Le PDG de Royal Air Maroc (RAM) reste optimiste malgré la crise sanitaire qui a porté un coup d’arrêt brutal au transport aérien. «C’est une crise mondiale qui a touché toutes les compagnies aériennes. Notre ADN est solide. Nous avons toujours su nous renouveler et trouver les ressources, la créativité et le dynamisme nécessaires pour sortir de cette crise. Je suis extrêmement confiant», a d’emblée affirmé Abdelhamid Addou.
Le patron de RAM a bien voulu communiquer les résultats de l’année 2020 (l’exercice fiscal s’achève à fin octobre), faisant état d’un chiffre d’affaires limité à environ 5 milliards de dirhams (contre 16 milliards de dirhams en 2019), un résultat net déficitaire de 3,5 milliards de dirhams et un trafic en repli de 85% par rapport à son niveau habituel.
«Du 1er novembre 2019 à fin février 2020, le trafic et le chiffre d’affaires étaient en croissance à deux chiffres. La pandémie est venue ensuite clouer au sol tous les avions, à l’instar de toutes les compagnies, ce qui a provoqué une détérioration des indicateurs d’activité», note Addou. «Heureusement que nous avions un niveau de trésorerie (cash flow) qui était supérieur aux années précédentes et qui nous a permis de tenir pendant plusieurs mois, jusqu’à la fin de l’été, sans avoir recours à une quelconque aide de l’Etat», a-t-il ajouté.
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Réuni en novembre dernier, le conseil d’administration a donné son feu vert à une augmentation de capital pour un montant de 3,4 milliards de dirhams.
«Les deux actionnaires que sont l’Etat et le Fonds Hassan II ont réagi avec beaucoup de célérité pour mettre en place les moyens à même de maintenir la pérennité des opérations de Royal Air Maroc. Car nous nous devions de continuer à opérer», indique Addou. L’augmentation de capital a ainsi permis de maintenir la conformité réglementaire du ratio résultat/capital social.
Le plan de sauvetage de RAM s’appuie également sur des crédits bancaires garantis par l’Etat, pour un montant de 2,4 milliards de dirhams.
«Nous sommes en phase finale des négociations avec les banques. La dette va nous permettre d’éponger le passif lié à un certain nombre d’engagements que nous avions en 2019 et en 2020 et que nous n’avions pas pu honorer faute d’entrées d’argent», a-t-il précisé.
L’augmentation de capital et la dette garantie par l’Etat ont fait l’objet d’une convention signée, l’été dernier, entre RAM et ses principaux actionnaires que sont l’Etat et le Fonds Hassan II. En contrepartie, le management de RAM a pris l’engagement d’opérer une cure d’amaigrissement en lançant un plan d’austérité drastique qui a permis d’économiser plus de 1 milliard de dirhams de dépenses prévues en 2020. Un plan social a entre-temps été enclenché, recouvrant une opération de départs volontaires et un vaste mouvement de licenciements économiques.
Le plan de sauvetage prévoit également une réduction de 30% de la flotte de RAM (celle-ci comprend 59 appareils). «Nous le faisons de manière prudente. Il ne s’agit pas de brader les actifs. D’un côté, nous ne savons pas comment la demande du trafic va reprendre et évoluer. De l’autre, le marché mondial des avions est saturé», renchérit Addou. Ce dernier annonce au passage le lancement, dans les prochains jours, d’un appel d’offres international pour la cession de 6 avions Boeing 737-700.
Interrogé sur l’état d’avancement du plan social, lequel prévoit 858 suppressions d’emplois, Addou a fait savoir qu’un peu plus de 600 collaborateurs ont dû quitter la compagnie (entre licenciements économiques et départs volontaires).
«Nous sommes en train de finaliser le plan social tel qu’il était prévu initialement», a-t-il ajouté, n’excluant pas une nouvelle vague de départs ciblant, cette fois-ci, les salariés de la filiale Atlas Multiservices (plus de 300 stewards et hôtesses de l’air sont concernés).
Quid de la relance du tourisme?Mardi 8 décembre, dans un communiqué conjoint, RAM et l’ONMT ont annoncé l'ouverture, dès le 15 décembre prochain, de 15 nouvelles lignes point à point reliant Marrakech, Agadir et Dakhla à des villes européennes. Faut-il y voir le signal du début de la reprise du tourisme?
«Ne nous emballons pas», a répondu le patron de RAM. «Nous avons senti quelques frémissements en termes de demande par rapport à certaines destinations… Ces vols peuvent sauver partiellement le mois de décembre mais ne peuvent en aucun cas sauver la saison d’hiver qui a démarré le 1er octobre. Aucune destination n’a pu tirer son épingle du jeu pendant cet hiver du fait de la pandémie», a-t-il ajouté.
A propos du retard pris dans la commercialisation de ces nouveaux vols, il serait dû à la conjoncture exceptionnelle induite par la crise sanitaire.
«La décision d’achat se fait à la dernière minute par le client. Nous suivons quotidiennement les tendances sanitaires, pays par pays», poursuit Addou.
«Les 15 routes ne seront pas lancées simultanément. Certaines routes ne posent aucun problème puisque les citoyens de ces pays peuvent se déplacer d’une manière complètement libre», insiste-t-il.
Et de conclure: «Nous sommes obligés d’être prudents pour y aller crescendo. N’oublions pas une chose. RAM traverse encore une crise financière importante. Nous ne pouvons pas prendre de risques majeurs qui risquent de déséquilibrer nos moyens financiers en engageant des avions qui seraient vides, sans chiffre d’affaires, avec des coûts importants».