Entretien avec Driss Benhima: «je ne regrette pas la SAMIR et je reste réticent à toute nouvelle expérience similaire»

Driss Benhima.

Driss Benhima. . DR

Ancien ministre de l’Energie et des mines, Driss Benhima se dit contre l’idée de reprendre l’activité de raffinage au Maroc. Le seul intérêt qu’il voit dans l’avenir de la SAMIR est de raser la raffinerie et d’utiliser son terrain pour augmenter le nombre de réservoirs et renforcer les capacités de stockage des hydrocarbures.

Le 25/07/2022 à 09h54

Le sort incertain de la raffinerie de Mohammedia est à l'origine de nombreux débats et donne lieu à des prises de position diverses. Les propos récemment tenus par la ministre de la Transition énergétique, Leila Benali, aussi bien au Parlement que dans les médias, n’apportent pas de réponse claire et tranchée à ce propos.

Aux complications de la procédure de liquidation judiciaire, s’ajoute donc un flou inexpliqué sur la stratégie du gouvernement et la place qu’occupera l’activité de raffinage dans le futur schéma énergétique national.

Dans cet entretien, Driss Benhima, ancien ministre de l’Energie (1997-1998), fin connaisseur du secteur énergétique (il a été le directeur général de l’Office national d’électricité, de 1994 à 2001), a clairement exprimé l'idée que l’explosion des marges de raffinage à l’international ne justifie pas un redémarrage de la SAMIR.

Un raffineur national isolé, petit en taille et protégé, n’est pas en mesure de garantir la plupart du temps des prix compétitifs, a estimé Driss Benhima, pour lequel la privatisation de la SAMIR a été «une longue suite d’échecs où, comme dans les tragédies grecques, les protagonistes sont emportés contre leur gré vers un dénouement tragique».

Quel est votre avis sur le sort actuel de la SAMIR et sur le retard pris dans le processus de sa liquidation?Le processus de liquidation d’une entreprise d'une taille aussi importante avec des parties prenantes étrangères et des litiges soumis à des arbitrages internationaux est forcément très lent et il va encore durer longtemps, c’est impossible de faire autrement. Si je peux oser quelques commentaires sur les seuls aspects que je comprends un peu, c’est que l’acceptation du recours au Centre international pour le règlement des différends (CIRDI), centre d’arbitrage proche de la Banque Mondiale, est une erreur récurrente des pouvoirs publics marocains dans la négociation de leurs contrats internationaux.

Le CIRDI a la réputation d’être plutôt, je n’ose pas dire systématiquement, favorable aux intérêts privés par rapport aux Etats dans les arbitrages qu’il rend. Je me rappelle que l’ONE avait imposé la Chambre de Commerce Internationale de Paris, statuant en Droit Marocain, pour le contrat de Jorf Lasfar mais que l’investisseur a obtenu du gouvernement, après même la signature du contrat de Jorf Lasfar, de revenir au CIRDI comme cour d’arbitrage parce que c’est cela qui avait été accepté dans les autres grandes privatisations de l’époque, comme la privatisation de la SAMIR et la distribution d’eau et d’électricité à Casablanca. Voilà un point à soumettre à la nouvelle Agence Nationale des Participations Publiques qui devrait statuer sur la normalisation des clauses d’arbitrage dans les contrats des entreprises publiques.

Bref, la privatisation de la SAMIR a été une longue suite d’échecs où, comme dans les tragédies grecques, les protagonistes sont emportés contre leur gré vers un dénouement tragique. Et dans mon idée, la source de cette tragédie a été la création même de la raffinerie, mais c’est une longue histoire.

Pensez-vous que la Samir pourrait être utile pour faire baisser significativement les prix des carburants si elle était opérationnelle dans le contexte actuel?Je crois me rappeler que du temps de la SAMIR monopole d’état marocain, on disait que la SAMIR n’a pu être compétitive par rapport au marché international que 15% du temps. Donc, il vaut mieux serrer les dents et traverser les périodes où le marché mondial des produits raffinés présente des prix exagérés parce qu’en général un raffineur national isolé, petit en taille et protégé, même s’il est inefficace dans sa gestion, n’est pas en mesure de garantir la plupart du temps des prix compétitifs.

Maintenant, si la Samir ne dispose pas d’une protection quelconque de son marché, alors je ne vois aucun inconvénient à ce qu’elle redémarre mais je ne crois pas que nous trouvions beaucoup de repreneurs si on ne leur donne pas un avantage de marché.

En bref, cette situation de marges de raffinage exagérées ne devrait pas durer et cela ne justifie donc pas un redémarrage de notre raffinerie.

