Après une première émission diffusée le 3 mars, les révélations explosives de l’enquête ont pris de telles proportions pour les opposants ayant accepté de témoigner que la chaîne française a décidé de consacrer une deuxième partie à ce sujet qui a fortement incommodé le régime d’Alger. De leur côté, les journalistes français expliquent assez naïvement qu’ils ne s’attendaient pas «à faire la Une des médias algériens» avec leur enquête, taxée d’«opération de communication» dans la presse algérienne.
La pression s’accentue sur les opposants algériens en France
Il y a quelques semaines, Ghilas Aïnouche et Aksel Bellabbaci, deux opposants au régime algérien réfugiés en France, se confiaient face caméra, et sans dissimuler leur identité, pour raconter les pressions exercées à leur encontre par les autorités de leur pays d’origine en vue de les faire taire. Mais depuis la diffusion de cette émission, le 3 mars, leur situation s’est aggravée et «ils subissent les lourdes conséquences» de leur prise de parole, expliquent les journalistes.
Dans le cas du dessinateur de presse Ghilas Aïnouche, les menaces et les pressions qu’il subissait jusqu’alors ont redoublé d’intensité. Il dit s’inquiéter désormais pour sa famille et pour lui-même, et explique que des proches en sont arrivés à avoir peur de le voir ou même de lui parler au téléphone. «Désormais, il ne sort quasiment plus, ou alors dissimulé derrière un masque et des lunettes», explique-t-on dans l’émission.
Boualem Sansal comme monnaie d’échange
Aksel Bellabbaci, qui a lui aussi témoigné à visage découvert dans la première enquête de France 2, subit les mêmes pressions que son concitoyen. Condamné par contumace à la prison à perpétuité pour «atteinte à l’unité nationale», le militant indépendantiste kabyle, membre du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), racontait les manœuvres entreprises par les autorités algériennes pour le faire taire.
Mais depuis la diffusion de l’enquête, «sa famille restée en Algérie est inquiétée», explique-t-on. «Le lendemain de la diffusion du reportage, à huit heures du matin, ils ont débarqué chez moi en Kabylie et ils ont forcé mon frère à faire une vidéo contre moi et contre notre mouvement», explique ainsi le militant du MAK en visionnant la vidéo de son frère qui déclare, en lisant péniblement un texte en français, n’avoir «aucun lien avec cette organisation terroriste qui réclame des revendications déraisonnables visant à diviser notre cher pays». Et le grand frère de lancer un appel à son frère Aksel «pour qu’il renonce à ses idées et retourne dans les bras de sa famille, car il n’est pas trop tard pour corriger ses erreurs».
Aksel Bellabbaci, qui dit sa souffrance de voir son frère contraint de livrer un tel témoignage, n’est toutefois pas surpris. «On a quand même affaire à un régime qui n’a pas de limites». L’opposant ne cache pas non plus son inquiétude, car «l’Algérie aurait demandé son extradition avec d’autres opposants contre la libération de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal», expliquent les journalistes, révélant que, selon leurs informations, «les autorités françaises auraient refusé».
L’Algérie, pseudo terre promise des opposants repentants
Au-delà des témoignages recueillis par les journalistes de France 2, ce qui aurait le plus suscité la colère des autorités algériennes, après la diffusion de la première enquête, c’est l’enregistrement audio inédit dans lequel sont révélées les paroles d’un haut cadre du consulat algérien pour «retourner» les opposants. On découvrait ainsi à son écoute qu’il était promis aux opposants, en échange de la dénonciation des autres membres du MAK en France, de pouvoir retourner au pays et de voir leur condamnation annulée.
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À ce sujet, un certain Mourad A., qui affirme travailler au ministère de l’Intérieur algérien et qui serait chargé d’approcher les opposants pour les convaincre de «rentrer dans le droit chemin», a à nouveau accepté de parler aux journalistes au téléphone. «Après notre enquête, loin de contester nos informations, il s’en réjouit au téléphone», explique-t-on. «Maintenant c’est tout le monde qui m’appelle pour rentrer. Celui qui n’était pas au courant de l’initiative de l’Algérie, et bien, maintenant il est au courant. En tout cas, je vous remercie», lance-t-il ainsi à la journaliste.
Une enquête qui n’a pas fini de faire couler de l’encre en Algérie, mais qui n’a pas échappé non plus aux autorités françaises, selon les journalistes qui affirment, en s’appuyant sur leurs informations, que «les consulats algériens sont plus que jamais placés sous très haute surveillance».
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