Voir son travail gratifié d’une exposition individuelle est une consécration pour un artiste, de surcroît au Mac Val, le prestigieux musée d’art contemporain du département du Val-de-Marne, qui souffle cette année vingt bougies à travers plusieurs expositions, illustrant, comme le veut son ADN, le travail d’artistes vivant en France.
Cette date anniversaire coïncide avec l’exposition consacrée à l’artiste franco-marocaine Najia Mehadji, dont l’œuvre se déploie entre deux continents, dans ses ateliers d’Essaouira et de Paris.
Jusqu’au 21 septembre 2025, sous le commissariat de Nicolas Surlapierre, l’exposition «Mon amie la rose» donne à voir une soixantaine d’œuvres qui s’articulent autour de la rose, cette fleur qui incarne pour l’artiste Eros et Thanatos. «La fleur de l’amour, de l’éphémère, de l’offrande, du deuil, mais aussi, de mon point de vue, une ‘étoile’ du cosmos», explique-t-elle ainsi, citée par le Mac Val.
Lire aussi : Arts plastiques. Najia Mehadji, la fleur au fusil à la galerie d’art l’Atelier 21
À l’occasion de cette exposition, dont le vernissage se tiendra le 20 mars, un catalogue sera publié aux éditions El Viso, en français et en anglais, incluant un texte de Nicolas Surlapierre ainsi qu’un poème dédié au travail de Najia Mehadji, écrit par l’écrivaine et danseuse Camille Laurens, qui a marqué la rentrée littéraire de 2025 avec son nouveau roman, Ta promesse.
Vous êtes la première artiste marocaine à exposer au Mac Val. Quel est votre ressenti?
Cela va au-delà du fait d’être marocaine, car très peu d’artistes y exposent individuellement. Ils font plutôt l’objet d’expositions collectives. À mon sens, c’est une sorte de consécration, le Mac Val étant considéré comme l’un des musées d’art contemporain les plus importants en France.
Quelle est la particularité des œuvres données à voir dans cette exposition?
Elle se compose d’une soixantaine d’œuvres, parmi lesquelles des toiles, des dessins et des oeuvres numériques, exposées au sein de la mezzanine qui surplombe les salles dédiées aux collections permanentes. Deux livres de gravure sont également exposés en vitrine et un film de dix-sept minutes, réalisé par Brigitte Huault-Delannoy, qui me suit depuis une douzaine d’années entre mes deux ateliers à Paris et Essaouira et lors de mes expositions en France et au Maroc, est diffusé pendant l’exposition.
Cette exposition prend pour point de départ vos œuvres des années 90. Comment a-t-elle été réfléchie?
Elle se compose d’œuvres de toutes les périodes mais ce n’est pas du tout une rétrospective. C’est une exposition qui a pour point de départ la commande d’une gravure par le Mac Val en 2024. Tous les ans, conformément à sa politique, le musée demande à un artiste de faire une estampe – une lithographie ou une sérigraphie – à l’occasion du 8 mars, la journée internationale des droits des femmes. À cette occasion, j’ai donc fait une sérigraphie que j’ai appelée «Rosebud», inspirée du travail que je mène actuellement autour de l’image de la rose comme symbole de paix.

Peu après, le directeur du Mac Val, Nicolas Surlapierre, a visité mon atelier et a découvert mon travail autour de ce thème, lequel illustre la paix contre la guerre et la barbarie, la beauté contre l’horreur. C’est lui qui m’a vraiment donné envie de faire cette exposition et qui m’a consacré ces espaces pour pouvoir montrer mon travail.
Quelle est la source de votre inspiration?
L’exposition s’articule autour de ce thème: la fleur contre la guerre. Les œuvres de 1990 à nos jours qui ont été choisies reflètent ce thème mais aussi celui du soufisme qui rejoint l’idée de paix, de spiritualité, de beauté, de poésie aussi, avec des œuvres plus axées sur la danse des derviches tourneurs ou la danse de la chorégraphe Loïe Fuller (ndlr: Le projet «Rosebud» est tiré de Serpentine Dance, une chorégraphie créée par la danseuse et chorégraphe américaine Loïe Fuller en 1901, symbole de l’abstraction dansée).

C’est aussi une danse mystique, spirituelle et cosmique. L’exposition incarne ainsi le passage de la terre vers le ciel. La terre représentée ici par la rose, le végétal, la fleur comme symbole de beauté et de paix, mais aussi de l’éphémère. Et puis le cosmique, les planètes, les étoiles, la danse des derviches tourneurs, la spiritualité.
Comment l’actualité politique du moment, notamment les guerres à travers le monde, se lit-elle dans cette exposition?
Deux séries sont très explicites dans cette exposition. La première, réalisée il y a déjà une quinzaine d’années, s’appelle «War Flowers» (les fleurs de la guerre). Ce sont des œuvres numériques que j’ai réalisées en Espagne et qui représentent des fleurs très lumineuses, très colorées, à l’intérieur desquelles s’inscrivent des détails agrandis extraits des gravures de la série «Les désastres de la guerre» de Goya.

La seconde série est intitulée «War and Women» (la guerre et les femmes). Ce sont des sérigraphies de femmes devant des immeubles détruits, qui peuvent être aussi bien des femmes libanaises que palestiniennes ou ukrainiennes.
Ces deux séries sont véritablement le point de départ, la clé pour comprendre le reste de l’exposition, et le pourquoi du choix des fleurs et de la beauté. À travers elles, je veux montrer que même si elle représente une goutte d’eau dans l’océan, la peinture incarne la beauté et l’art. C’est une façon de dire que l’humain continue à exister, qu’il y a quand même des êtres qui aiment la beauté sur cette terre, qu’il n’y a pas que des monstres prêts à tout détruire.
L’exposition s’appelle «Mon amie la rose». Un choix musical?
Le titre de l’exposition fait référence à la chanson de Françoise Hardy qui date des années 60 et qui a ensuite été reprise dans les années 90 par Natacha Atlas, laquelle a su apporter une note complètement orientale à cette chanson. Ayant moi-même une double culture, française par ma mère et marocaine par mon père, il était très important pour moi qu’il y ait une chanson qui soit à la fois de Françoise Hardy et de Natacha Atlas, avec ces deux interprétations tout à fait singulières et très belles. Dans le même temps, mon amie la rose, c’est aussi mon amie la peinture, grâce à laquelle j’arrive à survivre à ce monde horrible dans lequel nous vivons en ce moment, avec les guerres, le changement climatique... Avec mon amie la rose, je veux apporter une note d’espoir car la rose incarne la beauté, la paix, l’humain. C’est ce qui nous permet de continuer à vivre sans être écrasé par ce monde.
«Mon amie la rose»
Du 4 février au 21 septembre 2025
Au MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne
Place de la Libération, Vitry-sur-Seine, France
Bienvenue dans l’espace commentaire
Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.
Lire notre charte