Dans son roman, Dix-sept ans, paru en 2018, le journaliste et écrivain Éric Fottorino explore un pan caché de son histoire familiale en ressuscitant la figure de son père biologique, un médecin marocain de confession juive.
L’écrivain, longtemps persuadé que son père était mort à la guerre, découvre à l’adolescence la vérité sur ses origines et entame un long chemin vers la reconstruction. À travers cette interview, il revient sur cette quête identitaire, le poids du secret et l’impact de cette révélation sur sa mère et lui-même.
Le360: Vous avez découvert tardivement que votre père, un Juif marocain né à Fès, était vivant, alors qu’on vous avait toujours dit qu’il était mort à la guerre. Comment l’avez-vous appris?
Eric Fottorino: Comme souvent dans les secrets de famille, la vérité s’est révélée par accident, à travers une maladresse, un mot lâché par quelqu’un. J’ai compris que j’avais un père alors qu’on m’avait toujours dit le contraire. J’ai alors interrogé un oncle de la famille, qui m’a confié que mon père était un médecin marocain. J’ai ensuite confronté ma mère, qui a fini par reconnaître les faits et m’a donné son nom.
Comme il était médecin, j’ai eu l’idée d’écrire à l’Ordre des médecins, en me disant que peut-être ils ne le connaîtraient pas, mais j’ai tenté ma chance. Par un heureux hasard, lorsque j’ai envoyé ma lettre en 1973, il avait déjà quitté le Maroc. Grâce à l’Ordre des médecins, il a reçu mon courrier et m’a répondu.
«J’ai découvert la vérité à 11 ans, mais je n’ai rencontré mon père qu’à 17 ans. Pendant toutes ces années, je suis resté avec cette énigme en tête. Je crois que pour ma mère, cette période de sa vie était trop douloureuse.»
— Eric Fottorino, écrivain, journaliste
Avez-vous cherché à comprendre pourquoi votre mère vous avait caché cette vérité?
Elle pensait que c’était trop tard, que la version qu’on m’avait donnée ne pouvait plus être remise en question. Selon elle, je devais continuer à croire que je n’avais pas de père. Mais ce récit était flou: une mort hypothétique, une guerre lointaine. Cela ne tenait pas debout.
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J’ai découvert la vérité à 11 ans, mais je n’ai rencontré mon père qu’à 17 ans. Pendant toutes ces années, je suis resté avec cette énigme en tête. Je crois que pour ma mère, cette période de sa vie était trop douloureuse. Elle était une toute jeune femme, elle avait 17 ans à l’époque, et elle a probablement voulu occulter cette histoire. Mais ce qu’elle n’a pas réalisé, c’est qu’en voulant l’oublier, elle ne pouvait pas m’imposer d’ignorer la vérité.
Pensez-vous que l’écriture de cette histoire a aidé votre mère à faire la paix avec ce secret de famille? A-t-elle ressenti cela comme une forme de réparation?
Je pense qu’elle a été soulagée. Même si elle ne m’a jamais révélé elle-même la vérité, elle a dû ressentir un apaisement quand je l’ai découverte.
D’autant plus qu’après avoir retrouvé mon père, j’ai pu organiser une rencontre entre eux, bien des années plus tard, en 2006. J’ai vu à quel point cette entrevue les avait émus. Elle leur a permis, peut-être, de se dire au revoir correctement.
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