Etes-vous favorable à l’idée de louer les bacs de la raffinerie pour augmenter les capacités de stockage des hydrocarbures à l’échelle nationale?Je n’y suis pas seulement favorable, je le préconise pour plusieurs raisons: la capacité des réservoirs de stockage de la SAMIR est encore supérieure, malgré les investissements des cinq dernières années, à la totalité des stockages existants dans notre pays et il est utile de disposer de capacités importantes pour assurer la sécurité énergétique du pays, de permettre aux importateurs de mieux jouer sur la fluctuation des prix internationaux par des stocks de régularisation et enfin de créer des ressources importantes pour rembourser certaines dettes de l’entreprise et en particulier les dettes sociales.

Le seul intérêt que je vois dans l’avenir de la SAMIR est de raser la raffinerie et d’utiliser le terrain pour augmenter le nombre de réservoirs. Je comprends qu’il y a des contraintes juridiques qui pénalisent la location actuelle des bacs mais comme ce stockage serait créateur de valeur, je suis sûr que des juristes compétents peuvent imaginer des approches légales et rapides qui feraient consensus.

Le Maroc a-t-il encore besoin d’une raffinerie de pétrole?Je crois que vos lecteurs ont compris que je ne le pense vraiment pas. Mais si un investisseur voulait racheter la SAMIR ou construire une nouvelle raffinerie sans demander aucun avantage de marché, en étant garanti qu’il sera soumis au même environnement fiscal, douanier, administratif, environnemental et social que ses grands concurrents internationaux, alors ce serait une excellente chose.

Le Maroc doit être un pays de libre entreprise, il ne doit pas être question d’empêcher un investissement industriel de cette ampleur. Mais il doit être clair que cela ne doit pas se faire en échange d’une quelconque garantie de marché ou d’un avantage quelconque. Je rappelle que le privatiseur de la SAMIR avait obtenu, en plus du maintien sur une longue durée d’une protection douanière, la garantie que l’administration marocaine ne changerait pas la normalisation de la qualité des produits raffinés sans son accord, ce qui lui a permis de longues années de continuer, comme d’ailleurs le monopole d’Etat précédent, de livrer aux consommateurs marocains des produits polluants et enfin que tout projet de nouvelle raffinerie devait être soumis à son accord. Décidément, je ne regrette pas la SAMIR et je reste réticent à toute nouvelle expérience similaire.

Par Wadie El Mouden
Le 25/07/2022 à 09h54

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Le milliardaire nigérian Dangoté est en train de construire un complexe pétrochimique à 25 milliards de dollars, il sera bientôt opèrationnel. L'industrie pétrochimique pour le Maroc doit être aussi importante que l'industrie automobile! La corèe du Sud et ses 44 millions d'habitants exporte pour 90 milliards de dollars (860 Milliards de DH!) de produits dèrivés de pétrole sans produire un seul baril, ce qui en a fait un pays plus riche en revenu par habitant que la France.

Le gars ne sait pas de qoui il parle

C’est normal que ce type ne regrette rien ! C’est lui le responsable de la fermeture de la mine de Jerada , il mal géré et il ne sait rien gérer et là où il passe il laisse des mauvaises traces , soit des faillites, soit des échecs ! Il est passé wali à Tanger , catastrophe CRI de tanger , catastrophe Royal Air Maroc , catastrophe OCP , catastrophe La fermeture de la mine de Jerada , catastrophe Au lieu de trouver une transition industrielle, lui a cherché la fermeture. Pour moi ce monsieur , il doit aller sans retour ni par la petite porte ni par la grande porte. Je me rappelle bien de lui quand il a assisté à la réunion des présidents des régions à casa où il n’ pas arrêté de caresser dans le sens du poils Illias Aloumari quand il était président de la région Tanger

On sait maintenant pour qui ce monsieur roule. Comment refuser au Maroc la possibilité d'avoir une indépendance énergétique même partielle. Dans la vie il n'y a pas que la rentabilité économique pure, il y a aussi la possibilité de pouvoir soutenir son pays en toute circonstance. Triste de terminer sa carrière sur de telles positions qui n'apporte rien aux marocains si ce n'est un sentiment que les élites se fichent de la majorité à condition de se remplir les poches. A ce compte pourquoi produire du blé si ailleurs on produit mieux et moins cher, ou encore des médicaments et la liste est longue...

Cet homme ne regrette pas la SAMIR, pourtant elle a ravagé tout le littoral, plus précisément celui de Mohammedia avec sa magnifique faune et sa flore qui ont presque totalement disparu à cause des émissions massive dans l'eau d'hydrocarbures suite à la corruption qui a permit à de nombreux navires de rejeter les restes de carburant directement dans l'eau au lieu de faire une vidange dans les règles qui nous savons aurait coûté de l'argent.

Vous n'avez strictement rien compris. Il dit qu'il ne regrette pas l’arrêt de la Samir, ce qui va exactement dans votre sens. Vous ne pouvez tout de même pas lui reprocher de dire quelque chose qui va dans votre sens! Lisez attentivement avant de réagir.

