Dans cet édito, paru le 8 septembre 2022, dans le magazine dirigé par Natacha Polony, l’auteur de La France atlantiste, scrute les rapports de la diplomatie française avec ses partenaires du Maghreb, «dont elle a plus que jamais besoin», pour deux raisons majeures, au lendemain du retrait des troupes françaises du Mali: «aplanir les tensions en Afrique» d’une part, et «lutter efficacement contre le djihadisme international», d’autre part.
«Hélas!», tempère le chroniqueur, la principale ombre au tableau s’est profilée lors de la visite présidentielle en Algérie, laquelle «a fait prendre conscience que les plaies de l'Histoire n'étaient pas encore refermées».
France-Algérie, l’impossible réconciliationAinsi, dénonce l’auteur en pointant du doigt le chantage qui caractérise les rapports diplomatiques franco-algériens, quand d’un côté, «contre un peu de gaz, la France doit battre sa coulpe et livrer des milliers de visas», l’Algérie, elle, pensait pouvoir «profiter du retrait français du Mali et de la crise énergétique en Europe pour retrouver de l'influence à Bamako et à Paris».
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La France serait-elle en train de jouer un jeu dangereux en pactisant avec l’Algérie? Il y a lieu de le croire car, rappelle l’ancien élève de la prestigieuse école Saint-Cyr, évoquant la position de l’ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, la France traite avec un pays dirigé par des «généraux algériens (qui) sont parvenus à étouffer le Hirak après la chute du clan Bouteflika». In fine, déduit Hadrien Desuin, ce sont «la rente mémorielle et la clientèle de la junte au pouvoir depuis la fin de la guerre d'Algérie (qui) vont pouvoir se perpétuer».
Alors quelle(s) autre(s) alternatives au Maghreb pour la France? Qu’en est-il des rapports de la France avec les autres pays du Maghreb, dans un contexte qualifié d’«explosif» par l’auteur de ce billet? «La situation n'est pas beaucoup plus brillante à l'est d'Alger» juge le chroniqueur, car en Tunisie, «pays sans influence réelle en Afrique subsaharienne, le raidissement de la présidence de Kaïs Saïed est peu propice à un rapprochement politique avec la France».
La France n’a rien à attendre non plus d’un rapprochement avec la Libye, qui elle «est toujours plongée dans la guerre civile». C'est donc dans «ce contexte maghrébin explosif que se profile pour octobre la prochaine visite officielle d'Emmanuel Macron au Maroc», conclut l’auteur avant de déployer son plaidoyer pour un rapprochement avec le Maroc, pays «qui subit également un voisinage très difficile avec l'Algérie», et qui «peine à comprendre les effusions d'amour-haine échangés entre Paris et Alger».
De l’urgence de reconnaître la marocanité du SaharaEn effet, soixante ans après les indépendances, la France et le Maroc sont logés à la même enseigne, partageant le même constat quant à l’Algérie, celui d’efforts consentis pour développer leur voisinage avec l'Algérie «restés stériles». Alors, s’interroge Hadrien Desuin, «pourquoi s'entêter dans une réconciliation impossible?», sachant que les enjeux sécuritaires en Afrique de l'Ouest sont «pressants et nécessitent une riposte rapide» et que pour contourner «le verrou algérien», le Maroc lui, «offre une alternative si la France voulait bien reconnaître son rôle historique au Sahara».
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Cette reconnaissance de l’intégrité territoriale du Maroc par la France est d’autant plus pressante que les récentes prises de position des Etats-Unis et d’Israël sur la marocanité du Sahara «ont montré que la France pouvait perdre le Maroc sans gagner l'Algérie si elle persistait dans une position ambivalente sur ce sujet».
La réponse de la France et l’adoption d’une position claire de sa part est d’autant plus urgente, rappelle l’auteur, que l'Espagne et l'Allemagne se sont montrés favorables à la proposition marocaine pour l'autonomie du Sahara, devenue un axe principal de la diplomatie marocaine depuis le discours du 20 août dernier du roi Mohammed VI.
«La France aurait tout intérêt à relancer ses efforts en faveur de l'autonomie des provinces du sud-marocain si elle voulait s'appuyer sur Rabat pour redéployer son influence en Afrique de l'ouest» analyse le chroniqueur qui prend pour exemple à suivre, l’ouverture de consulats à Dakhla à Laâyoune par plusieurs partenaires de la France, en tête desquels les Etats-Unis, qui déjà, travaillent «au développement de leurs entreprises».
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Alors comment comprendre cette frilosité française alors même, rappelle-t-il, que «nos échanges économiques franco-marocains surpassent nettement ceux qui nous lient à l’Algérie en dépit de notre dépendance gazière», et que «le royaume chérifien est pourtant un allié solide dans la lutte contre l'islamisme radical»? La réponse reste en suspens…
Pour l’auteur du billet, il n’y a aucun doute quant à la position que devrait tenir la France, dont la place au Conseil de sécurité de l'ONU «est un atout dans le cadre de la MINURSO». Le constat de Hadrien Desuin est sans appel et oppose, implacablement, «une Algérie dont la junte persiste à forger son identité nationale dans la détestation de son ancienne métropole», et le Maroc «qui n'attend qu'un signal de notre part au Sahara pour que la France puisse de nouveau rayonner en Afrique».
Et de conclure, «il n'y a plus à hésiter. Le Maroc est notre seul allié crédible au Maghreb».