La campagne électorale de M. Macron a commencé. Il a pris un peu de chez Marine Le Pen, un peu de chez Eric Zemmour, a mis le tout dans une centrifugeuse, a bien remué, et cela a donné: moins de visas pour les Maghrébins.
Là, il plaît à tout le monde. Le voilà, le futur président: il ne veut plus de nouveaux Maghrébins en France, touristes ou hommes d’affaires. Il ne s’agit pas de ceux qui sont légalement installés dans ce pays depuis plusieurs générations, mais de ceux qui sont obligés de venir en France pour voir par exemple leurs enfants, étudiants, ou pour une consultation d’ordre professionnel, ou pour tout simplement visiter les châteaux de la Loire.
La punition est tombée. C’est son porte-parole, le jeune et sémillant Gabriel Attal qui l’a annoncé avec une forte énergie. Il accuse les consulats des pays maghrébins de ne pas jouer le jeu, de ne pas délivrer les permis de voyager aux expulsés afin de retourner au pays.
Peut-être qu’il y a eu quelques embrouilles. Ça arrive. Comme a dit le jeune Attal sur les antennes d’Europe1: on a menacé les consulats qui ne nous aidaient pas à renvoyer chez eux des gens dont la France ne veut pas, ils n’ont pas répondu, alors on a mis à exécution ces menaces!
C’est simple: le minaret est tombé et on a pendu le coiffeur.
Si ce jeune homme si ambitieux veut comprendre ce proverbe, je lui expliquerai en lui faisant un dessin.
Depuis l’été 1986, depuis que Jacques Chirac, alors Premier ministre, a voulu réagir aux attentats commis à Paris par des gens du Proche-Orient, en imposant le visa à tous les Arabes, la France pense avoir résolu le problème. Comme dit Gad Elmaleh dans un sketch, «c’est avec du scotch que la France lutte contre le terrorisme».
Certes, la France a le droit de renvoyer des personnes entrées illégalement sur sol. Mais en aucun cas, cela ne lui donne raison de punir les éventuels voyageurs désirant venir dans ce pays pour des raisons diverses.
Ce n’est pas muni d’un visa que quelqu’un décide de frauder la loi et de s’installer en France. Ceux qui sont dans une situation illégale, sont majoritairement de malheureux migrants dont certains ont traversé la Méditerranée en risquant leur vie. Ils sont pour la plupart issus des pays subsahariens.
Contrairement à ses prédécesseurs, M. Macron a peu de sensibilité maghrébine. Il va en Algérie au moment de sa campagne électorale en février 2017, il parle de la colonisation comme «crime contre l’humanité». Ce n’est pas aussi simple. Mais il voulait plaire aux Algériens qui, par ailleurs, ne lui ont pas rendu la monnaie de sa pièce.
Mieux que cela, M. Macron dit quelques vérités sur le régime algérien lors d’une rencontre avec des jeunes gens ayant des attaches proches ou lointaines avec l’Algérie, l’ambassadeur est rappelé par Alger et le ciel algérien interdit aux avions militaires français. Il est temps que la France cesse de se culpabiliser et de ménager un régime détesté par le peuple. Il ne faut pas non plus mettre sur le même piédestal deux pays que tout oppose. Le Maroc est une nation forte et bien enracinée dans l’histoire, ne fonctionnant pas sur la haine et la culpabilisation. L’Algérie, comme a rappelé le même Macron, «n’existait pas en tant que nation avant la colonisation française».
Un simple rappel historique: c’est en 1837 que le Maréchal Soult, président du conseil et ministre de la guerre, a donné le nom «Algérie» à ce qu’on appelait à l’époque «Possessions françaises du Nord de l’Afrique».
Par ailleurs, Macron a osé constater que «le système algérien est fatigué». Le courage serait d’aller encore plus loin: convaincre les autres pays européens de reconnaître la marocanité du Sahara. La France sera libérée du fardeau d’une Algérie haineuse. Macron sait qu’il peut compter sur le Maroc. Comme il sait qu’il n’aura que des ennuis de toutes sortes avec ce qu’il a appelé «le système politico-militaire qui s’est construit sur la rente mémorielle».
Pour ce qui est de «la punition», faut-il faire comme les Algériens et imposer un visa pour les Français? Non, le Maroc est un pays généreux, ouvert et pas rancunier.
Ainsi, la visite des châteaux de la Loire, du Louvre, du Grand Palais, du musée d’Orsay, de Notre-Dame de Paris… est reportée à une date ultérieure, quand M. Macron n’aura plus besoin de montrer qu’il est capable de fermer la frontière aux Maghrébins qui aiment faire du tourisme. Il sera alors de nouveau président et n’aura plus à séduire les électeurs en stigmatisant les Maghrébins.