Concernant la reprise ou non des activités de la SAMIR, il est navrant de voir à quel point l'on occulte complètement les conséquences inéluctables et radicales d'une immobilisation prolongée sur des équipements implantés en bord de mer. Compte tenu du temps d'immobilisation extrêmement long intervenu et de l'avenir que l'on ne peut appréhender, il ne serait pas du tout surprenant d'apprendre, après expertise, que la raffinerie serait tout simplement à rebuter, la corrosion ayant fait son œuvre. Aussi, avant de spéculer sur une reprise quelconque il y lieu de s'assurer d'abord que l'actif SAMIR n'est plus qu'un tas de ferraille. Je rejoins la réflexion de M.BENHIMA sur le réemploi du site. Trouver des issues aux litiges, le reste, j'en ai bien peur, serait à oublier.

Je ne crois pas que M. Driss Benhima soit un homme d'état. En effet, à mon humble avis, la SAMIR est une institution royale, en relation avec l'état depuis son indépendance. Les propos de M. Benhima me rappelle les critiques qui ont été adressés à l'encontre de feu Hassan II à propos de la mosquée qui porte son nom. Le facteur temps a donné raison au souverain à plusieurs égards. Par exemple, l'artisanat marocain a retrouvé son passé glorieux!

Je crois qu on devait confier le sort de la Samir à des cadres compétents et décisionnels comme Benhima pour étudier analyser et surtout imposer la solution la plus raisonnable et la moins coûteuse pour l état.

La démanteler sera sa priorité dans l'esprit de rentabiliser les biens immeubles dont l'hôtel avanti tout celà avec une stratégie de développement immobilier de classe incorporant le golf limitrophe..... Il est expert en la matière

La Samir a été cédée dans le cadre d'un circuit financier complexe où intervient le Droit suédois saoudien et marocain. Comment concilier les 3 voies relève du mystère... Le saoudien acte en portage au nom de dignitaires Saoudiens ce qui n'est un secret pour personne. Quant à ce monsieur je crois qu'il aurait mieux fait de se taire tout ingénieur qu'il est....car si on doit suivre sa conclusion les raffineries en Espagne doivent elles aussi baisser le rideau

Quand les saoudiens sont entrés au capital, ils ont endetté la Samir au delà de sa capacité d'endettement normal, la conduisant tout droit vers la faillite. A croire que c'était prémédité!

Réponse à Petit, tu as raison mais à quoi ça sert maintenant qu'ils ont rempli leurs comptes bancaires.

Autant desindustrialiser le pays quand d'autres pays develippes reindustrient. Avec des rheiries pareilles on devient juste des commercants . Adieu l'emploi . Nos jeunes doivent chercher ailleurs .

Merci à nos chers gouvernants d'avoir autorisé le patron de la Samir de nous vendre des carburants pollués et d'empoisonner les marocaines et marocains.

Ah bon? D'où tenez-vous cette vérité sentencielle ? Merci de nous éclairer

L'interview à mon avis présente le point de vue experte et libre du problème SAMIR, loin du populisme et la pêche dans le lac du consentement public et politique .

Ce qu'il faut c'est une stratégie globale tenant compte de la transition énergétique et du passage vers l'énergie propre. Dans l'immédiat, il faut penser au renforcement des capacités de stockage pour assurer l'alimentation de l'industrie et des foyers en produits pétroliers et produire de l'electricite. Le gaz est un facteur principal pour le moment. Les capacités de stockage peuvent être étalées sur les sites naturels tel que le sel à Mohammedia et les gisements de gaz déjà exploités et depletés du bassin du Gharb.

C'est bizarre ce monsieur n a pas fait grand chose à la tête de la RAM, il passait son temps à jouer du saxophone.

Il n'est pas normal que le propriétaire de Afriquia doive gérer le dossier de la Samir.

Quelle tristesse de lire de pareilles sottises !!!! Pour certains le Maroc ne doit surtout pas se développer et ne jamais atteindre l’indépendance énergétique ça me fais mal au cœur de les entendre !

Ce monsieur n'a jamais été nommé en charge de l'énergie pour ses compétences en la matière. Aujourd'hui nous avons une ministre qui a cumulé une bonne expertise. A votre avis, qui devons nous croire ? Celui qui a occupé plusieurs responsabilités et n'a jamais donné satisfaction dans aucune d'entre elles ou celle qui est là depuis moins d'un an et qui a déjà à son actif ne serait-ce que le réapprovisionnement du royaume en gaz ?

@Mohammed, on devrait les croire tous les deux, car au sujet de la raffinerie ils disent strictement la même chose: la fermer purement (cfr déclaration de la Ministre Leila Benali le 29 juin 2022). Quant aux compétences, tous les 2 sont ingénieurs de formation, et ont donc en principe les outils de base pour gérer n'importe quel secteur (avec l'aide de conseillers spécialiés si nécessaire). (Je ne connais personnellement ni l'une ni l'autre !).

Ce qui serait bien ce serait de mettre en prison les responsables de tout ce gâchis. On peut toujours rêver

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