Président-directeur général d’OCP Group, Mostafa Terrab aurait pu choisir mille et une manières de réagir à l’article de Le360 décryptant les dessous de l’ouverture de capital envisagée par le géant des phosphates s’agissant de sa filiale OCP Nutricrops. Il a opté pour la pire. Confier sa communication de crise à un repris de justice, ancien collaborateur du groupe qui plus est, voilà qui n’est pas vraiment approprié. Terrab aurait pu se contenter d’un communiqué explicatif, d’une mise au point ou d’un droit de réponse que nous aurions été en devoir – et heureux – de relayer. Il a désigné un journaleux sous pseudonyme, passé maître dans l’art de mettre son talent d’écrivant au service de qui paie le plus cher et pour qui la gratuité n’est de mise que quand il s’agit d’attaquer les confrères. Il y a d’ailleurs erreur dans le traitement: le sujet, ce n’est pas Le360, mais le plus important asset du pays… et de très loin.
Que nous apprend Le Desk et son à la fois patron, rédacteur en chef, journaliste vedette, directeur commercial – nommons Ali Amar? Que, soudain, l’ouverture du capital d’OCP Nutricrops, sciemment requalifiée en «privatisation», n’est pas envisagée. On passera sur les mots soi-disant savants, les anglicismes pour faire genre et le jargon financier servant à donner un semblant d’allure à des propos pour le moins alambiqués, pour retenir que le groupe phosphatier sursoit finalement à une proposition pourtant bien réelle.
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Pour l’anecdote, et graphiques à l’appui, Le Desk a été parmi les premiers à sortir le scoop, tout d’un coup devenu fake news. Ce même média annonçait en fanfare une opération de carve-out évaluée à près de 30 milliards de dirhams, prélude à une levée de fonds sur les marchés financiers. «Le Groupe OCP se transforme vers un modèle multi-business autour de 7 Strategic Business Units. Pour ce faire, OCP S.A a procédé à une opération de carve-out au profit d’OCP Nutricrops S.A, transférant près de 30 MMDH d’actifs. Ce fleuron industriel intégré serait amené à faire appel aux marchés financiers et à s’ouvrir aux capitaux privés, y compris via la bourse», écrivait Ali Amar sous couvert de son pseudo fétiche (Kenza Filali) dans un article «exclusif» soufflé par le top management du groupe et publié à grands coups de superlatifs le 20 avril 2024. Ceci, sous le titre évocateur de «Comment OCP compte financiariser son développement industriel».


Cela était du temps où la garde rapprochée de Mostafa Terrab voulait prospecter les réactions à sa proposition, exposée lors du dernier conseil d’administration du Groupe qu’il dirige. Dire aujourd’hui qu’il n’en est rien, c’est se défausser. Fake news, dites-vous? En bon filou, Ali Amar n’est pas sans savoir que les écrits ont cette fâcheuse manie de rester. Les traces numériques aussi.
Un rétropédalage non assumé
Plus sérieusement, l’option d’ouverture du capital d’OCP Nutricrops a toujours été sur la table, et ce, depuis l’annonce de lancement de la filiale, censée porter toutes les ambitions du pays en matière d’engrais et de solutions de fertilisation sur mesure. Une annonce faite en 2022, matérialisée en 2024.
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Si l’information sur l’ouverture du capital, pour lever entre 5 et 7 milliards de dollars d’ici 2027, a fait le tour des rédactions de référence comme Reuters ou Bloomberg, Le360 l’apprend de source sûre, siégeant au conseil d’administration d’OCP Group. Une proposition formelle a été soumise par Mostafa Terrab au même conseil en juillet dernier; l’idée continuait jusqu’ici à faire son chemin, certifie notre source. Aujourd’hui, et via Le Desk, le top management d’OCP suggère, entre deux invectives à notre égard, avoir changé de fusil d’épaule. «Il a plutôt proposé à l’État actionnaire la création d’un nouveau fonds d’investissement baptisé OCP Finance, et non l’ouverture de capital d’OCP Nutricrops. Ce projet s’inscrit dans une dynamique industrielle cohérente qui vise à renforcer l’autonomie financière et l’agilité commerciale de la filiale OCP Nutricrops», nous «révèle»-t-on. Dont acte. Ce que cache la création d’OCP Finance est une autre histoire. Le Desk ose des monstruosités tarabiscotées du genre: «ce fonds est pensé comme un outil de financement structurant visant à soutenir le développement industriel d’OCP Nutricrops sans toucher à l’actionnariat public ni ouvrir son capital». Comment? Les entreprises privées vont faire des dons à OCP! Nous y reviendrons.
De la (mauvaise) gouvernance
Plus sérieusement encore, Mostafa Terrab, en patron d’un organisme public, propriété de l’État – et accessoirement de tous les Marocains – aurait facilement pu avoir le courage soit d’expliquer le bien-fondé de la brillantissime idée de céder des parts d’OCP Nutricrops en avançant publiquement ses arguments, soit de dire que, finalement, la piste aux lourdes conséquences est passée à la trappe. Ce qui est visiblement le cas actuellement. Au lieu de cela, il lie le destin du joyau de la richesse nationale, et le sien propre, à une petite officine de production de contenu à la criée, qui traîne un nombre incalculable de casseroles et d’affaires en justice. Indigne.
La démarche, comme le rétropédalage non assumé s’agissant d’une décision engageant l’avenir de tout le pays et sa souveraineté économique, est la dernière d’une longue série de décisions de Terrab qui interrogent. Comment expliquer, sinon, que depuis la pandémie du Covid-19, le siège d’OCP Group est, à aujourd’hui, un manoir hanté, les équipes nombreuses continuant à «travailler» à distance? Que dire du véritable monopole imposé par JESA, la filiale génie civil d’OCP, sur les marchés du groupe phosphatier, à l’exclusion de tout le tissu entrepreneurial national censé profiter de l’effet de ruissellement qu’OCP se doit d’entraîner? Et que penser de la véritable gabegie marquant l’éclatement des «métiers» du groupe sur l’enseignement supérieur, l’hôtellerie ou encore la santé? Quid du saccage écologique de la palmeraie de Marrakech, en y implantant un complexe bétonné sur plusieurs hectares? Sans parler du sport avec des infrastructures olympiques, mais que le top management refuse de partager avec des équipes nationales qui en ont grand besoin. L’exemple de ces piscines dont la taille a été raccourcie de quelques centimètres pour ne pas correspondre aux normes olympiques, à la seule fin d’empêcher l’équipe nationale de natation de s’y entraîner, en dit long. Sur toutes ces questions, et bien d’autres, nous ne manquerons pas de revenir.
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