À la demande de cinq groupes, à savoir Patriotes pour l’Europe (PPE), Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D), Conservateurs et réformistes européens (ECR), Renew et enfin les Verts et l’Alliance libre européenne (Verts/ALE), une résolution commune a été adoptée ce jeudi 23 janvier 2025 au Parlement européen.
La libération de Boualem Sansal et des prisonniers d’opinion exigée dans l’immédiat
Adoptée à une écrasante majorité, à hauteur de 533 voix favorables contre 24, cette résolution qui s’articule en plusieurs points, «condamne l’arrestation et la détention de Boualem Sansal et réclame sa libération immédiate et inconditionnelle». Y sont détaillées les conditions de l’arrestation de l’écrivain et essayiste, âgé de 80 ans, afin de lister toutes les entorses aux lois internationales commises par le régime d’Alger. Outre celle à l’encontre de la liberté d’expression que représente le motif de son arrestation, on pointe ainsi du doigt le fait qu’il n’ait pas pu être localisé pendant une semaine, qu’il n’ait pas pu communiquer avec sa famille ou un conseiller juridique, considérant cela comme «contraire au droit international». Autre délit, la «violation de son droit à un procès équitable» en l’interrogeant en l’absence de son avocat.
Le texte souligne particulièrement les entraves à la liberté, en dénonçant la teneur de nouvelles modifications apportées par l’Algérie en 2024 à son code pénal, lesquelles «restreignent considérablement la liberté d’expression». Et ce, rappelle-t-on, en dépit du fait que le pays adhère «à la Déclaration universelle des droits de l’Homme» et «s’est engagé à respecter et à promouvoir la liberté d’expression, dans le plein respect de ses obligations internationales, des priorités du partenariat UE-Algérie et de sa Constitution».
Mais le cas de Boualem Sansal n’est pas isolé en Algérie et témoigne du modus operandi d’un régime qui ne souffre aucune voix contestataire. Ainsi, la nouvelle résolution ne s’y trompe pas et «condamne également les arrestations de tous les autres militants, prisonniers politiques, journalistes, défenseurs des droits de l’Homme et autres personnes détenues ou condamnées pour avoir exercé leur droit à la liberté d’opinion et d’expression, dont le journaliste Abdelwakil Blamm et l’écrivain Mohamed Tadjadit, et demande leur libération».
Et de rappeler au demeurant que la liberté d’expression a régressé en Algérie en reculant «à la 139ème place du classement mondial de la liberté de la presse en 2024» et «que les journalistes sont soumis à une pression croissante et sont souvent détenus et poursuivis». C’est le cas, détaille-t-on, d’au moins 215 personnes détenues en Algérie qui sont des prisonniers d’opinion, selon les défenseurs algériens des droits de l’Homme. La nouvelle résolution dénonce ainsi le fait que «la censure, les procès et les sanctions sévères à l’encontre de médias indépendants, souvent accusés de collusion avec des puissances étrangères contre la sécurité nationale, continuent de s’intensifier».
Pourtant, est-il précisé à titre de rappel, «entre 2021 et 2024, l’Union européenne a versé 213 millions d’euros à l’Algérie dans le cadre du programme indicatif pluriannuel». Encore un montant qui ne manquera pas de provoquer le déni du régime d’Alger, ce dernier ayant manifestement honte de recevoir des aides au développement et que sa nomenklatura se soigne en France sans payer la facture, alors qu’il s’agit soi-disant d’un pays pétrolier et gazier.
Des condamnations, des requêtes et une menace à peine voilée
Plusieurs demandes sont aussi émises à travers cette résolution, notamment celles formulées aux institutions de l’Union et la délégation de l’Union «de faire publiquement part de leurs préoccupations aux autorités algériennes» d’une part, et d’autre part «d’organiser une mission médicale afin d’évaluer l’état de santé de M. Sansal».
Autre requête, celle-ci formulée aux autorités algériennes: «revoir toutes les lois répressives qui restreignent les libertés, notamment les articles 87 bis, 95 bis et 196 bis du code pénal algérien, ainsi que l’indépendance du pouvoir judiciaire, afin de protéger la liberté de la presse consacrée à l’article 54 de la Constitution algérienne».
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Au passage, il est rappelé à l’Algérie «comme le garantissent les priorités du partenariat UE-Algérie, l’importance que revêt l’État de droit afin de renforcer la liberté d’expression». Ainsi, prévient-on, «le renouvellement de cet accord doit se fonder sur la réalisation de progrès constants et substantiels dans les domaines précités», car, ajoute-t-on à l’adresse de l’Algérie, les «futurs versements de fonds de l’Union devraient tous tenir compte des progrès accomplis en la matière». La menace de fermer le robinet des aides est brandie, bien que subtilement.
Enfin, le dernier point de cette résolution s’attache à charger la présidente du Parlement européen «de faire traduire la présente résolution en arabe et de la transmettre aux autorités algériennes, à la Commission ainsi qu’à la haute représentante pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne».