Le gouvernement, qui a dévoilé ses hypothèses pour le projet de la loi de finances (PLF), a annoncé un taux de croissance prévisionnel avoisinant les 4,6% pour l’année 2025. Un niveau bien au-dessus des prévisions avancées jusqu’ici par d’autres institutions. Le Haut-Commissariat au plan (HCP) et la Banque mondiale s’attendent à un taux de croissance de 3,7%, alors que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque africaine de développement (BAD) escomptent des taux respectifs de 3,3% et de 3,8%.
Pour Mohamed Jadri et Mehdi Lahlou, deux économistes interrogés par Le360, les prévisions du gouvernement en termes de croissance pèchent par un fait: elles reposent en grande partie sur l’hypothèse d’une pluviométrie normale, alors que la sécheresse est devenue au Maroc une donnée quasi structurelle.
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Ainsi, parmi les hypothèses retenues dans le cadre de la préparation du PLF 2025 figure une campagne céréalière de 70 millions de quintaux, qui équivaut à la récolte d’une année normale. Il suffirait donc qu’une nouvelle année de sécheresse advienne, et que cette hypothèse ne se vérifie pas, pour que les prévisions de croissance du gouvernement soient caduques, prévient Mohamed Jadri.
Parallèlement, l’industrie, sur laquelle compte le gouvernement pour compenser partiellement le manque à gagner observé dans le secteur agricole, peine à apporter une contribution significative, relève Mehdi Lahlou. En effet, selon le HCP, la valeur ajoutée des industries de transformation devrait enregistrer une croissance d’environ 3,2% en 2025 (contre 2,7% en 2023 et une prévision de 3,1% en 2024). Avec de tels niveaux de croissance, l’industrie n’est pas en mesure d’apporter une contribution déterminante à l’économie nationale, souligne Mehdi Lahlou.
La facture énergétique, une contrainte majeure
Pour Mohamed Jadri, la deuxième contrainte qui guette les projections de l’exécutif est l’évolution des prix des matières premières à l’international, notamment le pétrole. L’économiste rappelle qu’en 2022, la facture énergétique marocaine a dépassé les 15 milliards de dollars, une dépense qu’il juge excessive pour une économie comme la nôtre.
Cette contrainte est d’autant plus sérieuse que les tensions géopolitiques persistent (guerres en Ukraine et à Gaza), pouvant faire basculer à tout moment le contexte actuel, marqué par un reflux de la vague inflationniste et un retour à la stabilité des prix des matières premières (pétrole, céréales…), ajoute notre interlocuteur.
Selon lui, l’économie nationale risque d’enregistrer encore une fois une croissance molle, insuffisante pour la création de richesse et d’emploi. Même la récente baisse du taux directeur à 2,75% n’y changera rien, son impact étant plutôt de nature «psychologique, annonçant aux ménages et aux investisseurs la fin de la vague inflationniste». Pour que cet assouplissement monétaire puisse impacter réellement la croissance économique, il doit être suivi par d’autres baisses, jusqu’à arriver à taux directeur de 2,25%, voire de 2%, soutient-il.
Créer un million d’emplois entre 2021 et 2026, une utopie
Dans ces conditions, affirme Mohamed Jadri, ce sera extrêmement difficile pour le gouvernement de tenir son engagement à créer un million d’emplois entre 2021 et 2026. En effet, les taux de croissance enregistrés en 2022 (1,5%) et 2023 (3,4%) et ceux prévus pour les années 2024, 2025 et 2026 (entre 3 et 3,5%) ne peuvent permettre un tel volume de création d’emploi.
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En fait, précise-t-il, généralement, chaque point de croissance génère entre 16.000 et 20.000 emplois. Donc, ce rythme de croissance du PIB devra permettre de créer à peine entre 60.000 et 80.000 postes d’emplois par an.
Pour pouvoir créer suffisamment d’emploi et de richesse, l’économie nationale devra atteindre le niveau de croissance annuelle visé par le Nouveau modèle de développement (NMD), insistent les deux économistes.
Sachant que «les chantiers principaux du NMD, du fait de leur portée transformationnelle favoriseraient la transition vers un nouveau palier de croissance annuelle du PIB pouvant s’établir à 6% en moyenne à partir de 2025 et à 7% à partir de 2030», est-il indiqué dans le NMD, dont le rapport a été publié au printemps 2021.