Télécoms: IAM et Inwi soldent leur contentieux et scellent un partenariat historique

Les sièges sociaux d'Inwi et de Maroc Telecom.

Les sièges sociaux respectifs d'Inwi, à Casablanca, et de Maroc Telecom, à Rabat.

Maroc Telecom et Inwi annoncent un accord historique mettant définitivement fin à leur litige. Inwi rétrocède 2 milliards de dirhams à Maroc Telecom, qui abandonne tout recours devant la justice. En prime: la création de deux joint-ventures pour un partage équitable des réseaux de fibre optique et des installations 5G. Les deux opérateurs inaugurent ainsi une nouvelle ère de développement des télécoms, au grand bénéfice des usagers et des nombreux secteurs qui en dépendent. Les détails.

Le 27/03/2025 à 13h00

Tout est bien qui finit bien. C’est ainsi que peut se résumer l’accord historique conclu ce jeudi 27 mars 2025 entre Maroc Telecom et Inwi, objet d’un communiqué conjoint des deux opérateurs publié ce jour. En conflit ouvert depuis plusieurs années, à cause du monopole de fait -et désormais de l’histoire ancienne- imposé par l’ancien patron de l’opérateur historique sur les infrastructures télécoms du pays, les deux opérateurs décident d’enterrer définitivement la hache de guerre et d’ouvrir une nouvelle page qui va rebattre les cartes dans le secteur au Maroc.

Rétrocession de 2 milliards de dirhams à Maroc Telecom

Première mesure actée: une rétrocession par Inwi de 2 milliards de dirhams à Maroc Télécom au titre de l’amende dont avait écopé l’opérateur historique pour abus de position dominante. Le 3 juillet 2024, la justice avait condamné en appel Maroc Télécom, poursuivi pour pratiques anticoncurrentielles, à payer le montant de 6,3 milliards de dirhams à Inwi, à titre de dommages et intérêts. Le paiement a été effectué au cours du même mois de juillet, évitant ainsi à Maroc Telecom une procédure de recouvrement forcé. «Les parties transigeront en renonçant à tous les recours judiciaires pendant devant la Cour de cassation et réduiront le montant de l’indemnisation à 4,38 milliards de dirhams», lit-on.

La rétrocession précitée fait suite à un accord à l’amiable pour clore ce dossier et éviter de prolonger le feuilleton devant la Cour de cassation. Ayant perdu son procès en première instance et en appel, Maroc Telecom avait en effet annoncé, le 24 juillet dernier, un pourvoi en cassation. Si le feuilleton judiciaire est ainsi achevé, le verdict en appel a surtout mis en lumière la nécessité d’une réforme structurelle du secteur des télécommunications. Avec l’accord de ce jeudi, son processus est entamé. Et au-delà de toute espérance.

Des joint-ventures comme rampes de lancement de la 5G et de la fibre optique

C’est là le plus important: Maroc Telecom et Inwi ont décidé la création de deux joint-ventures à parts égales. L’objet de cette association à 50/50 est de mettre en place un partage des infrastructures liées à la fibre optique et des équipements relatifs à la 5G. Dans ce cadre, les deux opérateurs créent, d’une part, une «FiberCo» dédiée à l’accélération du déploiement de la fibre optique jusqu’aux abonnés sur le territoire du Royaume, «afin de leur permettre un accès à Internet à très haut débit, grâce au déploiement et à l’exploitation des infrastructures passives nécessaires aux lignes de fibre optique, avec un objectif d’un million de prises dans 2 ans et de 3 millions de prises à horizon 5 ans».

Ils mettent en place, d’autre part, une «TowerCo» consacrée à l’accélération du déploiement du réseau 5G sur le territoire du Royaume. Objectif: «permettre aux abonnés une connexion dont la rapidité, la capacité et la qualité seront nettement supérieures», avec des investissements «dans la construction de nouvelles tours ou la rénovation des tours existantes, infrastructures passives d’accueil de leurs équipements de téléphonie mobile, avec un objectif de 2.000 tours dans 3 ans et de 6.000 tours à horizon 10 ans». L’investissement prévu s’élève à 4,4 milliards de dirhams pour la première phase de 3 ans.

Nouvelle ère pour le développement des télécoms

«Ces infrastructures passives mutualisées seront ouvertes à tout opérateur détenteur d’une licence lui donnant droit au partage des infrastructures passives dans le strict respect de la règlementation en vigueur», précisent Maroc Telecom et Inwi. La mise en œuvre de ce partenariat restera soumise à l’obtention de l’autorisation de l’ANRT au titre du contrôle des opérations de concentration.

Cette annonce, vu son impact sur les cours, a été précédée par la suspension le même jeudi de la cotation des titres de Maroc Telecom, et ce, à la demande de l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC).

Cet accord, comme les joint-ventures qui en découlent, augure une nouvelle ère pour le développement des télécoms au Maroc. Un secteur très attendu, notamment à l’aune de la co-organisation par le Maroc de la Coupe du monde 2030 et de tous les espoirs que suscite la stratégie nationale Digital Morocco 2030. Entre autres, celle-ci prévoit une couverture 5G atteignant 70% de la population d’ici 2030. Le déploiement de cette technologie est attendu dès cette année, pour couvrir 25% de la population d’ici 2026. La même stratégie cible un accès de 5,6 millions de foyers à la fibre optique en 2030 (et 4,4 millions dès 2026).

Enjeu: le Maroc de demain

De ce déploiement dépendra la capacité du pays à enclencher les autres axes de la stratégie Digital Morocco 2023, notamment la montée en gamme et le développement d’un hub marocain de l’outsourcing et du digital à l’export. L’enjeu majeur réside dans l’employabilité des jeunes et l’optimisation des revenus à l’export.

Les emplois devront doubler d’ici 2030 dans l’offshoring, passant de 130.000 actuellement à 190.000 en 2026, avant d’atteindre 270.000 en 2030. Quant aux revenus à l’export, ils devront passer de 15,8 milliards de dirhams actuellement à 25 milliards en 2026, avant de monter à 40 milliards de dirhams en 2030. Autant dire que les enjeux sont énormes et qu’en entreprises citoyennes, Maroc Télécom comme Inwi se montrent déjà à la hauteur pour les porter.

Nouvelle philosophie de gestion

Côté Maroc Telecom, l’accord de ce jeudi 27 mars est un véritable baptême du feu pour le nouveau président de son directoire, Mohamed Benchaâboun, qui a succédé à ce poste, le mardi 25 février dernier, à Abdeslam Ahizoune. Il marque surtout une nouvelle philosophie de gestion et de développement du secteur ayant pour priorité l’intérêt national et celui des Marocains. Une approche en totale rupture avec les pratiques ayant pu prévaloir jusqu’ici dans le secteur des télécoms, et qui ont toujours cours dans d’autres secteurs.

À cet égard, on ne peut s’empêcher de penser aux ententes sur les prix qui sévissent entre les opérateurs dans des secteurs comme la distribution des carburants, pour ne citer que cet exemple de rente, avec le profit -et toujours plus de profit- comme seule lanterne. Au détriment du pouvoir d’achat des Marocains, mais aussi du plein déploiement du potentiel économique national. Jusqu’à quand? Pour paraphraser le slogan de campagne d’un certain RNI, «le Maroc mérite mieux». Et tout de suite, de préférence.

Par Tarik Qattab
Le 27/03/2025 à 13h00

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