Vous voulez tout savoir sur les enjeux réels liés à la transition énergétique en cours au Maroc, être au fait la stratégie ambitieuse portée par le Maroc, un pays aux infinies ressources en la matière et donné en exemple? Le tout, en 26 minutes montre en main, avec des informations précises, des points de vue divers et des avis éclairants? L’épisode du programme «Talking Business» diffusé le 28 avril sur la chaîne britannique BBC News est fait pour vous.
La grande question que se pose la chaîne est «Comment un pays comme le Maroc peut (prétendre) résoudre à la fois les deux équations majeures actuellement sur la table, et à l’échelle mondiale: disposer d’une énergie accessible, en l’occurrence l’électricité, tout en préservant l’environnement et la durabilité?» Sur le papier, la réponse est simple. L’ambition du pays est de produire 52% de son électricité grâce aux énergies renouvelables d’ici 2030. S’y ajoute la volonté d’exporter cette électricité au reste du monde, notamment au Royaume-Uni et à l’Union européenne. Et que l’on se rassure, «plus de 40% des capacités de production électrique installées au Royaume sont basées sur des énergies renouvelables, et ce, depuis l’année dernière», a affirmé Leila Benali, ministre en charge du dossier, dont on aura par ailleurs apprécié la grande aisance en anglais face au so British Aaron Heslehurst, un des animateurs vedettes de BBC News.
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Sur instructions du roi Mohammed VI, le Maroc a été parmi les premiers à s’engager sérieusement sur la voie des énergies renouvelables, et ce, depuis 2009, rappelle la chaîne. Bien des initiatives ont été prises ces dernières années, mais le besoin d’accélérer la cadence est un impératif partagé par tous les intervenants interrogés par «Talking Business». Pour Moundir Zniber, PDG du développeur d’hydrogène vert Gaia Energy, la voie des énergies renouvelables n’est pas réellement un choix. «D’une part, le pays n’a pas de ressources pétrolières ou gazières sur lesquelles se reposer. De l’autre, le potentiel en solaire et en éolien est tout simplement extraordinaire (6,5 kWh par m², en plus d’un potentiel éolien dépassant les 25.000 MW en onshore et les 250.000 MW en offshore, NDLR). Il y a une place à prendre pour satisfaire non seulement les besoins locaux, mais aussi ceux de notre environnement proche, en Europe et en Afrique. Le Maroc est la plus grande opportunité pour l’Europe afin que celle-ci puisse se sortir de sa dépendance vis-à-vis du gaz russe», a-t-il souligné.
Le gaz pour pallier l’intermittence
Pendant ce temps, le Maroc continue également de prospecter des gisements potentiels de gaz. Est-ce logique? Durabilité et énergies fossiles sont-elles conciliables? Pour Hajar Khamilichi, militante écologiste et experte en durabilité, on ne peut pas mener les deux «guerres» à la fois. «Au Maroc, nous parlons beaucoup des 52%, mais peu du reste. Cette ambivalence n’est pas saine. Il faut faire des choix clairs», plaide-t-elle. «Qu’on soit clair: ce n’est pas demain que nous allons pouvoir nous passer des énergies fossiles. Et le Maroc n’y est pour rien. La dépendance, je dirais l’addiction, au pétrole et gaz est mondiale. Si les prospections gazières en cours au Maroc aboutissent, nous serons très heureux. Il en va de notre souveraineté énergétique et c’est une quête légitime. Le conflit en Ukraine est passé par là. La priorité est d’abord d’atteindre le mix recherché dans lequel les énergies renouvelables contribuent fortement», rétorque le Moundir Zniber.
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Moëz Cherif, économiste principal en énergie à la Banque Mondiale, relève, lui, que le Maroc, par sa taille comme par la nature de son tissu productif, est loin d’être parmi les plus grands pollueurs de ce monde. «Il y a certes l’urgence écologique, mais une décarbonation totale de l’économie marocaine ne serait envisageable qu’à l’horizon 2050», précise-t-il. «C’est un long processus, et le gaz naturel, le moins polluant des énergies fossiles, peut servir de facilitateur quant à cette bien nommée transition. D’autant qu’à la date d’aujourd’hui, la question du stockage des énergies éolienne et solaire reste posée et que la solution de l’hydrogène vert nécessite du temps et des investissements lourds», rappelle-t-il. Leila Benali précise: «Si des découvertes de gaz sont établies au Maroc, ce sera d’abord pour nos besoins domestiques et pour pallier l’intermittence du système énergétique basé sur le renouvelable par une ressource bien moins polluante que le charbon par exemple, qui fait son grand retour de par le monde».
Marché domestique ou export?
Dans la mise ne place de sa stratégie de développement des énergies renouvelables, le Maroc mise gros sur l’export. Mais pourquoi? «D’une part, cela permet d’attirer non seulement des capitaux, mais aussi les technologies nécessaires à cette industrie. D’autre part, le tissu productif marocain a besoin de faire sa mue pour pouvoir carburer aux énergies propres, dont l’hydrogène vert», explique Moëz Cherif. Mais l’un ne suppose pas l’exclusion de l’autre. Marché local et export devront aller de pair. Négliger le marché national serait, à terme, une grande perte, soutient l’expert de la Banque mondiale.
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«En attendant, le marché existe déjà. L’Union européenne a une feuille de route claire sur ses besoins en hydrogène vert, secteur dans lequel le Maroc est appelé à jouer les premiers rôles. Sur les 20 millions de tonnes dont elle aura besoin d’ici 2023, l’UE devra en importer 10 millions», souligne, pour sa part, Moundir Zniber. Leila Benali abonde dans le même sens. «Notre position géographique et les liens historiques, tant avec l’Europe qu’avec nos partenaires africains, nous offrent une opportunité inégalée en termes d’échanges économiques et commerciaux. Pourquoi nous en priver? Le commerce est source d’empowerment. Cela dit, notre volonté est également d’assurer une énergie accessible à tous les Marocains et au tissu économique opérant au Royaume», explique la ministre.
Qui doit passer à la caisse?
Ambitieuse, la stratégie nationale en matière d’énergies renouvelables suppose, on l’aura compris, des moyens colossaux. Et une chose est sûre: ce n’est pas le gouvernement qui y mettra de l’argent. «Nous sommes des facilitateurs de business et d’accès aux financements. Aux entreprises de prendre les risques financiers et technologiques qu’elles peuvent convertir», tranche la ministre. «L’essentiel de ces investissements doit émaner du secteur privé. Pour l’État, le plus gros du travail est de libérer et réguler, notamment l’électricité. La vérité des prix est également capitale. Il faudrait une feuille de route et, surtout, un échéancier à la décarbonation dont découleront les bonnes politiques d’investissement. Le secteur privé, s’il est encouragé, fera le reste», soutient le patron de Gaia Energy.
L’enjeu est de taille. Le plus grand bénéfice pour le Maroc est sa capacité à se positionner en tant que hub industriel attirant des investissements importants et assurant des exportations non seulement d’énergies propres, mais aussi de produits industriels verts (automobile, fertilisants…), souligne Moëz Cherif. Citant un rapport de la Banque mondiale, ce dernier indique que la transition énergétique peut notamment générer 28.000 postes nets d’emploi par an. Au bas mot. Cela représente 9% du déficit actuel en emplois au Maroc. Il faudra donc y aller, et plus vite. Là-dessus, tout le monde est d’accord.