Dans cette interview, Badr Ikken dissipe la confusion entre énergie propre et énergie renouvelable, avant d’évoquer le colossal potentiel du Maroc, les défis réglementaires à surmonter, et les projets novateurs tels que Noor Ouarzazate et Noor Midelt.
Le360: Pouvez-vous expliquer la nuance entre les termes «énergie propre» et «énergie renouvelable»?
Badr Ikken: Toutes les énergies propres ne sont pas forcément renouvelables, mais elles ont en commun la réduction des émissions de CO2. Par exemple, l’éolien et l’hydroélectrique émettent respectivement 9 et 11 g de CO2/kWh, comparés au charbon qui produit plus de 1.000 g et le gaz naturel plus de 400 g. Les énergies renouvelables, quant à elles, sont considérées comme inépuisables car elles proviennent de ressources naturelles se renouvelant à un rythme supérieur à leur consommation, telles que le soleil, le vent, la cinétique de l’eau dans les barrages, etc. L’intégration du nucléaire dans la catégorie des énergies propres suscite des débats en raison de ses déchets radioactifs, malgré son faible impact carbone. Tout comme l’hydrogène vert, qui est également au cœur des discussions, ce vecteur énergétique visant à décarboner les transports et les processus industriels difficiles à électrifier.
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Quel est le potentiel du Maroc en énergies renouvelables, selon vos observations?
Le Maroc affiche un potentiel considérable, avec 49.000 terawatt-heure (TWh)/an pour le solaire et 11.500 TWh/an pour l’éolien. Des institutions comme l’IRESEN et MASEN travaillent activement pour exploiter ces ressources, et la stratégie nationale vise la neutralité carbone d’ici 2050, avec plus de 90 mesures d’atténuation et un mix diversifié incluant 49% d’éolien, 44% de solaire, 4% de gaz naturel, 1% d’hydraulique, 1% de biomasse et 1% de nucléaire. Le potentiel d’énergie marine, bien qu’intéressant (~35 GW), demeure relativement modeste en comparaison avec le solaire et l’éolien.
Quelle était la contribution des énergies renouvelables à la capacité électrique installée au Maroc en 2023?
En 2023, les énergies renouvelables représentaient 41,2% de la capacité électrique installée au Maroc, contribuant ainsi à un mix énergétique dépassant les 20%. Toutefois, il est crucial de noter que cette contribution ne représentait que 9,1% de la consommation nette de cette même année.
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Quels sont les projets majeurs en développement au Maroc pour répondre aux besoins nationaux en matière d’énergie durable d’ici 2027?
Actuellement, MASEN développe 3.640 MW pour répondre aux besoins nationaux jusqu’en 2027. Cela inclut des projets solaires tels que Noor Midelt I et Noor PV II avec une capacité de 2.070 MW, ainsi que des projets éoliens comme Nassim Repowering Koudia Al Baida, Nassim Jbel Lahdid, et Nassim Tiskrad avec une capacité de 1.570 MW. Le secteur privé, encouragé par l’ouverture du marché, s’engage également dans le développement de centaines de mégawatts, comme le groupe OCP qui projette de produire 5 GW d’énergie renouvelable d’ici 2027, avec l’objectif audacieux d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2040.
Quels sont les principaux défis que le Maroc doit surmonter pour accélérer sa transition énergétique, selon vos observations?
Malgré une vision claire et un engagement des secteurs public et privé, le Maroc doit surmonter plusieurs défis pour accélérer sa transition énergétique. Cela inclut l’entrée en vigueur des décrets régissant les autorisations conformément à la loi 13-09, la définition des conditions d’accès aux installations de production d’énergie renouvelable, et l’application des décrets liés à l’autoproduction d’énergie électrique selon la loi 82-21. La concrétisation des stratégies nationales bas carbone et de développement durable ainsi que la cohérence des politiques publiques représentent également des enjeux étendus pour l’ensemble des secteurs.
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Un autre défi majeur est la décarbonation des secteurs difficiles à électrifier, impliquant des filières comme l’aviation, le maritime et la sidérurgie. Quant à l’hydrogène vert, bien que prometteur, ses effets ne seront visibles qu’à moyen et long terme, il est donc crucial d’opérationnaliser rapidement l’offre marocaine en créant un environnement propice pour attirer investisseurs, développeurs et industriels.
Pourriez-vous nous expliquer les particularités des projets Noor Ouarzazate et Noor Midelt?
Noor Ouarzazate se compose de centrales solaires thermiques à concentration, avec Noor I et II équipées de capteurs cylindro-paraboliques d’une capacité de 160 et 200 MW respectivement, et Noor III sous forme de tour solaire d’une capacité de 150 MW avec 7 heures de stockage thermique. Une quatrième centrale solaire de 72 MW, Noor IV, utilisant la technologie photovoltaïque, a également été réalisée à Ouarzazate.
En ce qui concerne Noor Midelt, le complexe comprend une centrale d’hybridation solaire thermique à concentration (CSP) et deux centrales photovoltaïques de 400 MW chacune, avec un stockage électrochimique de 400 MWh. Cette approche s’aligne avec la baisse des coûts du photovoltaïque et des batteries, rendant cette technologie plus attractive que le CSP. Le coût du kilowattheure photovoltaïque est actuellement inférieur à 30 centimes de dirham sans stockage et à moins de 60 centimes avec batteries.