FIFM 2023. Bertrand Bonello: «Les gens retrouveront toujours le chemin des salles de cinéma»

Bertrand Bonello: "Les gens retrouveront toujours le chemin de la salle de cinéma, j'y crois"

Bertrand Bonello: Les gens retrouveront toujours le chemin de la salle de cinéma, j'y crois

Le 02/12/2023 à 17h55

VidéoBetrand Bonello, musicien et réalisateur français, était parmi les invités de cette 20ème édition du Festival international du film de Marrakech, dont la clôture aura lieu ce samedi 2 décembre. L’auteur, entre autres, de «Saint Laurent» et de «Nocturama», qui a animé une leçon de cinéma dans le cadre de la section «Conversation avec…», s’est également exprimé devant la caméra et le micro tendu par Le360.

Musicien de formation classique, Bertrand Bonello s’est converti en autodidacte au 7ème art. Il s’est rapidement fait remarquer avec son premier long-métrage «Quelque chose d’organique» (1998), avant de confirmer avec «Le Pornographe», applaudi à la semaine de la critique au Festival de Cannes 2001.

La consécration viendra d’abord avec «L’Apollonide : Souvenirs de la maison close» (2011), film acclamé par la critique, qui l’installe parmi les jeunes auteurs les plus talentueux avec un univers et un style propres. «Saint Laurent» (2014), biopic aventureux du créateur français, lui attire quant à lui les faveurs du grand public. Suivront «Nocturama» (2016) et «Coma» (2022), qui continuent à poser les jalons d’un cinéma aussi exigeant qu’imaginatif, où le formel est indissociable du sens poétique, voire lyrique.

Figurant parmi les invités de cette 20ème édition du Festival international du film de Marrakech, Betrand Bonello a animé une leçon de cinéma dans le cadre de la section «Conversation avec…». Il s’est également exprimé devant la caméra et le micro tendu par Le360.

Vous connaissez le Festival de Marrakech, dont vous avez été membre du jury en 2014. Que pensez-vous de cette 20ème édition?

Je la vois un peu de loin, car je suis arrivé il y a peu de temps. Je n’ai pas pu voir les films. Mais ce que je peux dire, c’est que c’est un festival qui s’est développé dans sa fonction de montrer toute une cinématographique émergente du bassin méditerranéen. De ce que j’entends, toutes ses initiatives, comme les workshops de l’Atelier de l’Atlas, sont très appréciées et très réussies. J’ai aussi l’impression que cette année, il y avait un niveau de compétition très relevé et que le festival est monté d’une marche.

Un hommage a été rendu à Faouzi Bensaidi qui a déjà travaillé avec vous dans «Saint Laurent». Que pouvez-vous nous dire de ce réalisateur, et accessoirement acteur marocain?

C’est quelqu’un de très particulier. On a souvent dit ça de lui, mais c’est vrai qu’il a un petit côté Buster Keaton qui est très émouvant et qui lui permet, à travers une tonalité très particulière, de raconter des choses. Il a ce corps et ce visage qui traversent le cadre. Je l’ai connu comme acteur, lorsqu’il a joué dans «Saint Laurent», face à Helmut Berger. Il campait le serviteur d’Yves Saint Laurent vieux, et il était plein de gentillesse et de bienveillance. Ce n’était pas facile de jouer ce personnage, et j’étais très heureux de le revoir hier.

«Saint Laurent» a eu beaucoup d’échos. Comment percevez-vous l’évolution de votre réflexion cinématographique depuis ce film jusqu’à votre dernier, «La Bête»?

Je ne suis pas certain d’avoir une pensée théorique générale. Je suis plutôt «film par film». Mais si je dois en avoir une, je vois bien que j’essaie de plus en plus de faire une recherche formelle, sans quitter une émotion primaire. Mais les deux films ne sont pas sans lien. Au niveau de la dilatation du temps et de la solitude, les deux sont liés. Saint Laurent était un personnage très seul, même sil était bien entouré, et le personnage de Léa Seydoux dans «La Bête» représente aussi cette solitude.

La musique, et vous connaissez bien le sujet, permet-elle d’obtenir cette dilatation du temps dont vous parlez?

Oui, la musique permet de rêvasser, de structurer, de penser la temporalité et le tempo. Je pense beaucoup via la musique, que j’ai apprise, contrairement au cinéma, que je n’ai pas appris. Je pense la musique dés l’écriture du scénario et pour moi il est important que la musique et les images travaillent vraiment ensemble. Pour moi, la musique doit être narrative et se mêler vraiment à la trame du film.

Aujourd’hui avec l’évolution technologique et notamment l’explosion du streaming, comment voyez-vous l’évolution de votre cinéma?

Si seulement je pouvais vous le dire. Je pense vraiment mes films pour qu’ils soient projetés dans une salle de cinéma, c’est vrai. Je sais que je veux faire de mes films un voyage et la salle le permet. Quand je vois des gens regarder un film sur un téléphone, je me demande comment ils peuvent voyager. C’est du flux, du flow... Pourquoi pas? Mais moi, je ne pense pas mes films ainsi. Alors, dans les années à venir, il y a deux possibilités. Soit ces plateformes, qui quelque part rêvent de la destruction de la salle, réussissent et écrasent tout, et la salle ne subsistera alors que pour de grands spectacles américains. Soit elles s’épuisent, parce que regarder des films chez soi, c’est bien, mais il vaut mieux sortir, et que les gens retrouvent le goût et le chemin des salles de cinéma. Et j’y crois.

Vous êtes un cinéaste engagé. Quelle est la cause actuelle qui vous tient à cœur et que vous souhaitez défendre?

Vous me posez cette question à un moment où le monde est extrêmement chaotique. Je vais revenir à quelque chose de très fondamental: les droits de l’homme, fondamentalement, qui sont très malmenés dans de nombreux pays.

Par Qods Chabâa et Adil Gadrouz
Le 02/12/2023 à 17h55