L’information a été rapportée par nos confrères de L’Economiste dans son édition de ce lundi 29 juin. Un avant-projet de loi diffusé auprès des membres du gouvernement prévoit la création d’un Conseil national de l’information statistique (CNIS) et d’une Agence nationale de la statistique (ANS). Des observateurs consultés par le quotidien économique y voient une volonté de vider le Haut commissariat au Plan (HCP) de ses prérogatives et surtout son indépendance vis-à-vis du gouvernement.
D’après les premières informations dévoilées, l’ANS serait gérée par un directeur général et un conseil d’administration dont les membres seraient nommés par le Chef du gouvernement. Sa mission consisterait à collecter et à produire de l’information économique, démographique et sociale ainsi que l’établissement des comptes de la nation.
«Je l’ai appris à travers la presse. Je n’ai pas été consulté à ce sujet. Les initiateurs de ce projet, au cas où celui-ci aurait un caractère officiel, ont probablement des raisons cachées», relève Ahmed Lahlimi, Haut commissaire au Plan, contacté par Le360. Pour le numéro 1 du HCP, l’idée de créer une agence nationale de la statistique n’est, ni plus ni moins qu’une simple «revendication partisane qu’on ressort souvent sous cape en période préélectorale». Nul besoin ici de rappeler que le PJD est le seul parti à militer pour la création d’une agence nationale de la statistique placée sous la tutelle du gouvernement.
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Par ailleurs, la mise en place du CNIS n’est pas une idée nouvelle en soi. En octobre 2010, dans un message adressé aux participants à une rencontre scientifique à l’occasion de la Journée mondiale de la statistique, le roi Mohammed VI a appelé à prendre les dispositions législatives et règlementaires relatives au CNIS. Le souverain avait insisté sur la nécessité de cerner les concepts de la statistique avec rigueur, de veiller à la transparence de ses méthodes et de s'assurer de la plus large diffusion possible des résultats issus des travaux statistiques.
«Mais pour y parvenir, chaque pays doit disposer d'un corps de statisticiens de haut niveau de formation scientifique et technique, jouissant d'une réelle indépendance dans l'exercice de leurs fonctions. Ils se doivent donc de rester à l'écart de toute influence, quelle qu'en soit l'origine (source de financement, obédience idéologique, prise de position ou orientation politique), et ce, afin qu'ils donnent une image et fournissent des données objectives sur la conjoncture ou la stratégie faisant l'objet de leurs travaux», peut-on lire dans le message royal d’octobre 2010.
Suite à cela, le HCP s’est attelée à préparer un projet de loi portant création de cette haute instance statistique, dans laquelle devraient siéger des membres du gouvernement, le wali de Bank Al-Maghrib, les représentants des entreprises, de la société civile, des universités, etc. Soumis fin 2010 au secrétariat général du gouvernement, ce projet a longtemps traîné dans les tiroirs avant de figurer à l’ordre du jour d’un Conseil de gouvernement, le 27 mai 2015, présidé par Abdelilah Benkirane. Le gouvernement s’était alors fendu d’un communiqué annonçant le report de l’examen dudit projet, le temps d’approfondir son étude par une commission dédiée. Mais c’était juste une manière de remettre le texte sous le tapis, puisque ni l’étude ni la commission n’ont pu voir le jour depuis cette date.
«Nous avons l’ambition de créer une institution de haut niveau, chargée de superviser tout le système statistique national et de veiller au respect des normes internationales. Il me semble que celle-ci a été réduite dans sa composition à une simple commission administrative», regrette Lahlimi. Selon lui, si cette agence devait avoir la moindre chance d’exister, ce serait la pire des nouvelles pour le Maroc. «Notre pays ne peut être à la merci des calculs partisans s’agissant du domaine de la statistique. Ce n’est ni une affaire du HCP ni celle du gouvernement. C’est la souveraineté du pays qui est interpellée», insiste Lahlimi, n’hésitant pas à s’interroger sur les raisons ayant empêché le gouvernement El Othmani de consulter les institutions concernées par cet avant-projet de loi, comme le veut la tradition. «Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup», conclut le patron du HCP en reprenant la pique lancée en 2011 par Martine Aubry à son adversaire de la primaire PS, François Hollande.