Dans le quartier Gauthier de Casablanca, un incessant va-et-vient s’opère entre différents immeubles d’une même rue. On sonne chez le voisin, les bras chargés de gourmandises et qu’on soit juif ou musulman, on est bienvenu à partager tout au long de la journée et de la soirée des victuailles en tout genre.
Pendant la Mimouna, la magie opère et renaît tout à coup l’esprit de ce Maroc tolérant qui parvient à réaliser le difficile mais néanmoins possible mélange des cultures et des religions.
Cette fête populaire, célébrée depuis trois siècles dans les communautés juives originaires d’Afrique du Nord, consiste à inviter ses voisins à partager son repas afin de marquer la fin de la période de Pessa’h pendant laquelle on évite de manger hors de chez soi afin de ne pas risquer de consommer d'aliments contenant du levain.
Au Maroc, la Mimouna a également ses propres variantes. Ainsi, le premier pain d'après la Pâque introduit dans la maison est un cadeau fait par les voisins musulmans à leurs voisins juifs. Cet aliment ne pouvant être cuisiné dans une maison juive tant que la fête de Pessa'h n'est pas complètement terminée, ce sont les voisins musulmans qui le préparent et l’apportent à l’occasion de la Mimouna.
Sur la table, poisson, Mroziya, miel, beignets, leben... sans oublier la fameuse Moufleta, une sorte de crêpe, et le Zaban, un nougat dont petits et grands raffolent . Un vrai festin qui se passe sur fond de musique arabo-andalouse ou de chaâbi, dans la communion la plus totale.
"TERBHOU OUTSAADOU" se souhaite-t-on en chœur, pour célébrer ce jour sacré qui porte chance aux futurs mariages.
Si certains attribuent l’étymologie de la Mimouna à Ray Maïmon Ben Yossef Hadavan, père de Moïse Maïmonide, d’autres le rapprochent du mot arabe «Mimoun» qui signifie chance, ou encore du mot hébreu «emouna» qui signifie croyance. Par ailleurs, cette fête célébrée depuis le XVIIIe siècle au Maroc présente de nombreuses similitudes avec les rituels du Nouvel An amazigh, «yannayer».
Dans son ouvrage L’esprit du Mellah, Joseph Toledano explique que la Mimouna était la seule fête durant laquelle le voisin musulman jouait un rôle indispensable. Il approvisionnait ses voisins juifs et leur prêtait son champ pour y pique-niquer le lendemain. On apprend aussi dans ce livre que les juifs se retrouvaient le lendemain de la Mimouna près des sources d’eau et que les Arabes y voyaient un signe de bénédiction pour leurs prochaines récoltes.
En Israël, l’influence des juifs marocains est telle que la Mimouna est devenue une fête nationale.