Selon un bilan provisoire recueilli par Le360 auprès de plusieurs sources (banques, professionnels et administration), le montant des avoirs déclarés dans le cadre de cette opération d’amnistie devrait dépasser les 30 milliards de dirhams concernant le cash déposé auprès du secteur bancaire (Attijariwafa bank occupant la tête du classement), auxquels s’ajoutent environ 20 milliards de dirhams correspondant entre autres aux acquisitions immobilières et aux apports en comptes courants d’associés, soit un volume total assaini d’environ 50 milliards de dirhams.
En retenant la contribution libératoire de 5% prélevée sur ces montants, l’opération devrait drainer environ 2,5 milliards de recettes fiscales, qui vont apparaître dans le budget général de l’État au titre de l’année 2025 (les banques sont obligées de verser ces prélèvements au Trésor dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration). On est donc loin des montants fantaisistes avancés par certains médias, qui tablaient sur 20, voire 50 milliards de dirhams de prélèvements atterrissant dans les caisses de l’État.
«Un dispositif bien étudié»
Pour autant, l’opération a été un incontestable succès, avec un volume total assaini dix fois plus élevé que celui drainé lors de l’amnistie de l’année 2020, certes fortement impactée par la pandémie de Covid-19.
«Cette année, le dispositif a été bien étudié. L’opération a été précédée d’une vaste campagne de contrôles ciblant les grandes fortunes non déclarées au fisc», souligne cet expert-comptable. Et d’ajouter: «Le système de la Direction générale des impôts (DGI) repère les contribuables concernés en fonction de leurs dépenses, en comparant celles-ci avec les revenus déclarés. Quand un grand écart est détecté, le contrôle est automatiquement enclenché».
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L’opération a donc pris une nouvelle dimension à la suite de cette vague massive de contrôles fiscaux, menée entre la fin septembre et début octobre 2024, en se basant sur des «indicateurs de richesse». Industriels, promoteurs immobiliers, hauts fonctionnaires, professions libérales… la DGI a ratissé large, et aucun secteur ou catégorie n’y a échappé.
Les contribuables concernés ont compris qu’ils ont déjà été identifiés et repérés par l’administration fiscale. Et que le message est clair: «On vous connaît tous. Cela ne sert à rien de vous cacher. Allez payer une taxe de 5% sur vos avoirs non déclarés, sinon, vous devrez payer plus de 37% une fois passée l’échéance du 31 décembre 2024». Ceux qui espéraient une prolongation des délais ont été déçus le jour où la loi de finances 2025 a été publiée au bulletin officiel, coupant ainsi court aux rumeurs spéculant sur une reconduction de l’amnistie.
C’est dans ce contexte qu’il faut situer le rush observé ces derniers jours, à l’approche de l’échéance du 31 décembre, au niveau des banques et des perceptions relevant de la Trésorerie générale du royaume (TGR). «C’est un phénomène très sain, qui dénote d’une grande confiance dans cette opération. Les gens ont compris que l’administration fiscale est suffisamment outillée pour contrôler tout le monde», note ce chef d’entreprise.
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Du côté des banques, les clients fortunés s’empressaient de déposer leurs bas de laine composés en espèces. «Les montants déclarés et déposés auprès du secteur bancaire ont atteint des niveaux records, avoisinant un milliard de dirhams par jour», nous confie un haut responsable d’une banque.
À telle enseigne que certaines agences bancaires ont même refusé d’encaisser de petites sommes. «Sous prétexte d’avoir dépassé le seuil toléré par le système d’information, je n’ai pas réussi à verser dans mon compte les 125.000 dirhams issus de la vente de ma voiture d’occasion», témoigne Rachid, jeune client d’une banque à Casablanca. Pis encore, des avoirs d’un montant de 400.000, voire 600.000 dirhams, n’ont pu être traités faute de temps et de disponibilité du personnel bancaire et administratif. Submergées par le cash, les agences bancaires ont préféré se concentrer sur les sommes importantes. Le seuil s’est ainsi spontanément établi autour de 10 millions de dirhams, sachant que celui fixé par la loi pour être soumis à un contrôle fiscal est de 240.000 dirhams par an (soit 960.000 dirhams sur quatre ans).
30 milliards injectés dans le circuit bancaire
Les banques apparaissent ainsi comme de grandes gagnantes de cette opération qui dote les circuits financiers de plus 30 milliards de dirhams. Ce qui ne manquera pas d’impacter positivement les investissements et les prêts accordés aux entrepreneurs.
En attendant le bilan définitif de cette amnistie fiscale, bientôt annoncé par le gouvernement, les avis sont unanimes sur le succès de l’opération, qui semble avoir atteint tous ses objectifs. En effet, sachant que la DGI tablait elle-même sur un volume global de l’ordre de 60 milliards de dirhams, on peut d’ores et déjà conclure que les grandes fortunes du pays, qui constituent la cible principale de cette amnistie, ont joué le jeu en injectant plus de 30 milliards de dirhams de cash dans le circuit formel.