«La Mère de tous les mensonges» d’Asmae El Moudir sort en salles en France ce jeudi 29 février. Projeté dans les salles de cinéma, au Maroc, depuis une semaine, ce documentaire d’Asmae El Moudir déjà primé dans plus d’une vingtaine de pays, poursuit son petit bonhomme de chemin. Son parcours est jalonné d’une série de consécrations ayant favorisé et accéléré sa renommée internationale. Le Prix de la mise en scène au très prestigieux Festival de Cannes dans la catégorie «Un certain regard», la standing ovation sur la Croisette puis son Étoile d’or à la dernière édition du Festival international du film de Marrakech (FIFM) des mains de Jessica Chastain, présidente du jury en 2023, ont aidé à faire parler de «La Mère de tous les mensonges» avant même sa sortie en salles.
Et ce n’est pas tout. En lice dans la course aux Oscars 2024 pour représenter le Maroc dans la catégorie «Meilleur film étranger», il a été retenu, parmi les 93 films sélectionnés, et a tenu jusqu’au carré d’or, avec les 15 dernières productions de la catégorie. C’est la shortlist, le virage ultime de la course à l’oscar, qui mène les films chanceux à l’étape de la nomination décisive.
«Nous avons fait tout ce que nous avons pu pour être nominés. Mais vous savez, à un moment, nous avons atteint des montants faramineux pour la location des salles de cinéma à Los Angeles. Nous sommes allés jusqu’au bout et avons fait ce que nous avons pu, mais nous n’avons pas pu suivre le rythme», avait souligné il y a quelques jours la réalisatrice Asmae El Moudir dans une déclaration pour Le360, la veille de l’avant-première de son film au cinéma Lutecia de Casablanca.
Dix jours de projections suivis de réceptions à 50.000 dollars/jour aux États-Unis
Asmae El Moudir insiste: le vote pour la nomination n’a rien à voir avec la qualité du film. Ces propos amorcent une question essentielle. Qu’est-ce qui fait qu’un film étranger est nominé ou pas aux Oscars? À cette question, Khadija El Alami, productrice de cinéma marocaine et membre de l’Académie des Oscars, revient sur la mécanique de cette course à Hollywood. «Pour une petite campagne de promotion du film étranger, avec dix jours de projections et dix réceptions, il faut compter au minimum 50.000 dollars par jour», explique Khadija El Alami.
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Cette dernière, si elle n’a pas eu droit en tant que membre de l’académie de voter pour un film représentant son pays, a pu néanmoins introduire Asmae El Moudir auprès des personnalités et des membres de l’académie durant les projections de films et réceptions organisés aux États-Unis. Asmae El Moudir n’a pu, faute de budget de promotion, organiser que trois projections pour convaincre les membres de l’académie. «Si la tunisienne Kaouther Ben Hania, en lice également ( «Les filles d’Olfat», NDLR) a disposé de six publicistes, et a pu financer 26 projections, donc 26 réceptions dans plusieurs villes des États-Unis, Asmae El Moudir a eu trois projections entre Los Angeles et New York et a eu deux personnes qui s’occupaient des relations publiques», ajoute Khadija El Alami.
La nécessité d’un fonds pour la promotion des films marocains aux Oscars
Khadija El Alami explique finalement que si le film avait été projeté dans davantage de salles et avait donc bénéficié d’un budget plus important pour sa promotion, il aurait eu plus de chances d’être nominé. D’où la nécessité pour le Maroc de penser à un fonds pour la promotion des films marocains aux Oscars. «Le Centre cinématographique marocain a octroyé une subvention pour la promotion de “La Mère de tous les mensonges”, mais il faudrait que dans l’avenir les grandes entreprises marocaines qui engrangent d’importants chiffres d’affaires puissent mettre la main à la poche et par patriotisme aider à la promotion des films marocains dans cette course aux Oscars», précise Khadija El Alami.
Autre élément qui a joué en défaveur d’Asmae El Moudir, toujours selon la membre de l’Académie des Oscars, c’est le fait que son opus était en lice dans la catégorie «Meilleur film étranger» et non pas dans la catégorie «Documentaire» où il aurait sans doute eu plus de chances. «Pour comparer entre un film et un autre, il doit y avoir les mêmes ingrédients: le scénario avec un jeu d’acteurs, une réalisation, des décors, des costumes... Ce qu’a fait Asmae El Moudir est extraordinaire, mais on ne peut pas le mettre dans la balance avec les autres films choisis et qui ne sont pas dans le même genre», poursuit notre interlocutrice.
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On retiendra donc, comme leçon d’avenir, que pour décupler ses chances d’aller encore plus loin dans la course aux Oscars, le Maroc doit mieux cibler sa participation et bénéficier d’un budget suffisant pour réussir la campagne de lobbying. En effet, plus le film est projeté en salles, plus il est vu par un plus grand nombre de votants. Il augmente ses chances d’être nominé et, pourquoi pas, gagner un oscar. Cette année, ils étaient environ 2000 membres à avoir accepté de voter pour la catégorie du meilleur film étranger.