Partagée sur Twitter par Adidas Mena le 23 septembre dernier, une photo présentant le nouveau maillot de football algérien a suscité un véritable tollé. Et pour cause, les motifs qui ornent le nouveau maillot de l’équipe de football algérienne renvoient sans aucun doute possible aux représentations de l’art du zellige marocain.
Ironie suprême: Adidas Mena juge bon de préciser dans son post que ces motifs du maillot ont été inspirés par le Palais de Mechouar, à Tlemcen, l’un des nombreux héritages culturels marocains que compte cette ville algérienne.
Face à ce qui est manifestement une nouvelle tentative d’appropriation culturelle par le biais de la marque de sport, le ministère marocain de la Culture a mandaté Mourad Elajouti, avocat au Barreau de Casablanca, et président du Club des avocats du Maroc, afin de mettre en demeure la marque Adidas Mena.
Dans sa mise en demeure, adressée par e-mail et par voie d’huissier à Kasper Rorsted, président directeur général du Groupe Adidas, Me Mourad Elajouti rappelle que «l’appropriation culturelle se définit comme l’acte par lequel une personne ou un organisme issu d’une culture différente s’empare d’une expression culturelle traditionnelle, pour l’adapter à une autre culture dans un contexte différent, sans autorisation ni mention de la source ou rémunération d’une façon qui porte préjudice aux détenteurs de l’expression culturelle traditionnelle en question. Ce qui est le cas dans cette affaire».
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En effet, poursuit-on au vu des éléments dont dispose la partie marocaine, «les carreaux de céramique émaillée, sont apparus la première fois au Maroc au Xe siècle», et, souligne-t-on, «les motifs présents dans le palais de mechouar de Tlemcen sont d’inspiration marocaine et ont été aperçus la première fois à la madrasa Bū ʿInāniyā de Fès et la madrasa-zāwiya de Chellah».
Or, la médina de Fès est protégée par des textes législatifs nationaux visant sa protection et renforçant, au niveau local, son inscription sur la Liste du patrimoine mondial, «notamment le décret n°2-81-25 du 22 octobre 1981 pour l'application de la loi n°22-80 relative à la conservation des monuments historiques et des sites, des inscriptions, des objets d'art et d'antiquité», précise Me Mourad Elajouti. D’autre part, le site du Chellah, nécropole mérinide, qui fait partie des sites de la ville de Rabat, est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco en tant que bien culturel.
Déplorant que certains des créateurs d’Adidas Mena se soient «emparés de ces expressions culturelles traditionnelles et les ont réutilisés en dehors de leur contexte, en faisant fi de leur signification culturelle, et en les dénaturant de leur origine, ce qui a causé un préjudice grave aux détenteurs des droits», le Club des avocats rappelle que «le fait de copier des dessins et modèles sans égard pour la profonde signification culturelle qu’ils revêtent, et l’origine de leur création peut porter atteinte à l’identité d’une communauté tout entière».
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Enfin, la missive attire également l’attention de la direction allemande de la marque de sport sur le fait «qu’au-delà de l’exploitation économique de ces éléments de l’identité culturelle marocaine, le fait d’identifier un élément culturel traditionnel originaire d’un pays et l’adjuger à un autre pays, peut s’apparenter à une manœuvre politique, puisqu'il s'agit de la volonté de supprimer une culture en faveur d’une autre».
Adidas Mena dispose ainsi d’un délai de quinze jours à partir de la réception de cette lettre, pour retirer la collection de maillots sportifs destinés à l’équipe de football algérienne, et «en cas de carence prévoir une communication relative aux motifs utilisés issus de l’art de Zellige marocain, et éventuellement verser une partie des bénéfices pour les artisans marocains détenteurs de droits».
De son côté, le ministère marocain de la Culture se réserve le droit d'utiliser toutes les voies de recours judicaires possibles devant les tribunaux allemands et internationaux, ainsi que devant les organismes relatifs à la protection du patrimoine et les droits d’auteurs, dont l’Unesco et l’Office marocain de la propriété intellectuelle et commerciale (OMPIC), afin de protéger les éléments du patrimoine culturel marocain de ces tentatives illicites d’appropriation.