues) de coucher sur papier après m'être fait secouée par un fjord soudain ,quelques rimes folles mais si percutantes que je m'en trouve allègrement ravie Merci infiniment cher Fouad Laroui pour ce moment exquis de partage Myriem Cherkaoui

la poésie c'est un langage qui se veut sage..quant il y réussit pour exorciser le destin de homme avant tout mortel mais capable de toutes les cruautés et incompréhensions envers l'autre et envers tout bêtement... la vie ...son 'idéalisme' érronée quant il se tourne vers la haine de l'autre la haine... d'un autre lui m^me . merci d'avoir parlé de poésie.

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