L’opération de libération du domaine public maritime sur la corniche de Dar Bouazza traverse une phase d’incertitude marquée. Les bulldozers peuvent surgir à tout moment, au risque de gâcher le plaisir des estivants qui pullulent en cette période dans les plages privées de cette paisible commune, nichée à 20 kilomètres au sud de Casablanca. Les propriétaires des lieux vivent dans l’expectative d’une décision irrévocable.
«Deux semaines avant le ramadan, nous avons reçu une notification nous enjoignant de vider les lieux dans un délai de 15 jours», nous confie le patron d’un restaurant à Dar Bouazza. Il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir reçu la lettre de la province de Nouaceur, qui sonne comme un dernier avertissement avant une possible intervention de la force publique.
Au total, sept restaurants et plages privées se trouvent aujourd’hui en situation irrégulière d’occupation du domaine public sur la corniche de Dar Bouazza. Leurs noms ont été dévoilés fin février dernier, quand la presse a fait écho de la mise en demeure que leur a envoyée le gouverneur de Nouaceur, Abdallah Chater, les sommant de restituer les terrains. La liste comprend Sunny Beach, Baya Beach (Les 3 Mâts), Seven Beach Balboa 1, Malibu Beach (Nomade Beach), Atlantic Boulevard, Taloche et Babaloo Beach.
Aperçu du restaurant Babaloo Beach, le vendredi 21 juin 2024. (A. Gadrouz/ Le360)
Le délai de 15 jours durant lequel les occupants du domaine public maritime devaient quitter les lieux a expiré, voire a été largement dépassé, mais cela ne semble pas inquiéter les autorités outre mesure. Comme on peut le constater dans ce reportage réalisé par Le360, vendredi 21 juin 2024, les restaurants et plages privées visées par la missive de la province de Nouaceur continuent de fonctionner comme si de rien n’était.
«Nous sommes tous restés là. Personne n’est venu nous demander de partir», confirme le gérant d’un restaurant rencontré sur place.
La question se pose alors de savoir quelle suite sera donnée à ce dossier et, surtout, quelles sont les raisons qui auraient retardé l’exécution de la décision de libérer le domaine public maritime. Nos nombreuses tentatives pour joindre le gouverneur de la province de Nouaceur, Abdallah Chater et le président de la commune de Dar Bouazza, Hicham Ghafir, n’ont pas abouti.
Citant des sources proches du dossier, certains propriétaires affirment que les autorités locales auraient donné leur assentiment pour maintenir le statu quo et fermer les yeux jusqu’à fin septembre, histoire de ne pas compromettre la saison estivale qui draine la plus grande partie du chiffre d’affaires annuel.
La cessation d’activité, si elle a lieu, ne sera sans doute pas sans conséquences sur le personnel de ces entreprises qui emploient plus de 400 permanents et saisonniers. De leur côté, les propriétaires s’y sont déjà préparés et sont conscients de leur situation irrégulière vis-à-vis de la loi. Les contrats de location qui les autorisaient à occuper temporairement le domaine public maritime sont arrivés à échéance en 2018 et, depuis, n’ont pas été renouvelés. Auparavant, ces contrats étaient régulièrement reconduits pour une durée de 10 ans.
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«En renonçant au renouvellement des contrats, les autorités locales veulent s’octroyer le droit de venir à tout moment nous demander de déguerpir les lieux. Ce moment est arrivé en février 2024», ironise notre interlocuteur qui pointe un manque de communication flagrant chez les administrations concernées, y compris le ministère de l’Équipement et de l’Eau dont relève le domaine public maritime. On n’en saura pas plus sur les véritables intentions qui se cachent derrière cette opération. Certains ont laissé entendre que celle-ci serait le prélude d’un vaste chantier d’aménagement de la corniche de Dar Bouazza, dans le cadre des préparatifs du Royaume pour accueillir la Coupe du monde 2030. Mais aucune source officielle n’a pour l’heure confirmé cette éventualité.
Notons enfin que cette opération de libération du domaine public maritime à Dar Bouazza ne concerne pas les restaurants et les plages privées installés sur des terrains titrés. C’est notamment le cas de Scara’Bay et La Isla Bonita (Casa José). «Nous n’avons reçu aucune notification de la part des autorités», confirme un membre du management. Toutefois, le fait d’avoir un titre foncier ne les exonère pas de subir une procédure d’expropriation si les autorités décident de réaliser un projet d’aménagement d’utilité publique à l’échelle de la zone littorale de Dar Bouazza.