Dans l’immensité du Sahara marocain, là où l’horizon semble infini, la «khayma sahraouie» demeure un emblème fort et intemporel de la culture hassanie. Bien plus qu’un simple abri contre vent et soleil, cette tente incarne l’âme du nomadisme, un héritage précieux transmis de génération en génération. D’ailleurs, dans cette culture, on ne parle pas de se marier, mais de «camper» ou «planter sa tente», une expression qui témoigne de son importance dans l’imaginaire collectif de la région.
Mais si la tente sahraouie fascine par sa simplicité apparente, sa fabrication est un art complexe, minutieux et profondément ritualisé. Chaque étape est rythmée par un savoir-faire ancestral, où hommes et femmes jouent des rôles distincts, mais complémentaires.
Tout commence avec les hommes, chargés de tondre les moutons. Leurs mains habiles libèrent la laine brute, qui sera ensuite confiée aux femmes pour entamer le long processus de transformation. La première étape, appelée «tchaâchii», consiste à purifier la laine. Menues d’un bâton fin nommé «lamtarek», elles la battent avec précision, éliminant impuretés et poussière, jusqu’à obtenir une matière propre et légère. Vient ensuite le «tgherchil», une opération délicate où chaque fibre est patiemment démêlée à l’aide d’un «agherchal», un outil aux dents de fer semblable à un peigne ancestral.
Lorsque la laine est parfaitement préparée, l’étape du filage peut commencer. Unissant leurs forces, les femmes du quartier se réunissent pour la «twiza», une tâche collective empreinte de convivialité et de solidarité. À l’aide du «meghzel», une fine tige de bois, pas plus longue qu’un bras, elles torsadent les fibres en fils délicats. Petit à petit, ces fils s’accumulent en «koubba», des pelotes soigneusement enroulées autour du fuseau.
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Mais le fil ainsi obtenu demeure fragile. Pour lui donner plus de robustesse, une nouvelle étape s’impose: «lbrim». Ici, deux fils fins sont entremêlés pour former un fil plus solide, grâce à un outil appelé «lmbrem». Cette tige fine, munie d’un crochet métallique, permet de torsader le fil avec régularité, jusqu’à obtenir une résistance optimale. Une fois cette étape achevée, les fils sont étendus et tendus lors de la phase de «lmhiṭ», où ils sont humidifiés et retravaillés pour parfaire leur souplesse et leur tenue.
Lorsque le fil atteint la qualité requise, commence alors le véritable travail de tissage. La confection de la «khayma» se fait par l’assemblage de plusieurs bandes de tissu appelées «lflij», longues étoffes tissées avec précision. Pour cela, quatre piquets sont plantés, délimitant l’espace du tissage. Les femmes, patientes et méthodiques, enroulent le fil autour des montants et entreprennent la «tassdiya», un travail d’orfèvre où chaque fil trouve sa place sous l’œil attentif des artisanes. Le tissage avance au rythme du «maychâa», une canne enroulée de fil qui passe et repasse entre les fils tendus, créant une trame régulière et résistante.
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Peu à peu, les «lflij» s’accumulent, jusqu’à en faire sept ou neuf pièces chacune mesurant en moyenne quatorze coudées de long. Elles sont ensuite assemblées pour former la tente complète, avec deux panneaux latéraux plus étroits, qui viennent en guise de finitions.
Ainsi naît la «khayma sahraouie», fruit d’un travail méticuleux et d’un héritage préservé. Plus qu’un simple toit, elle est le reflet d’un mode de vie, d’un savoir-faire et d’une identité. Chaque fil tissé, chaque nœud noué, raconte l’histoire de ces habitants dont les traditions, ancrées dans le sable du Sahara, résistent au passage du temps.
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