Sa grande discrétion n’a d’égal que le caractère prolifique de son œuvre et sa précieuse expérience tant de la vie que de l’écriture. Ancien prisonnier politique, pendant sept ans, devenu diplomate –il a été ambassadeur du Maroc au Chili de 2009 à 2016–, Abdelkader Chaoui est surtout un brillant romancier, un poète de talent et un critique d’art perspicace. Présent à la 28e édition du Salon international de l’édition et du livre (SIEL), entamé le 1er juin et qui s’achève ce dimanche 11 juin à Rabat, il a présenté non pas un, mais deux de ses dernières œuvres, parues chez les éditions Le Fennec: le roman «Mourabaâ Al Ghouraba» (Le Carré des Etrangers, NDLR) et le recueil de poèmes «Bi Niyabati Ani» (En Mon Nom: Ô toi, le masque, NDLR).
Le tout devant une audience venue nombreuse célébrer celui qui incarne aussi bien toutes les déclinaisons du mot résilience, mais aussi l’humanisme et la proximité vis-à-vis du public, loin de toute forme de tour d’ivoire dans laquelle s’enferment bon nombre de nos intellectuels.
Au micro du 360, Abdelkader Chaoui nous résume son œuvre, aussi généreuse que diverse et variée. Il ne trouve d’ailleurs aucune contradiction à se livrer à de nombreux exercices (le roman, la poésie, l’essai littéraire, la critique...) pour peu qu’on maîtrise les outils propres à chacune de ces formes. «La multiplicité est en chacun de nous. Il nous faut juste la découvrir, la cultiver. C’est un enrichissement», nous explique celui dont le dernier recueil de poèmes se veut une consécration.
«J’ai commencé par la poésie, mais ce n’est que maintenant que je publie un recueil dédié. En cela, je suis à l’image de nombreux autres auteurs, comme William Faulkner, dont la toute dernière œuvre a été la poésie», nous dit-il.
Lire aussi : Souleymane Bachir Diagne: «La traduction est la nouvelle terre de l’humanisme»
Revenant sur son dernier roman, «Mourabaâ Al Ghouraba», Abdelkader Chaoui souligne que ce dernier s’inscrit dans la continuité de ce qui constitue le fil conducteur de son œuvre littéraire: la mémoire. Point de départ, ce qui est communément appelé les années de plomb au Maroc, avec les événements de 1981 à Casablanca pour élément central. «Mais que l’on ne s’y trompe pas: cette date est juste un marqueur. Ce que je raconte dans mon roman est le fruit de mon imagination, que ce soit pour les personnages, le récit, les dates… Des renvois à des événements qui se sont effectivement produits sont possibles mais ne sont pas intentionnels», avertit l’auteur.
Pour Abdelkader Chaoui, le romancier n’a pas vocation à être historien. «Le roman est une création qui peut être liée à une époque, mais il ne peut prétendre la documenter. C’est plus une tentative de comprendre ce qu’il s’est passé à un instant donné et se saisir de l’étendue d’une marque ou une blessure que celui-ci a laissée dans nos corps ou notre psyché», explique-t-il. Pour lui, le but d’un tel travail n’est pas d’en faire un facteur historique à considérer, mais un facteur de plaisir dont la seule finalité est le divertissement.