On a retrouvé l’ambassadeur Diego Mellado. La réunion au cours de laquelle il devait répondre de la situation en Algérie et du partenariat UE-Algérie devant les députés de la délégation Maghreb avait été annulée brutalement. Un mois plus tard, implicitement, un début d’explication… L’optimisme avec lequel il célèbre les vingt ans de l’accord d’association et l’attachement d’Alger à la dimension méditerranéenne de ses relations aurait résonné étrangement dans une enceinte où, la même semaine, les eurodéputés épinglaient le régime algérien à travers une résolution à charge, rappelant, comme le garantissent les priorités du partenariat UE-Algérie, l’importance que revêt l’état de droit afin de renforcer la liberté d’expression; soulignant que le renouvellement de l’accord doit se fonder sur la réalisation de progrès constants et substantiels dans ce domaine, et menaçant, de façon inédite, de conditionner les futurs versements de fonds de l’Union aux progrès accomplis en la matière. A entendre aujourd’hui le diplomate européen égrainer les bonnes nouvelles, on penserait presque qu’on a bien fait d’attendre la plénière suivante pour le recevoir au Parlement européen!
Quoi de neuf pourtant? A-t-on obtenu la libération de Boualem Sansal? Non, mais on est vraiment rassurés car, reçu par le Premier ministre, l’ambassadeur a pu relayer «les inquiétudes des Européens». L’Algérie est-elle revenue sur le monopole octroyé à la Grande Mosquée de Paris pour la certification Hallal des produits européens, en contradiction avec les règles du droit communautaire? D’aucune façon, mais une mission de la Commission européenne est actuellement en cours, à Alger, dans le cadre de la procédure de règlement des différends initiée en juin 2024, et ses conclusions seront adressées à la DG Trade pour «établir un diagnostic»…
Devant les députés , dont le français Castillo qui relève les nombreux contentieux entre les Européens et le régime algérien– commerce, droits de l’Homme, immigration– et avance que 2025 devrait plutôt être, pour Bruxelles, l’année du rapport de force, le diplomate souligne que les insatisfactions existent aussi, côté algérien. Que pour la partie algérienne, les engagements européens, notamment économiques, n’ont pas été honorés– et qu’il convient de revoir et corriger l’accord d’association. Qu’il n’existe pas d’instrumentalisation «à grande échelle» de la politique migratoire. Et à la question d’une élue française sur la solidarité de la Commission envers les États membres, qui consisterait en l’espèce en un soutien affiché à la France dans «l’affaire des influenceurs algériens», le diplomate polyglotte est resté muet.
En filigrane, on saisit surtout qu’il est difficile de se fâcher avec un voisin devenu partenaire stratégique dans le domaine de l’énergie. «Alger joue un rôle de premier plan pour diminuer la dépendance au gaz russe», et sur lequel on compte quant au volet sécuritaire régional: «l’UE devra réévaluer sa politique au Sahel et impliquer plus largement l’Algérie». On devine aussi que l’UE s’abrite derrière le «momentum politique» évoqué par l’ambassadeur, le Nouveau Pacte pour la Méditerranée, pour diluer les frictions entre les 27 et leur voisin de l’autre rive, notamment les tensions en bilatéral entre Alger et certains États Membres, dans un espace euro-méditerranéen qui «tient à cœur», selon les mots de Mellado, au partenaire algérien. Et pour cause. La perspective régionale est aussi, pour Alger, l’occasion de doper ses relations de voisinage, avec Tunis, voire également Tripoli. Les Européens doivent tenir compte des liens renforcés entre ces voisins maghrébins, la proposition de poursuivre entre eux les échanges vers un sommet, et d’aller dans le sens d’une plus forte coopération régionale. L’année 2025 sera bel et bien une année de rapport de force dans la relation UE-Algérie, mais Alger bénéficiera de deux leviers, à travers le Pacte pour la Méditerranée et la révision de l’accord d’association.
Écoutant le diplomate se réjouir de placer, aussi, le partenariat 2025 sous l’angle des échanges culturels et du développement des industries culturelles, sans un mot, dans son vibrant plaidoyer pour la culture lancé depuis Alger, de soutien à un écrivain européen qui croupit à quelques kilomètres de l’ambassade de l’UE, on se remet à espérer que Boualem Sansal puisse, un jour, nous gratifier d’une dystopie ayant pour capitale Bruxelles.
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