Sur les réseaux sociaux, la chanson est de toutes les publications. Sur son rythme chaâbi entraînant, mêlant les voix rauque du rappeur Benny Adam et envoûtante de Khadija El Warzazia, figure du chaâbi, les internautes la reprennent en chœur sur quelques pas de danse, à commencer par le duo de chanteurs qui lui aussi se met en scène sur Instagram.
«Dans ma tête on est plein. Maro-canadien, muslim, arabo-berbère, afro-caucasien. La nationalité marocaine s’acquiert à la naissance, et ne peut jamais se perdre. Mok ya mok». Ce couplet en particulier est devenu viral, désormais scandé avec fierté presque comme un manifeste de marocanité, entrecoupé d’extraits d’interviews du roi Hassan II dont les punchlines font toujours mouche et dont une phrase en particulier a été intégrée à la chanson.
«Comment voulez-vous assimiler à des gens l’égalité quand on les appelle des Beurs», déclare ainsi le défunt Souverain dont l’image, dans le clip, apparaît sur l’écran d’une vieille télévision. Cet extrait donne le ton de la chanson: il est ici question des difficultés de l’intégration dans une société occidentale, loin des fantasmes d’une vie facile, de la nécessité de travailler très dur pour ceux qui choisissent la voie de l’immigration, de la nostalgie d’un pays que l’on quitte. Autant de thématiques fortes retranscrites dans les images du clip qui met en scène un jeune Marocain en couple avec une femme occidentale, rattrapé dans sa nouvelle vie ailleurs par la nostalgie de ses origines et la difficulté de s’intégrer.
Sans surprise, le clip et la chanson font des ravages dans les rangs de la diaspora qui se reconnait particulièrement dans les paroles chantées en français et en darija par ce duo aussi improbable que détonant. Et pour cause, ce titre publié au mois de février sur YouTube, qui cumule plus de 3,5 millions de vues, s’est classé en première position du TOP 50 Maroc numéro 1 du Top viral en France sur Spotify. Il est l’œuvre de Benny Adam, rappeur et producteur marocain, et de Khadija el Warzazia, chanteuse populaire de chaâbi. Au-delà des paroles qui évoquent le propre parcours de Benny Adam, de son Casablanca natal à Montréal, où il s’établit en 2001 avec sa famille alors qu’il est encore adolescent, le titre doit sans conteste son succès au draï, mélange de drill anglaise, de raï et de chaâbi dont Benny Adam a fait sa marque de fabrique.
L’ambition marocaine de Benny Adam
Benny Adam découvre le rap alors qu’il est adolescent et décide de se lancer dans la musique à 18 ans. Autodidacte, il s’autoproduit et connaît des années difficiles à une période où la scène hip hop est quasi inexistante au Canada. Par la force des choses, et aussi parce qu’il excelle dans ce métier, il se lance dans la production d’autres artistes et met de côté sa propre carrière d’artiste.
Il coréalise l’album du rappeur Niro «Les autres», chez Capitol Music en 2015, et décroche son premier disque d’or, qui sera suivi par cinq autres. Il produit également les créations des rappeurs YL et SCH puis s’attaque à la pop française en collaborant avec Tessa B, Yseult et Claudio Capéo. Il découvre la chanteuse maroco-canadienne La Zarra et la fait connaître en France, notamment grâce au titre qu’il co-écrit «Tu t’en iras», disque de platine en France et Prix de la chanson internationale en 2023 au Canada. En 2022, il se fait connaître cette fois-ci en tant qu’artiste en France pour son duo avec Amel Bent, «Lossa», puis au Québec, pour le titre «Start Over» avec Zach Zoya.
En 2024, sa carrière se teinte d’un nouveau genre musical, celui du raï, dont les titres «Travolta» et «Tit’Suite» (Feat Nayra) sont de parfaits exemples. Pour explorer cet univers, une seule destination: le Maroc. Depuis son studio casablancais, Benny Adam redécouvre le patrimoine musical de son pays, avec pour ambition de faire porter la voix et le rythme du chaâbi à l’international. Dans une interview accordée au média La Converse, il explique à quel point l’authenticité est au cœur de son approche et nourrit son ambition: «Je pense que notre rythmique chaâbi peut avoir un attrait international, autant que l’afrobeat nigérian, autant que le reggaeton, autant que la house. Mon rêve, ce n’est pas juste de percer en tant qu’artiste, c’est de créer un genre où le chanteur Maluma pose sur un rythme chaâbi».
Autre ambition, cette fois-ci plus personnelle de l’artiste casablancais: cultiver la fierté d’être marocain. «Enfant, au Maroc, on entendait toujours dire que le Maroc des années 1970 était meilleur, ou bien on entendait parler de [la participation du Maroc à] la Coupe du monde de 1986 comme un moment historique pour le pays. Comme on ne nous parlait que de choses que nous n’avions pas vécues, on a intériorisé le fait que tout ce qui est marocain est forcément nul. C’est pour ça que, lorsque tu vas ailleurs, sans même que les gens te jugent, tu te sens moins bien qu’eux. Je n’ai pas envie que mes enfants vivent ça. J’ai envie qu’ils disent fièrement qu’ils sont marocains». Pari réussi avec cette nouvelle chanson que le public s’est approprié comme un hymne à la fierté d’être marocain.
Bienvenue dans l’espace commentaire
Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.
Lire notre charte