S’il y a bien un ministre qui devait accompagner le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, lors du dernier point de presse hebdomadaire, c’est bien celui chargé du Budget, Fouzi Lekjaa –l’homme qui maîtrise son sujet.
Et pour cause, jeudi 6 octobre 2022, le gouvernement venait d’approuver un projet de décret autorisant l’ouverture de crédits supplémentaires de l’ordre de 12 milliards de dirhams au profit du budget général de l’Etat. C’est la deuxième fois en l’espace de quatre mois que le gouvernement opte pour une rallonge budgétaire après le décret actant en juin dernier une rallonge de 16 milliards de dirhams.
Le communiqué officiel sanctionnant cette nouvelle décision est resté évasif sur le contenu du nouveau décret, se contentant de dire que les 12 milliards de dirhams serviront à limiter l’impact de la conjoncture difficile (répercussions persistantes de la pandémie, hausse des prix) sur les établissements publics (sans préciser la liste des établissements concernés).
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Si on peut comprendre facilement l’aisance avec laquelle le gouvernement a pu mobiliser les 12 milliards de dirhams (eu égard au bon comportement des recettes fiscales cette année, performances exceptionnelles du groupe OCP, etc.), la destination de ce montant mérite d’être clarifiée.
Le degré zéro de la communicationLe360 a cherché à en savoir plus, plusieurs départements ministériels, y compris la Primature, nous ont orientés vers le ministère du Budget qui, faut-il le dire, gagnerait à se doter d’une cellule de communication dont il ne dispose pas. Contacté à maintes reprises, le ministre Fouzi Lekjaa est resté, lui aussi, injoignable.
A en croire nos confrères de Hespress, qui viennent de publier quelques détails ce lundi 10 octobre, sur les 12 milliards de dirhams de crédits supplémentaires, 2 milliards iront directement à la Caisse marocaine des retraites (CMR), 7 milliards de dirhams sont au profit des établissements et entreprises publics et 2,5 milliards de dirhams sont destinés à la rubrique «Matériel et dépenses diverses» du budget général de l’Etat.
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Si on a du mal à trouver un lien entre la CMR et les effets de la guerre russo-ukrainienne, la fragilité du régime des pensions civiles de cette caisse n’est un secret pour personne. L’ex-ministre des Finances, Mohamed Benchaaboun, avait déjà alerté sur la situation des réserves de ce régime qui devraient passer de 70,65 milliards de dirhams en 2020 à 54,21 milliards de dirhams en 2022, touchant ainsi le seuil maximum réglementaire nécessitant un ajustement paramétrique (l’équivalent de deux ans de cotisations). Cette situation exige une augmentation du taux de cotisation à 39% contre 28% actuellement. Mais au lieu de relever les cotisations, le gouvernement a, semble-t-il, décidé d’utiliser l’argent des contribuables pour sauver les équilibres de la CMR.
A quelques jours du dépôt du projet de loi de finances (au plus tard le 20 octobre prochain), le ministère délégué du Budget est appelé à revoir sa méthode de travail pour y inclure un minimum de communication, notamment avec les médias. Car comme le stipule le texte «constitutionnel» de la loi organique des lois de finances qui encadre les prérogatives de ce ministère, «La transparence des finances publiques est une condition sine qua non de la gouvernance de l’action publique. Au-delà de l’amélioration de la gouvernance, la transparence constitue un enjeu majeur de la démocratie».